LE CARNET GELÉ
SOMMAIRE DU CARNET GELÉ
LE CARNET GELÉ
Saga historique romancée écrite en vers alexandrins
par Pierre BARJONET a/c février 2023,
relatant partiellement la campagne de Russie
engagée par Napoléon 1er en juin 1812,
et...
N.B. Mes lectrices et lecteurs trouverons en regard de chaque poème, des notes de bas de page regroupées après chaque poème, donnant des indications historiques ainsi que d'utiles précisions concernant la Grande-Armée du 1er Empire dans son environnement local. Il va sans dire que l'aspect de la romance reste cependant totalement imaginaire, mais tellement vraisemblable...
6 saisons de 10 épisodes chacune
pour un total de 60 poèmes
de 9 strophes de 4 vers alexandrins rimés.
SOMMAIRE
N.B : On peut cliquer directement sur les épisodes numérotés
pour accéder aux poèmes correspondants.
SAISON 1 " Marchons " (10 épisodes)
1 - NICOLAS Jeune tambour de 12 ans, Nicolas accompagne la Grande-Armée en Russie et franchit le Niémen sous une chaleur torride (Février 2023)
2 - PRÉSAGES Un terrible orage succède à la chaleur et décime hommes et chevaux tandis que Nicolas, prostré, protège son tambour de la grêle. (Février 2023)
3 - ROSE Rose la vivandière, a enfin rejoint Vilna où elle s’installe pour nourrir et abreuver les troupes lorsqu’elle se fait chaparder sa marmite par le tambour Nicolas (Février 2023)
4 - JOSEPH Présentation de Joseph, attaché à l’État-Major de Napoléon comme capitaine « Peintre des armées » qui réalise cartes et croquis du terrain ainsi que des portraits de leurs « conquêtes »… (Mars 2023)
5 - CARTES Les fêtes s’enchaînent à Vilna tandis que Napoléon hésite sur la route à prendre, mobilisant Joseph pour tracer des cartes. (Mars 2023)
6 - L'OCÉAN Les troupes déferlent à travers la Russie avec leur lot de déserteurs qui assaillent, violent et tuent de pauvres paysans. Rose secourt une malheureuse enfant. (Mars 2023)
7 - SILENCE Rose a pris sous son aile l’orpheline traumatisée par le massacre de sa famille, et qu’elle baptise du nom de Natacha. (Mars 2023)
8 - L'ÉCHIQUIER Comme aux échecs, Napoléon fulmine contre les Russes insaisissables, tandis que Joseph console Natacha près de Rose. (Mars 2023)
9 - CENDRES Nicolas joue les héros à la bataille de Smolensk, offrant un boulet à Rose tandis que le général Gudin est mortellement touché. (Avril 2023)
10 - MOSKOVA Joseph contemple avec dégoût le champ de bataille de Borodino/Moskova lorsque Antoine lui conte avoir prêté son tambour à Napoléon.
SAISON 2 " Brasier " (10 épisodes)
1 - LIVREUR Juste avant d’entrer dans Moscou, Nicolas se voit offrir par Napoléon un chien loup qui vient de lui rapporter sa poudrière. (Août 2023)
2 - FUMETS Nicolas, Rose, Natacha et quelques soldats ont trouvé refuge dans un palais. Mais Livreur les réveille car Moscou brûle. (Septembre 2023)
3 - PHÈDRE Rose, Natacha et Nicolas accompagnés de grognards découvrent une troupe de théâtre française sous les ruines d’une villa Moscovite. (Octobre 2023)
4 - LIOUBA Nos amis assistent à l’exécution d’un noble Russe incendiaire, Boris, dont la veuve Liouba se couche sur son corps avant que Joseph ne l’en retire, très ému. (Octobre 2023)
5 - LESSIVES Tandis que Rose réconforte Liouba avec Natacha auprès de lavandières, Nicolas, Livreur et des sentinelles patrouillent dans les rues. (Octobre 2023)
6 - FIGURANTS Suite à l’incendie de Moscou, la colère de l’Empereur ne faiblit pas, épouvantant Joseph, tandis que le pillage s’intensifie. (Novembre 2023)
7 - CLOCHES Ivres de pillage et de débauche, 3 cuirassiers entraînent Liouba sous la cloche « Tsar Kolokol » pour la violer, mais Joseph s’interpose. (Novembre 2023)
8 - FLOCONS Liouba se rend avec Joseph dans son palais détruit faire provision de vivres quand tombe la première neige. (Novembre 2023)
9 - COMÉDIE Napoléon surprend son monde en réorganisant la Comédie Française par le Décret de Moscou, puis fait jouer une pièce. (Novembre 2023)
10 - MARQUISES Ayant amassé parures et robes luxueuses de marquises, les grognards organisent un bal travesti au Kremlin (Décembre 2023)
SAISON 3 " Glacial " (10 épisodes)
1 - RETOUR Quittant Moscou dans un désordre effrayant, Rose, Natacha, Liouba et Livreur tentent de se frayer un chemin, quand Joseph vient à leur secours. (Janvier 2024)
2 - VOITURES Rose, Liouba et Natacha se sont regroupées dans une seule Kibitka suite à l’épouvantable tohu bohu de leur colonne en fuite. (Février 2024)
3 - HURRAH ! Les trois femmes protégées par Livreur et Nicolas se préparent à défendre leur bivouac d’un assaut des cosaques. (Mars 2024)
à suivre...
4 - PUANTEUR
5 - L'EMBALLEMENT
6 - VERMINES
7 - L'EFFROI
8 - L'ESTAFETTE
9 - L'OURS
10 - BÉRÉZINA
SAISON 4 " Féroce " (10 épisodes)
1 - PONTONNIERS
CHRONOLOGIE du Carnet Gelé
LE CARNET GELÉ
CHRONOLOGIE
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SAISON 1 " Marchons " (10 épisodes)
1 - NICOLAS 1812 - été (juin) - Russie, passage du Niémen
2 - PRÉSAGES 1812 - été (juin) - Russie, sur la route de Vilna
3 - ROSE 1812 - été (juin) - Russie, Vilna
4 - JOSEPH 1812 - été (juin/juillet) - Russie, Vilna
5 - CARTES 1812 - été (juin/juillet) - Russie, Vilna
6 - L'OCÉAN 1812 - été (juillet) - Russie, près de Vitebsk
7 - SILENCE 1812 - été (juillet) - Russie, près de Vitebsk
8 - L'ÉCHIQIER 1812 - été (juillet) - Russie à Vitebsk
9 - CENDRES 1812 - été (août) - Russie à Smolensk
10 - MOSKOVA 1812 - été (septembre) - Russie à Borodino
SAISON 2 " Brasier " (10 épisodes)
1 - LIVREUR 1812 - été (septembre) - Russie à Moscou
2 - FUMETS 1812 - été (septembre) - Russie à Moscou
3 - PHÈDRE 1812 - été (septembre) - Russie à Moscou
4 - LIOUBA 1812 - été (septembre) - Russie à Moscou
5 - LESSIVES 1812 - été (septembre) - Russie à Moscou
6 - FIGURANTS 1812 - été (septembre) - Russie à Moscou
7 - CLOCHES 1812 - automne (septembre/octobre) - Russie à Moscou
8 - FLOCONS 1812 - automne (octobre) - Russie à Moscou
9 - COMÉDIE 1812 - automne (octobre) - Russie à Moscou
10 - MARQUISES 1812 - automne (octobre) - Russie à Moscou
SAISON 3 " Glacial " (10 épisodes)
1 - RETOUR 1812 - automne (octobre) - Russie à Moscou et Trotskoié
2 - VOITURES 1812 - automne (octobre) - Russie à Maloïaroslavets
3 - HURRAH ! 1812 - automne (octobre) - Russie à Gorodnia
à suivre...
4 - PUANTEUR 1812 - automne (octobre) - Russie à Borodino / La Moskova
5 - L'EMBALLEMENT 1812 - automne (octobre/novembre) - Russie à Viasma
6 - VERMINES 1812 - automne (novembre) - Russie
7 - L'EFFROI 1812 - automne (novembre) - Russie proche et à Smolensk
8 - L'ESTAFETTE 1812 - automne (novembre) - Russie à Smolensk et dans son périmètre
9 - L'OURS 1812 - automne (novembre) - Russie proche de la Bérézina
10 - BÉRÉZINA 1812 - automne (novembre) - Passage de la Bérézina (Russie)
SAISON 4 " Féroce " (10 épisodes)
1 - PONTONNIERS 1812 - automne (novembre) - Passage de la Bérézina (Russie)
Hurrah !
" Les cosaques "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Mars 2024 - 40/30 -
Sanguine, fusain, pierre noire et crayons de couleur.
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Chant populaire " Les braves cosaques du Don "
interprété par les choeurs de l'armée rouge (années 60)
à écouter en lisant le poème
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avec un "résumé" de l'épisode en cours :
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Hurrah !
Il semble qu’un soupir se glisse dans la nuit
Couvrant les cliquetis rampant non loin des tentes,
Et se coule étouffé par le fiévreux ennui
Des femmes assoupies dans leur nerveuse attente.
Livreur grogne déjà tandis que Natacha
Qui, d’un bond s’est levée, réveille les dormeuses,
Répartit les poignards que son instinct cacha,
Alerte le piquet1 sans formule charmeuse.
Nicolas dont la troupe a rejoint leur bivouac
A compris sans un mot les signes de l’alarme.
Et tous de s’équiper en évitant les couacs
En un carré2 formé d’une muraille en armes.
Les chevaux sont nerveux et les feux recouverts.
Les grenadiers de garde ont camouflé les fosses3
Qu’ils avaient préparées, et que tous approuvèrent,
Élevant en bastion les chariots qui s’adossent.
Soudain Livreur bondit et fonce dans le bois,
Tandis qu’un cri poussé comme une plainte horrible
Hurle « Hurrah, Hurrah4 ! » dans le galop sournois
De chevaux voltigeurs5 se rendant invisibles.
À l’abri des fourgons, les femmes et civils
Déchirent les cartouches et tassent la poudre6,
Chargent les lourds fusils en se rendant utiles,
Car la ligne de feu7 ne saurait se dissoudre.
Les cosaques8 surpris sont fauchés de plein fouet
Et chutent dans les fosses en brisant leurs lances.
Nicolas lève alors son tambour comme un jouet,
Et frappe fort la charge en furieuse insolence.
La brume et la fumée brassent leur nuage gris
Coiffant d’espoir Liouba, Rose et les demoiselles
Dont la survie dépend de l’ardent feu nourri
Servi comme un festin si gras9 qu’il vous muselle.
Les « Hurrah » se sont tus dans le sang qui les noie
Et l’odeur du décor déferle en mille miasmes.
Comme après la tempête épongeant leurs minois,
Les belles se consolent en bruissant de spasmes.
Pierre Barjonet
Mars 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 3 « glacial », Poème 3 « Hurrah ! » (Mars 2024)
Poursuivant sa route du retour, désabusé malgré sa victoire contre les Russes à Kalouga pour la prise de Maloïaroslavets conduite par Eugène de Beauharnais, Napoléon qui vient de choisir malgré lui d’abandonner la route du sud, reprend celle de l’ouest à contrecœur. D’autant que, s’il est victorieux, il n’en a pas moins perdu 5.000 hommes (6.000 pour les Russes) et 7 généraux ! Comme il le dira à Caulaincourt : « Je bats toujours les Russes, mais cela ne termine rien ! ». Ce qu’il ne sait pas, c’est que Koutousov vient d’ordonner au grand dam de ses généraux, d’abandonner le « verrou de Maloiaroslavetz » défendu par une forêt impénétrable, pour se replier plus au sud.
Le 25 octobre, le lendemain de cette bataille est célèbre, car l’Empereur manqua de peu d’être capturé par des cosaques ! En effet, levé dès 4 heures le matin du 25 octobre 1812, il partit chevaucher en observation du terrain pour vérifier par lui-même si l’armée de Koutousov avait fait retraite, seulement suivi par les quelques cavaliers de sa garde rapprochée (des lanciers polonais) et quelques officiers de son État-major. Mais c’est stupéfait qu’aux cris de Hurrah ! il découvre qu’il est encerclé par des cosaques. Les 6.000 cosaques du général Hetman Platov. Dès lors, aidé par Rapp, Caulaincourt et Berthier ainsi que par les quelques hommes du piquet, ayant tous dégainé leur épée, ils parviennent à se sortir de ce guêpier, tandis que les escadrons de service de la Garde viennent à leur secours. Ce combat de Gorodnia fit tout de même 15 tués et 7 blessés auprès de l’empereur. Plus tard, il s’en amusera. Et pourtant, Platov avait promis sa fille en mariage à celui qui le capturerait !
Dès le lendemain, il confirmera la route de Smolensk, déjà dévastée à l’aller...
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Le piquet est en langage militaire, la constitution d’une petite unité de soldats gardant un bâtiment ou une zone, ou bien encore capable d’intervenir rapidement.
2 Le carré est une formation défensive militaire héritée des Romains et employée par l’infanterie pour se protéger des charges de la cavalerie (impossible à franchir sans encombre).
3 Les fosses sont des sortes de tranchées munies de pieux, ensuite masquées à la vue par un camouflage afin d’y faire chuter fantassins et cavaliers.
« Hurrah ! » Le fameux cri de guerre de nombreuses armées, prenant ici également l’usage d’un cri d’honneur employé trois fois par les Russes et plus particulièrement les cosaques.
5 Les petits chevaux des cosaques étaient par eux, considérés comme de véritables membres de leur famille. Ils les soignaient, les chouchoutaient et lorsqu’ils ne faisaient pas la guerre, les employaient aux travaux des champs. Ces petits chevaux très robustes et se nourrissant de peu, infatigables et sobres, rapides et polyvalents, proviennent des steppes nordiques descendant des poneys de Mongolie. Attila à la tête des Huns les utilisait déjà. Ils devinrent par la suite les chevaux du haras du Don sous l’impulsion du fameux général ataman* Matveï Platov (1753/1818) qui combattit Napoléon avec ses 60.000 cosaques montés sur les chevaux du Don, particulièrement adaptés au rude climat de Russie. * Un ataman était un chef guerrier cosaque.
6 Charger son fusil sous le 1er empire n’était pas une sinécure. D’abord, il pesait lourd, 4kg375 pour 1m52 avec un gros calibre (diamètre de la balle) de 17,5mm (par rapport aux armes modernes de 5,56 pour le Famas ou de 7,62). Ensuite, il fallait exécuter avec précision une manœuvre assez longue pour le charger, d’où l’organisation d’une « ligne » sur trois rangs : le premier rang tire suivi par le deuxième tandis que le troisième et selon le cas, avec le deuxième, s’activent à recharger les armes. Il fallait ouvrir le bassinet, déchirer la cartouche de papier dur avec ses dents, remplir de poudre le bassinet, le refermer, puis verser le reste de poudre dans le canon. Ensuite, l’on retirait la baguette parallèle au canon du fusil pour bourrer à deux reprises la poudre du canon, puis introduire toujours dans le canon la balle de plomb (de 1,75 cm !). On replaçait la baguette dans son fourreau. Enfin, le tireur armait (reculait) le chien muni d’un silex (à changer après cinquante coups). Les gibernes (sacs) contenant les cartouches devaient absolument être préservées de l’humidité.
7 La ligne de feu est constituée des premier et deuxième rang faisant feu, de la ligne des fantassins.
8 Les cosaques étaient de redoutables cavaliers servant alors les Tsars. Leur origine est confuse, se partageant entre nomades, pillards et mercenaires menant des razzias (raids) libres et indépendants, fonctionnant avec leurs propres règles (élisant leurs atamans). Ils se situaient plutôt au nord de la mer noire en Ukraine et Biélorussie, s’étant ensuite regroupés dans le Don, l’Oural, puis en Sibérie, en Astrakhan, sur le fleuve Amour, sur le Danube, etc. De fait, leurs ennemis principaux étaient les Tatars (Turcs), puis donc les Français de la Grande-Armée Napoléonienne. Leur chef, que le tsar fit comte pour le remercier, était donc Matveï Platov.
9 Du fait d’une poudre fort grasse, faite d’un mélange de charbon, de salpêtre et de soufre, il fallait après chaque tir nettoyer soigneusement les fusils en les démontant puis en les séchant et en les graissant de propre.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
Carte situant les différents peuples de cosaques installés en Europe au XIXè
Cosaques munis de leur fameuse lance
Une cosaque
Le général Hetman Matveï Platov
Les petits chevaux des cosaques du Don
Voitures
" Livreur face aux loups "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Mars 2024 - 40/30 - Sanguine, fusain et pierre noire.
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Musique et sons divers enregistrés en pleine nature
" hurlements de loups libres en pleine forêt nordique "
à écouter en lisant le poème
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Voitures
L’explosion1 pétrifia la colonne au bivouac,
Faisant bruisser l’idée que Moscou ne se brise
Dans la poudre et la fin de son Kremlin qu’on plaque
En châtiment ultime au destin sans surprise.
Chacun de se lever, de tenter de sonder
Les nuages inquiétants qui ternissent la plaine.
Chacune de serrer les toiles sous l’ondée
Quand l’orage recrache sa mauvaise haleine.
Rose et Liouba s’activent dans leur piètre abri
Qu’offre la Kibitka2 remplaçant leurs voitures
Dont les roues fracassées jonchent tant de débris
Plus au nord quand la boue les priva d’armature.
L’impitoyable sable enlisa les chariots3,
Trop nombreux en chemin, se heurtant en désordre,
Changeant en tombereaux de roulants matériaux,
Engloutissant enfin des profiteurs sans ordres.
Des milliers de soldats, de gradés, de civils
Se sont soudain changés en soldeurs de fortunes,
En forts des halles fous, en ribaudes des villes,
En cochers se fouettant d’une plainte importune.
Alors, n’y tenant plus, ils se sont délaissés
Des tableaux et des ors, des fourrures, des vases,
Des services vermeils et même des blessés4,
Gardant plutôt la gnole aux bottes qu’on évase.
Le tumulte effrayant d’un convoi chancelant
Affolant ses chevaux et brusquant ses voitures,
Jurant en italien, en prussien ruisselant5,
Prit le sinistre accent d’horribles créatures.
Mais Natacha n’a crainte en priant son pays
Aux saisons contrastées par ses vents qui murmurent
En cachant dans les bois les saintes abbayes
Et les grives rouillées6 qui se gavent de mûres...
Les soldats sont au loin, sauf l’escorte en retrait.
Se moquant de la pluie Livreur monte la garde
Et hurle quand les loups de leurs cimes s’extraient
Comme des spectres vifs sous une lune hagarde.
Pierre Barjonet
Février 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 3 « glacial », Poème 2 « Voitures » (Février 2024)
Le 19 octobre 1812, Napoléon ordonna d’abord que la retraite vers Smolensk prenne la route du Sud via Kalouga. Ce, afin d’éviter celle de l’aller, déjà dévastée et sans aucun ravitaillement possible (terre brûlée, vivres et fourrages déjà réquisitionnés, cultures et réserves ruinées...). Mais sa marche est ralentie par un incroyable encombrement de 15.000 à 40.000 voitures et chariots emplis de butin, sans parler des attaques incessantes des « partisans » formés de paysans et des cosaques menant une véritable guérilla.
Apprenant que le maréchal roi de Naples Joachim Murat (1767/1815) venait de subir le 18 octobre une défaite à la bataille de Winkovo (ou Taroutino), Napoléon voit sa marge de manœuvre se réduire. Très vite il modifiera ses plans à la suite d’une bataille difficile, bien que gagnée de peu le 24 octobre 1812 par Eugène de Beauharnais (1781/1824 - fils de Joséphine) commandant son avant-garde à Maloïaroslavets. Craignant de rencontrer le gros de l’armée russe qui lui coupe la retraite au sud, il renonce à s’enfoncer vers Kalouga et reprendra la route de l’ouest manquant de la moindre provision...
Avant de quitter Moscou, il confia le soin au maréchal Édouard Mortier (1768/1835) resté avec 10.000 hommes de faire sauter le Kremlin ainsi que l’arsenal et divers bâtiments de la forteresse. Durant trois jours, ils contraignirent des habitants à creuser des tunnels chargés de mines. Mais du fait du fort mauvais temps, la pluie éteignit nombre de mèches, sans oublier le coup de main d’une partie de la population et de l’arrivée de l’avant-garde russe de Koutousov qui venait d’apprendre le départ de Napoléon. Des explosions détruisirent cependant plusieurs tours et remparts du Kremlin ainsi qu’une partie de l’arsenal. Les Russes ont crié au miracle malgré ces destructions, car le clocher d’Yvan-le-Grand n’a pas souffert.
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Précédant la retraite, Napoléon donna l’ordre au maréchal Édouard Mortier de faire sauter le kremlin de Moscou*, mais ce fut quasiment un échec (voir ci-devant).
* On appelle Kremlin une forteresse implantée au cœur des anciennes villes russes, et donc pas seulement à Moscou, comme Novgorod, Souzdal ou Kazan ; lequel Kremlin de Moscou est le siège du pouvoir exécutif.
2 Une kibitka est une sorte de troïka traînée donc par trois chevaux, et souvent moins, à roues ou à patins selon la saison, mais à la différence de la troïka, qui est couverte.
3 Le sable des chemins accumulé par des rafales de vent avait rempli de profondes ornières de boue plus ou moins séchée, les transformant en de presque sables mouvants.
4 Napoléon avait ordonné le repli vers Smolensk des 1.500 blessés de la Grande-Armée. Il en confia la garde au maréchal Louis-Alexandre Berthier (1753/1815) escorté de 300 hommes le 17 octobre.
5La Grande-Armée se composait encore d’environ 100.000 hommes de diverses nationalités outre les Français : Prussiens, Bavarois, Italiens, Allemands et petits États rhénans, polonais, portugais, espagnols, suisses, croates, belges, néerlandais, autrichiens, hongrois...
6 La grive rouillée, du fait des taches de « rouille » qu’elle porte sur la poitrine et les flancs, est un oiseau de la famille des passereaux. Typique du sud de la Sibérie en Russie, on le désigne plutôt sous le nom de « grive de Naumann ».
QUELQUES ILLUSTRATIONS
Le maréchal Édouard Mortier
Le maréchal Louis Alexandre Berthier
La route du retour : Sud d'abord, vers Kalouga, puis finalement nord/ouest puis plein ouest, à savoir hélas, la même qu'à l'aller...
Bataille de Maloïaroslavets
(en rouge juste sous la route du sud marquée de pointillés verts,
qui ensuite reprend au nord-ouest)
Eugène de Beauharnais
Une kibitka
Une grive rouillée
Loups des Carpates
Retour
" Le fleuve pressé "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Février 2024 - 40/30 -
Sanguine, crayon sépia, pierre noire et craie Conté
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Musique de film jouée au piano " He's a pirate " extrait de " Pirates des Caraïbes "
à écouter en lisant le poème
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Retour
Et l’ordre fut donné, soulevant la clameur
Des soldats impatients, des chevaux, des corneilles,
Des civils empêtrés par de vagues rumeurs
Dans le fracas des roues des calèches trop vieilles...
Natacha serre Rose en queue de ce convoi.
Liouba les a rejointes menant sa voiture,
Et les femmes s’escriment donnant de la voix
Pour conserver leur file en ce flot qui sature.
Surgit un cavalier bousculant les chariots !
C’est Joseph, flamboyant, qui brûle d’impatience.
« Ses princesses » sourient des efforts impériaux
Qu’il déploie pour frayer leur chemin d’insouciance.
La foule qui s’amasse enjambe ce chaos.
Elle fuit la cité, mais obstrue sa sortie,
S’épuise bien trop tôt à subir les cahots
Qui brisent les essieux que plus rien n’amortit.
Au cœur de ce fatras, Natacha se blottit
Contre son chien Livreur1 qui grogne si quiconque
Tente de se hisser pour être mieux loti
Qu’en l’un de ces fourgons ou troïkas2 quelconques.
Joseph joue de son fouet pour ouvrir le chemin
À la troupe des femmes et des vivandières,
Des enfants d’officiers munis de parchemins,
Des cantinières rudes et des lavandières.
Un cheval affolé disloquant son harnais
Se lance sur le pont, effrayant à la ronde
La cohorte des gueux « français réincarnés »3
Qui suivent cette armée, quittant leur sol, en fronde.
La querelle à l’affût, Chasseurs et Voltigeurs4
S’amusent à moquer ces piètres équipages
Embourbés sous le poids d’un butin voyageur.
Sous des jurons furieux, la fièvre se propage !
Et la colonne bave en écume des mors
Quand les chevaux renâclent si bien qu’ils se cabrent
En bruit assourdissant comme le chant des morts
Prolongeant la vision des carrioles macabres.
Pierre Barjonet
Janvier 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 3 « glacial », Poème 1 « Retour » (Janvier 2024)
Lorsque Napoléon prit conscience de l’incroyable tohu-bohu provoqué par ce raz de marée humain et hétéroclite du convoi qui prit la route du retour en ce 19 octobre 1812, il dit : « Chacune de ces voitures sauvera deux blessés et nourrira plusieurs hommes en attendant qu’on s’en débarrasse insensiblement » (cf. Mémoires du général Baron de Marbot). Il laissa faire cette sorte de « peuplade nomade » car il avait bien conscience que ces chariots, charrettes et bagages qui ne dureraient qu’un faible temps alimenteraient malgré tout, les premières semaines de la retraite. (Cf. les mémoires historiques et militaires sur la Campagne de Russie par le Comte Roman Soltyk).
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Le chien Livreur fut offert par Napoléon au Tambour Nicolas. C’est un « chien loup de Tchécoslovaquie », c’est-à-dire le croisement d’un berger allemand et d’une louve des Carpates. Sa robe est grise argentée avec pour Livreur des reflets roux. Voir mon poème « Livreur ».
2 La troïka est un attelage spécifiquement russe composé de trois chevaux tirant de front un chariot à roues ou une grande luge à patins de glace selon les saisons.
3 En sus des hommes de la Grande-Armée, soldats, sous-officiers et officiers, se trouvaient comme toujours avec la troupe, différents services d’administration et d’intendance composés de militaires et de civils, hommes, femmes et souvent aussi des enfants. L’on y trouvait notamment les fourriers (linge et uniformes), les armuriers, le service des postes, les secrétaires, comptables, intendants, cartographes et dessinateurs rattachés aux fourgons du petit et du grand État-major (assurant par exemple la solde et les billets de logement), les cantines roulantes avec les cantinières et les vivandières chargées de « l’ordinaire », mais aussi les bouchers, les fourgons de vivres et de provisions comme ceux liés au palais avec le nécessaire au dressage des camps et tables d’apparat, les lingères, buandières et blanchisseuses, les équipages du train (transport, voitures), les estafettes de reconnaissance et des dépêches, ceux du fourrage aux chevaux, le service de santé avec ses ambulances (hôpitaux de campagne), le génie avec ses sapeurs et ses pontonniers emportant leurs matériels et matériaux, le train d’artillerie avec l’arsenal mobile, les gendarmes, les fourgons impériaux du trésor, le train des équipements de camps et bivouacs, les fourgons de fanfare, les maréchaux-ferrants, la santé vétérinaire, les voitures d’aumôniers, les maîtres d’armes, les écuyers, les palefreniers, sans oublier... les chariots de grisettes (prostituées). On le voit, c’était là une véritable ville en déplacement.
Mais ce n’est pas tout, une horde de civils fuyant Moscou s’était infiltrée dans les convois avec également leurs voitures, fourgons et chariots. C’étaient de pauvres bougres attirés par le prestige de la France, mais aussi nombre de femmes aristocrates ou non qui s’étaient entichées de leur bel officier ou vaniteux guerrier...
Il y avait aussi beaucoup de juifs (Nombreux en Pologne et en Russie ; c’est ainsi que les témoins de l’époque les nommaient NDLR) qui s’organisaient pour commercer avec la troupe. Enfin, comme toujours en marge des armées en campagne, des pillards et des vauriens, souvent des déserteurs déguisés, s’infiltraient en quête de maraudes et larcins, notamment sur les champs de bataille (rappelez-vous les Thénardier à Waterloo, de Victor Hugo) ...
4 Les chasseurs, et les hussards sont des cavaliers relevant de la cavalerie légère ayant mission de reconnaissance et des dépêches. Les voltigeurs étaient plutôt des fantassins portés en croupe derrière des cavaliers afin de se rendre rapidement en 1re ligne, donc très acrobates d’où leur nom.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
Sous la pluie froide transformant les chemins en boue, l'incroyable colonne ininterrompue de milliers de chariots, petites voitures, fourgons, chevaux et mulets guidés par des sortes de cochets inexpérimentés vient s'agglutiner sur la même route et se fracasser dans un désordre hétéroclite de butins, de rapines, de vêtements, de nourriture, de civils, de soldats, de femmes et d'hommes français, russes et de plusieurs nationalités...
Un chien loup de Tchécoslovaquie
Troïkas
Hussards
Chef d'escadron au 1er Régiment de Hussards (le mien... NDLR)
Chasseurs
Chasseurs de la Garde Impériale défilant aux Tuileries devant l'Empereur
(Arc de triomphe du Carrousel)
Photographies remarquables d'authentiques vétérans de la Grande-Armée
prises le 5 mai 1858 pour l'anniversaire de la mort de Napoléon 1er. Ils ont combattu auprès de leur Empereur à la bataille de Waterloo en 1815.
Ils sont dans la vieillesse, portent la médaille de Sainte-Hélène créée pour les anciens de la Grande-Armée par Napoléon III et, naturellement,
portent leur uniforme retaillé pour l'occasion.
Ces photos ont été remises
par l'Université Brown de Providence à Rhode Island (Etats-Unis).
Chasseur à cheval de la Garde Impériale (Maréchal des logis)
Chasseur
1er régiment de Hussards
7ème régiment de Hussards
Marquises
" Le bal des marquises "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Février 2024 - 40/30 -
Sanguine, crayonné coloré de mines Conte, de craies grasses,
de pastels à l'huile, et de cire dorée, encre de chine.
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
J'ai prévu ces deux chansons avec paroles donc,
à écouter avant ou après avoir lu le poème pour ne pas en gêner la lecture :
" Auprès de ma blonde " par Aristide BRUANT
Marche militaire traditionnelle dans les armées, datant du XVIIIè siècle.
Cliquer pour voir ce lien vers l'histoire et les paroles de la chanson
" Fanchon " Célèbre chanson du répertoire militaire
écrite en 1857 par l'abbé Gabriel-Charles de Lattaignant
et aux paroles modifiées par le général de cavalerie Antoine Charles-Louis de LASALLE (1775/1809)
le soir de la bataille de Marengo le 14 juin 1800
Cliquer pour voir ce lien vers l'histoire et les paroles de la chanson
Chansons à écouter avant ou après avoir lu le poème
pour ne pas en gêner la lecture.
Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :
N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire
avec un "résumé" de l'épisode en cours :
ainsi que la rubrique chronologique :
Marquises
Rose frissonne d’aise en frôlant le tissu
De ces robes de bal aux soieries et dentelles,
Couvertes de bijoux, de perles sans issue
Pour la noblesse russe exclue des bagatelles.
Elle a mission d’aider à parer les soldats
De ces atours précieux pour un bal sans princesses,
Une fête d’entrain que l’Empereur accorda
Pour égayer sa troupe en cette forteresse1.
Liouba l’aide à trier le larcin des gaillards
Revenant de maraude en des palais trop vides,
En confiant aux « danseurs » ces trésors de Boyards2,
Ces toilettes cousues de convoitise avide.
Ainsi fait, déguisés, grimés et décorés,
Les Grognards moustachus talqués de suif et poudre
En tenue de marquise au sexe édulcoré3,
S’apprêtent à danser dans la paix qu’on saupoudre.
Nicolas se réjouit de sortir son tambour
En parade musquée d’une blanche perruque,
D’un dolman en velours serti de brandebourgs,
Et souliers de chevreau saisis à un grand-duc.
Alors en ce Kremlin tiré de l’abandon
On redonne en splendeur l’éclat des Tuileries4,
Au pas de Rigaudon5, chauffant comme un brandon
Le parquet d’apparat de l’ample galerie.
Joseph a préféré ne pas se costumer,
Puis se jetant à l’eau quand s’annonce un quadrille6,
Traverse l’assemblée pour s’en accoutumer
Et se noie dans les yeux d’un sourire qui brille.
Il invite Liouba qui lui offre son gant,
Lâchant son éventail à Rose qui murmure,
Et donne à cette Dame un avis élégant
Sur son teint retrouvé loin du sort qui la mure.
Mais l’harmonie truquée du ballet des soldats
Vêtus comme des belles au jeu des marquises
Fait trébucher Liouba, près de la véranda,
Dans les bras de Joseph en une pose exquise.
Pierre Barjonet
Décembre 2023
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 2 « Brasier », Poème 10 « Marquises » (Décembre 2023)
Cette occupation qui ne porte pas son nom se traîne en longueur, et les premiers frimas n’ont pas manqué d’inquiéter les troupes dont l’agitation se précipite au fur et à mesure que les jours passent. À l’image de leur Empereur qui s’agace d’un rien, ses grognards s’ennuient et s’encroûtent. Ils ont bien besoin de distractions. Et c’est ce qui arrivera, à la suite de leurs maraudes ayant largement complété leur butin hétéroclite. On y trouve notamment des châles, des étoffes précieuses de soie tissées d’or et d’argent, des fourrures de Sibérie, et des costumes français portés à la cour de Louis XVI dont des robes luxueuses de marquises.
Ainsi fut décidée l’organisation d’un grand bal déguisé, un véritable bal de carnaval où les vieux grognards comme leurs cadets se travestirent en marquises, épongeant la sueur qui coulait de leurs perruques par de grandes rasades de liqueurs coûteuses et d’eau-de-vie. Ce bal homérique dura toute la nuit du 27 septembre 1812 et comme le décrivit si bien le Sergent Bourgogne dans ses mémoires, il fut l’occasion « de voir des marquises françaises sauter comme des enragées, comme des tartares, allant à droite et à gauche, écartant les jambes, les bras, tombant sur le cul, se relevant pour y tomber encore. On aurait dit qu’elles avaient le diable dans le corps. » Il est vrai qu’en guise de musique, la flûte et le tambour battant la charge avait de quoi déjouer le sommeil de ces braves !
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Le Kremlin des Tsars.
2 Les Boyards étaient des nobles russes de haut rang.
3 Ce bal travesti où des soldats de la Grande-Armée se sont grimés en marquises à la mode de cour française en vigueur sous la monarchie de Louis XVI a bel et bien existé, à Moscou. cf. « Les mémoires du Sergent Bourgogne ».
4 Le palais des Tuileries à Paris était celui où logeait Napoléon. Il fut détruit pendant la Commune de Paris le 23 mai 1871. N.B. Il fermait la cour du Louvre à l’emplacement de l’actuel Arc de triomphe du Carrousel.
5 Le Pas de Rigaudon est un pas de danse traditionnelle du Sud-Est, mais également pour « le Rigaudon d’honneur » un air militaire traditionnel de l’époque napoléonienne des tambours d’ordonnance annonçant un événement officiel devant la troupe.
Voir cette vidéo ici : https://youtu.be/VRS1f2QVfm4
6 Le quadrille est une danse de salon du XIXe qui s’exécute à quatre couples selon plusieurs séries de mouvements parfaitement ordonnés, alors en vogue dans les cours d’Europe.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
Un bal aux Tuileries sous Napoléon III
aux Tuileries... sous la Commune
Le palais des tuileries
L'abbé Gabriel-Charles de Lattaignant
Le général de cavalerie Antoine Charles-Louis de LASALLE (1775/1809)
Général de division après avoir été colonel du 10ème Hussards,
que l'on voit ici, charger à la bataille de Wagram le 6 juillet 1809
où il trouva la mort d'une balle en plein front.
Très affecté par sa mort à 34 ans, Napoléon dira de lui : « C'était un officier du plus grand mérite, et l'un de nos meilleurs généraux de cavalerie légère. »
On le considère encore aujourd'hui, comme étant l'un des plus grands généraux de cavalerie de son époque.
Dans la dernière lettre qu’il adressa à son épouse, il écrivit : « Mon cœur est à toi, mon sang à l’Empereur, ma vie à l’honneur. »
Comédie
" Sa comédie tragique ! "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Janvier 2024 - 40/30 -
Crayonné coloré de mines Conte et de craies grasses
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Antonio Vivaldi " Les quatre saisons, opus 8 , concerto n° 3 in F major, L'automne, Allegro "
à écouter en lisant le poème
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Comédie
L’Empereur a mandé ces comédiens français1
Car il a le projet d’impressionner le monde,
Qui le voit isolé comme en rêve l’Anglais,
Alors qu’il gère tout, depuis la ville immonde.
Les acteurs dépêchés dont on lui dit le sort1,
Sont là, frappés du feu du soldat de légende
Qui reste dos tourné, attendant son essor,
Comme l’aigle ajustant le vol de leur offrande.
Puis pivotant soudain, le voici tel César
Haranguant ses légions en Tribun redoutable,
Voulant que soit gravé dans ce palais des Tsars2
Un décret souverain dont ils seront comptables :
— Voyez donc ici même en l’antique cité,
Comment je songe encore aux scènes de Corneille,
À l’essence de l’Art dans sa félicité.
Osez comme Talma3 ce jeu qui m’émerveille !
— J’ai reçu de Paris par courrier impérial4,
Ce nouveau règlement pour votre Comédie5
Fixant ma volonté dans ce grand mémorial
D’examiner son dû pour qu’on y remédie.
— Sire, vous nous flattez de lever le rideau
Sur un acte glorieux donnant de l’espérance
Aux comédiens français qui portaient le fardeau
D’une troupe oubliée par trop d’indifférence.
— Eh bien, rappelez-vous ce Décret de Moscou5
Donnant de la noblesse au spectacle des planches,
Instruisant ma patrie d’un amour sans surcoût
Qui soutient nos racines et fleurit nos branches.
Ordonnant majestueux, qu’on change de décor,
Qu’on grime le vernis de ce palais vétuste,
Qu’on fasse place nette au théâtre raccord,
Napoléon Premier se surprend en Auguste...
Et la soirée s’achève en final théâtral
Donné par ces acteurs d’une troupe française
Que l’Empereur élève en geste magistral
En encensant sa gloire au-delà des fournaises.
N.B. Dans ce poème, je choisis d’insérer des tirets cadratins pour introduire plus aisément la lecture des dialogues.
Pierre Barjonet
Novembre 2023
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 2 « Brasier », Poème 9 « Comédie » (novembre 2023)
L’incroyable faculté de travail de Napoléon 1er qui avait subjugué ses contemporains n’a pas fini d’impressionner plus de 200 ans après sa mort (5 mai 1821). Cette force de travail doublée d’un sommeil réparateur d’à peine trois à quatre heures et d’une volonté de s’impliquer toujours, en permanence, dans tous les domaines, du moment qu’il s’agissait de servir la France, l’ont conduit à gérer les affaires courantes de son pays depuis n’importe quel cantonnement ou bivouac de campagne militaire.
Ainsi, se prit-il à réorganiser la Comédie française. Il se trouve que son comédien favori, le grand Talma se trouvait précisément à Moscou au moment ou Napoléon reçu parmi son important courrier impérial un projet de nouveau règlement pour la Comédie française en rapport d’ailleurs avec la situation du Théâtre français qu’il avait déjà réglée par un arrêté du 11 août 1800. Outre sa passion personnelle pour le théâtre, il estimait que leurs institutions participant à la gloire nationale de la culture se devaient d’être soutenues et largement subventionnées.
De plus, réfléchissant au contexte difficile de sa campagne mal engagée en Russie, tandis que des échos parisiens faisaient état des murmures du peuple qui commençait à gronder - comme on le verra le 23 octobre 1812 avec la tentative de coup d’État avortée du général Malet * – l’Empereur voyait là, une belle occasion de rassurer le peuple en lui prouvant qu’il était bien au fait des affaires ordinaires de France, même depuis la Russie, puisqu’il se targuait de gérer la situation de la Comédie française !
* Claude-François de Malet avait en effet, tenté de prendre le pouvoir à Paris en clamant que Napoléon était mort en Russie. Sa tentative échoua et il fut fusillé avec ses douze complices le 29 octobre 1812.
Le décret impérial n° 8577 « sur l’organisation, l’administration, la comptabilité, la police et la discipline du Théâtre français (dont dépendait la Comédie française) a donc été signé par Napoléon à Moscou le 15 octobre 1812 avant d’être publié au Bulletin des Lois n° 469 – III – IVe série le 26 janvier 1813.
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Se reporter au poème « Phèdre » de ma saga qui voit une troupe de comédiens français qui se trouvaient à Moscou, prisonniers des Russes, puis délivrés par les grognards de Napoléon. À noter que je me suis inspiré des « Mémoires du Sergent Bourgogne » qui participa à la Campagne de Russie, donc à la réalité.
2 Le Kremlin
3 François-Joseph TALMA (1763/1826) fut un célèbre acteur, comédien membre de la Comédie française admiré par Napoléon 1er. Il s’était pris d’amitié avec le jeune Bonaparte qui le suivit ensuite fidèlement, d’autant qu’il adorait son talent, notamment dans la fameuse pièce de Pierre CORNEILLE « Cinna ». Il avait le privilège de visiter et de déjeuner avec Napoléon devenu Empereur, chaque semaine. Il eut même une liaison avec... Pauline Bonaparte, la propre sœur de Napoléon !
4 Napoléon communiquait régulièrement depuis Moscou avec Paris, et bien entendu avec d’autres départements français et de nombreux pays. Ses communications se faisaient par voie d’estafettes militaires qui mettaient à cheval environ 15 jours pour couvrir les 600 lieues (2.400 km) séparant Moscou de Paris, en se transmettant le « Portefeuille impérial » de relais en relais. Il arrivait qu’ils se fassent prendre par des cosaques, d’où l’importance des nombreux messages chiffrés. Il écrivit plusieurs lettres à son épouse Marie-Louise d’Autriche (1791/1847). Son Cabinet impérial parisien (aux Tuileries) se composait de 27 secrétaires triés sur le volet. Il suivait de plus, l’actualité française par le truchement des journaux comme « Le Moniteur » et « Le Bulletin de la Grande-Armée » qui lui servait en retour pour diffuser des nouvelles de ses campagnes ainsi que sa large propagande : durant la seule campagne de Russie, 29 numéros sont sortis.
5 Le fameux « Décret de Moscou » signé par Napoléon 1er depuis Moscou le 15 octobre 1812 est un texte impérial officiel qui régit le fonctionnement de la Comédie-Française et qui constitue encore de nos jours, la charte organique de cette institution !
QUELQUES ILLUSTRATIONS
Le Décret de Moscou
La Comédie Française
Le grand Talma
Pierre Corneille
La pièce de Corneille Cinna avec Talma
Pauline Bonaparte
Pauline Bonaparte ayant posé nue en Vénus pour le sculpteur Antonio Canova fit scandale ! La " Vénus Victrix " est exposée à la Galerie Borghèse à Rome
Marie-Louise d'Autriche, seconde épouse de Napoléon 1er
Napoléon dans son Cabinet de travail aux Tuileries
Le général Mallet
Journal " Le Bulletin de la Grande Armée "
Flocons
" Premiers flocons "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Janvier 2024 - 40/30 -
Sanguine sépia et gouache projetée
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Franz Schubert " Schwanengesang, D 957 n°4 "
à écouter en lisant le poème
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Flocons
Se réveillant soudain, Liouba s’extrait du lit,
Enfin, du matelas de paille et de fourrures
Recouvrant un brancard de vieux cuir assoupli
Que Joseph lui dressa dans un coin sans dorures.
Son instinct ancestral ne s’est pas assoupi.
Ses épaules se tassent d’un froid qui se lève,
Quand, dépassant dehors des vieilles accroupies1,
Liouba sent leur vodka s’échauffer sur la grève.
Le ciel se teint de laine en soufflant des flocons
Frisant bas les cheveux des rudes buandières.
Mais pour Liouba c’est là, l’annonce de cocons
Qui vont bientôt gercer les mains des lavandières.
Frissonnant du minois, Liouba guide Joseph
Vers son palais brûlé, celui de sa famille2.
Elle retient ses pleurs d’un bien cruel relief
En découvrant le sort de la salle aux quadrilles3.
La demeure éventrée que le feu surchauffa
Se donne désormais à ces vapeurs de brume
Qui montent des parquets que l’incendie coiffa,
Et descendent des toits, découvrant leurs volumes.
Ils amassent alors quelques précieux objets,
Car la veuve a compris qu’il faudrait bientôt suivre
La Grande-Armée française, et changer ses projets
En oubliant Moscou d’infortune et de givre.
Leur voiture entreprend d’endosser des manteaux,
Des fourrures dorées et des étoles chaudes,
Des chapkas recousues de bijoux orientaux,
Et des bottes fourrées dans des malles costaudes4.
Ils n’ont pas oublié de descendre aux caveaux
Se charger de biscuits5, de sel et d’eau de vie,
De thé, de pains de sucre et de pâtés de veau,
De morue desséchée, lard et graisse suivie6.
La neige a recouvert les pourtours calcinés
Des avenues plongées sous une aube d’hermine,
Et le blizzard obstrue leur vie déracinée,
Brouillant le souvenir de ceux qu’on extermine7.
Pierre Barjonet
Novembre 2023
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 2 « Brasier », Poème 8 « Flocons » (novembre 2023)
Les premiers flocons sont tombés soudainement le 13 octobre. Certes, ce n’était qu’une mince couche de neige qui, au petit matin, surpris l’occupant, mais pour Napoléon, cette neige fait l’effet d’une averse, en guise d’avertissement ! Pourtant, il ne précipite rien et restera encore à Moscou durant plus d’une dizaine de jours. Il est vrai qu’il a fort à faire pour organiser par le menu, suivant son habitude, toute la logistique du départ de ses troupes. Même si elles ont terriblement souffert de la campagne de Russie depuis juin, passant de plus de 600.000 hommes à... 100.000 soldats encore en ordre de bataille, leur retour vers la France n’est pas une mince affaire.
Il faut tout gérer, depuis les étapes clé de l’approvisionnement de vivres, fourrages et vêtements chauds (en prévision de l’hiver...) à partir de stocks venant principalement de Pologne, en passant par la question des ambulances pour rapatrier les malades et les blessés*, sans omettre le trésor accumulé de trophées pris à l’ennemi, dont la fameuse croix dorée qu’il fait démonter et descendre du clocher d’Yvan-le-Grand ; laquelle se brisera dans sa chute maladroite... Il lui faut aussi s’organiser pour répondre aux attaques des cosaques qui ne manqueront pas d’harceler ses troupes, sans parler d’éventuels combats de plus grande ampleur avec l’armée de Koutousov...
* C’est le maréchal Berthier qu’il charge d’évacuer les 1.500 hommes blessés par un convoi partant le 17 octobre, encadré par 300 soldats.
Quant à la troupe, en prévision d’un avenir incertain que cette première neige interpelle, elle fonde littéralement partout à la recherche de fourrures, de vivres, d’or et d’argent, mais pas seulement. Les hommes s’encombrent d’une incroyable « moisson » d’objets hétéroclites, de meubles en bois précieux, de candélabres, de tableaux, de tapis, de lustres, de vaisselle, de porcelaine, de vêtements précieux, de tentures, etc. en guise de butin, de souvenirs ou de monnaie d’échange pour leur long retour...
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Des vieilles mendiantes russes n’ayant pu quitter Moscou, faute de moyens.
2 Liouba, dans mon roman, est une jeune aristocrate russe de haute lignée qui vient de perdre son mari fusillé comme incendiaire (voir mon poème « Liouba »). Elle espère retrouver son palais intact, accompagnée par Joseph, mais hélas, il a brûlé.
3 Il s’agissait de la grande salle de bal où l’on dansait bien sûr, les dernières danses à la mode comme le quadrille comportant selon le cas, des figures anglaises puis françaises.
4 Terme ancien signifiant robuste.
5 Ne pas s’imaginer ici, des biscuits comme on en déguste aujourd’hui, mais plutôt des « biscuits de mer » tenant bien au corps et conservables de un à deux ans (faits uniquement de farine de pur froment et de levain sans sel), tels qu’on en prenait « pour la route » quand on partait en troïka (traîneau tiré par un attelage de trois chevaux) pour sa datcha (résidence secondaire proche de Moscou) ou pour rejoindre Saint-Pétersbourg où l’on s’en procurait auprès de la Marine Impériale.
N.B. Voir ce lien relatif aux « rations de combat » d’aujourd’hui :
6 La graisse de saindoux était finement hachée pour compléter les bouillies dont les Russes étaient friands, notamment les gens du peuple dont les serviteurs et les soldats.
N.B. Voir l’excellent article publié par le site « Russia Beyond » relatif à la façon dont « les Tsars nourrissaient leurs soldats » :
https://fr.rbth.com/histoire/85957-nourriture-soldats-russes
7 Comme le malheureux Boris, époux de Liouba.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
Le pillage de Moscou
Les " biscuits de guerre " ou " biscuits de mer "
ou biscuits des rations de combat en 1914/1918
Le quadrille français :
danse de salon avec ses figures traditionnelless comme :
" le pantalon, l'été, la poule, la pastourelle, le chassé-croisé, le galop
(ou la finale) et la boulangère "
Voir ce site " Carnet de bals " qui détaille par le menu toutes ces figures, ici : https://www.carnetdebals.com/danse-quadrille-francais.html
et voir cette vidéo :
Premiers flocons en Russie...
Cloches
" Bourdon lunaire ! "
Illustration originale 1/2 de Pierre Barjonet - Janvier 2024 - 40/30 -
Sanguine, fusain et pastel gras humide
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
" Bourdon fatal ! "
Illustration originale 2/2 de Pierre Barjonet - Janvier 2024 - 40/30 -
Sanguine, fusain, crayon Conte, pastel gras humide et gouache
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
" Les cloches du soir "
Musique traditionnelle russe reprise par Maurice Jarre pour le film " Dr Jivago "
à écouter en lisant le poème
Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :
N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire
avec un "résumé" de l'épisode en cours :
ainsi que la rubrique chronologique :
Cloches
Le cri figea la place affolant les corbeaux,
Tandis qu’un son feutré semblait vibrer de crainte.
Joseph un temps surpris releva son flambeau
Dans le soir abaissant des ombres son empreinte.
Approchant Saint-Michel1 dont la cloche expira
Il entrevoit la scène infâme qui se gîte
Au creux de ce bourdon dont l’âme transpira
Quand le soufre en fusion toussa sans qu’on l’agite2.
Tel un vaisseau largué sans cloche ni grelots3,
Ferré de madriers, ce renflement de cuivre
Niché près du clocher et tous ses angelots
S’enlise en la chaussée qu’on évite à poursuivre.
Un autre cri suivi du rire de soudards
Disperse la mêlée de chiens errants en meute.
Trois Gros-Talons4 cruels ayant ferré leur dard
S’apprêtent à violer comme après une émeute ...
... une femme brisée qu’ils maintiennent au sol
Sous la voûte d’airain de l’indomptable cloche.
L’écho de son effroi qu’aucun ciel ne console
Vibre, excitant ces gueux qui doublent leurs taloches.
Mais Joseph a surgi, crucifiant le battoir5
De l’hideux cuirassier transpercé de son sabre,
Puis saigne le second sans autre moratoire,
Et sonne à la volée le dernier sans palabre.
Liouba le reconnaît et se redresse enfin,
Dissimulant sa gorge en blessures d’outrage,
Puis en le remerciant d’un détachement feint
Accepte son escorte en de meilleurs parages.
Il la mène au Kremlin, ne l’abandonnant plus
À la garde fragile de la vie civile6.
Il la loge à l’étage au milieu des surplus
Des caissons de dessins et cartes de la ville.
Liouba l’observe là, dans son simple univers
Sans nul plan dessiné ni ruse coutumière,
Lui souriant poliment près des croisées d’hiver7 ;
Puis songe à son défunt parti dans la lumière8...
Pierre Barjonet
Novembre 2023
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 2 « Brasier », Poème 7 « Cloches » (novembre 2023)
Alors que les incendies s’éteignent progressivement, les troupes d’occupation se partagent entre celles fidèles à l’Empereur et vertueuses en discipline et celles qui se laissent aller en profitant de la situation pour commettre les pires exactions. Le pillage, les meurtres et les viols composent alors le triste registre des forfaits de ces hommes sans contrôle, comme à chaque fois qu’une armée victorieuse se pose dans une cité détruite, après avoir subi eux-mêmes les tourments de la guerre...
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 La cathédrale de l’archange Saint-Michel de Moscou fut construite entre 1505 et 1508 au cœur de l’enceinte du Kremlin sur la place des cathédrales « Ivanovskaïa ». Elle regroupe une cinquantaine de sépultures des princes de Moscou et des premiers tsars. En effet, Saint-Michel, le premier archange armé d’un glaive, était considéré par les Russes comme étant le protecteur des tsars et princes de la Moscovie. S’y tinrent également des cérémonies de célébration des victoires militaires russes. Durant leur séjour à Moscou, les troupes de la Grande-Armée fouillèrent en vain la crypte aux tombeaux de cette nécropole à la recherche de trésors...
La place des cathédrales se compose donc du palais à Facettes, du palais des Térems, du palais des Patriarches et d'une série de cathédrales prestigieuses dont la cathédrale de l’archange Saint-Michel, la cathédrale de l’annonciation, la cathédrale de la Dormition, l'église de la déposition de la robe de la Vierge, l'église des douze Apôtres, et le fameux clocher d’Yvan-le-Grand leur servant de campanile surmonté d’une croix d’or gigantesque de 30 pieds de haut (9 mètres) maintenue par des chaînes dorées. Napoléon voulut qu’on la décroche afin de la rapporter comme trophée à Paris. Mais en tentant d’y parvenir, la croix chuta lourdement et se brisa.
2 La cloche colossale « échouée » au pied du clocher d’Yvan-le-Grand sur la place des cathédrales est surnommée la « Tsar Kolokol » « la reine des cloches ». Ce bourdon, le plus grand au monde, n’a jamais sonné, car il n’a jamais pu être hissé au sommet de son campanile. Pesant 202 tonnes pour ses 6 mètres de haut, il fut moulé au 18e siècle en remplacement de deux cloches précédentes successivement détruites par des incendies. Pour la mouler, il fallut creuser une excavation de plus de 10 mètres de profondeur. Et que croyez-vous qu’il arriva ? Comme ses deux prédécesseurs, le bourdon fut victime d’un incendie qui détruisit ses charpentes de maintien, le faisant basculer au sol et se briser (le bloc détaché est conservé à proximité).
3 Dans la marine à voile, il existait une, voire deux ou même plusieurs cloches et parfois, grelots de rappel pour sonner les moments importants de la vie à bord dont les temps de quart.
4 Dans l’argot militaire de l’époque, les « Gros-Talons » étaient le surnom donné aux cuirassiers de la cavalerie lourde par les Grognards de la Ligne.
5 des « battoirs » sont des mains larges et épaisses.
6 Rappelez-vous que Liouba (dans ma saga) avait été confiée aux bons soins de la petite troupe hétéroclite des quelques civils : comédiens, lavandières et vivandières suivant les troupes.
7 Il s’agit de fenêtres doublées de volets intérieurs pour se préserver du froid.
8Liouba qui fut recueillie, désespérée après l’exécution de son mari incendiaire, par Joseph pris de compassion, ne peut s’empêcher de le voir dans la lumière des ressuscités, après les trois jours de deuil qu’elle s’imposa sur sa dépouille (toujours, dans ma saga, bien sûr).
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
La place des cathédrales dans l'enceinte du Kremlin au bord de la Moskova
La place des cathédrales vue par le peintre Giacomo Quarenghi en 1797
La cathédrale de l'archange Saint-Michel
la cathédrale de la Dormition,
la cathédrale de l'Annonciation,
l'église de la déposition de la robe de la Vierge
L'église des douze apôtres
Le clocher d'Yvan-le-Grand et sa croix
La cloche Tsar Kolokol au pied du clocher d'Yvan-le-Grand
Le palais à Facettes
Le palais des Térems
Le palais des Patriarches
Et le fameux plus grand canon du monde exposé sur la même place :
le " Tsar Pouchka "
Son calibre de 890 mm, son poids de 40 tonnes impressionnent toujours, même si ce canon coulé en 1587 pour défendre le Kremlin
n'a jamais tiré un seul boulet de... 800 kg !
Figurants
" Colère au Kremlin ! "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Décembre 2023 - 40/30 - Sanguine
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
" Mission impossible " (musique du feuilleton TV) joué au piano
à écouter en lisant le poème
Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :
N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire
avec un "résumé" de l'épisode en cours :
ainsi que la rubrique chronologique :
Figurants
Rageur, Napoléon regagne « son palais »1,
S’impose en occupant d’une ville déserte,
Tient à brusquer sa cour en livrée de valet,
Et se targue d’asseoir l’autorité rouverte.
Il est vrai que l’abîme entre les grenadiers
De sa Garde impériale ointe de discipline
Et les soudards gourmands tels des limonadiers,
Mûrit sa réflexion sur l’honneur qui décline.
L’incendie qui décroît ravive son ardeur,
Et lui donne le feu d’ordonner en cadence
L’exécution des gueux poudrant l’infâme odeur
Des brûlots assassins d’un peuple en décadence.
Sa colère est terrible2 éventant les salons,
Fusillant les portraits, brisant la porcelaine,
Hurlant à bout de nerfs en frappant du talon,
Et maudissant Moscou, cette cité vilaine.
Joseph ferme les yeux en serrant son crayon
Qui dessine le plan de la ville détruite,
Puis gomme les quartiers incendiés par rayons,
En tremblant de signer cette synthèse instruite.
La ville est ravagée3, se lamente Joseph
Provoquant derechef le courroux de son maître.
Ne reste qu’à l’inscrire de son propre chef
Dans un rapport brossé loin de son périmètre.
Dehors, des figurants, pillards de carnaval,
Ont troqué l’uniforme au panache des blondes,
Se sont crus séduisants sans l’ombre d’un rival
Et se sont réchauffés d’une folie féconde.
Ni pillage ni viols, avait grondé l’Empereur,
Mais face à l’incendie des lâches méprisables
La chasse est engagée se drapant de fureur,
Prélevant son butin de proies inépuisables.
L’on entasse partout fourrures et lingots,
Vaisselle et chandeliers, couverts d’argenterie.
L’on se prend à rêver de gloire à Marengo4
Et s’habille de soie fine en galanterie.
Pierre Barjonet
Novembre 2023
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 2 « Brasier », Poème 6 « Figurants » (novembre 2023)
Devant un tel cataclysme, la discipline en prend un coup. Le pillage, les exactions voire les désertions guettent. Les hommes se ruent vers les « trésors » des palais dont ils entendent bien s’emparer. Parallèlement, ils font provision de vivres et de boisson sans oublier de mettre la main sur tout ce qu’ils pourront revendre en empochant de jolis bénéfices, plus tard à Paris... Napoléon qui avait tout d’abord strictement interdit les pillages et les viols finit par laisser-faire, malgré sa désapprobation.
Ils vont même jusqu’à fondre l’or des églises (icônes, crucifix, châsses précieuses, bijoux sacrés...) en utilisant les fours des lieux de culte et les monastères (qui en possédaient tous), les transformant en lingots marqués du N impérial.
À ce sujet, un a longtemps cherché - et l’on recherche toujours – le fameux trésor de Napoléon perdu lors de la retraite de Russie qui s’élèverait à 80 tonnes d’or en lingots. Depuis 200 ans, les Russes, plus tard les nazis et les Soviétiques (en 1970) ont creusé le sol, sondé des bois et vidé des étangs et sondé le lac de Semlevskoï (dès 1830) avec force plongeurs et pelleteuses en vain. Il est un fait que les 200 chariots qui sont partis de Moscou chargés de ce trésor n’ont jamais dépassé les frontières de la Russie. Comme le mentionne l’excellente revue numérique « Russia Beyond » ici : https://fr.rbth.com/histoire/79981-napoleon-1812-tresors-russie-lac il semble logique que Napoléon ait ordonné de dissimuler le butin de ce trop lourd fardeau en cachant trophées volés et tonnes d’or. Dans l’idée probablement de revenir le chercher plus tard ?
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Le Kremlin.
2 Les colères de Napoléon sont légendaires.
3 Comme déjà dit, Moscou, essentiellement bâtie de bois, fut détruite à près de 80 %
4 Marengo fut une victoire glorieuse du général et premier Consul Bonaparte durant la campagne d’Italie, le 14 juin 1800, l’opposant aux troupes autrichiennes dans le Piémont en Italie.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
Plan russe d'époque montrant la ville de Moscou brûlée (en rouge)
Un palais détruit, rebâti plus tard à l'identique
Le pillage de Moscou par les Français
La bataille de Marengo par le peintre Louis-Françoise Lejeune
Le lac de Semlevskoïe connu pour y conserver enfoui le trésor de Napoléon...
Photo de Russia Beyond " La légende du Lac Semlevskoïe "
https://fr.rbth.com/histoire/79981-napoleon-1812-tresors-russie-lac