L'ours
" Le fauve"
Illustration originale de Pierre Barjonet - Juin 2024 - 40/30 - Sanguines.
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Musique du film " Gladiator " : " Force et honneur "
à écouter en lisant le poème
Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :
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avec un "résumé" de l'épisode en cours :
ainsi que la rubrique chronologique :
L'ours
Il a flairé la sueur, l’huileux goût des chiffons,
Cette espèce de gangue tenant lieu de châle
Emmitouflant la tête à l’abri des griffons
Des malheureux transis loin de leur maréchal1.
Il contourne un bouleau, salivant du museau,
Saute un sapin couché, surgit face à la troupe
Et glisse sur le dos en soufflant des nasaux,
Puis égorge, cruel, trois hommes de ce groupe.
La surprise est totale et les gestes sont lourds,
Engourdis, maladroits, perclus devant l’épreuve.
Mais l’ours2 est à la noce en chargeant ces balourds,
Et gronde de plaisir par la peur qui l’abreuve.
Il arrache une épaule et piétine un sergent,
Lors, s’en prend au cheval d’un chasseur de la Garde,
Se tourne en balançant vers ceux qui, convergeant,
Voulaient le contourner dans la brume blafarde.
Des coups de feu confus décuplent sa fureur,
Et l’animal teigneux s’en prend alors aux femmes,
Griffe leurs hurlements réveillant la terreur
De la bête maudite au Gévaudan3, l’infâme !
Livreur l’attaque au ventre en lacérant d’instinct
Ses viscères fumants luisants sous la fourrure.
L’ours cherche à le cingler, mais c’est lui, le festin
Du chien-loup si vaillant malgré ses déchirures.
Alors vient la curée des haches et couteaux
Tranchant le plantigrade à même son pelage,
Tandis que Nicolas tresse des végétaux
Pour emballer sa viande en un ferme attelage.
Liouba panse Livreur, le massant d’un onguent,
L’épongeant de charpie, le choyant de tendresse,
Tant il a combattu l’affreux fauve arrogant
En défendant les siens, non sans fougue et adresse.
Le silence succède au fracas d’ouragan,
Mais soudain Natacha pousse un juron de crainte
En voyant Rose au sol, livide et divaguant,
La poitrine zébrée de sanglantes empreintes...
Pierre Barjonet
Avril 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 3 « glacial », Poème 9 « L'ours » (Avril 2024)
Alors que nombre d’officiers généraux quittent les rangs pour tenter de se protéger du froid polaire qui s’abat, ce que déplore un Napoléon excédé, d’autres tiennent encore le coup. Le Maréchal Ney qui ferme la marche pour commander l’arrière-garde est de ceux-là. Mais face aux circonstances terribles de l’hiver russe qui débute, des maladies et de la famine qui ravagent les troupes, dont tout particulièrement l’arrière-garde qui n’a plus rien à se mettre sous la dent (passant après les autres sur une route déjà dévastée à l’aller), Ney doit se résoudre à abandonner une grande partie de ses attelages, dont certains chargés de prisonniers russes, comme autant de bouches à ne plus nourrir...
Notons que le 3 novembre 1812, le Maréchal Davout fut attaqué puis encerclé par les Russes du général Miloradovith ainsi que par les cosaques du fameux général Platov, interrompant ainsi sa retraite alors même qu’il rejoignait la ville de Viazma aux mains des Français du Maréchal Ney. Les combats dans la ville et sur le pont furent dévastateurs de part et d’autre et obligèrent le 1er Corps réputé de Davout à rompre ses rangs malgré la ténacité de son chef. Même s’il remporta une piètre victoire, il regretta de très lourdes pertes et finit par atteindre Smolensk le 11 novembre avec seulement 12.000 hommes et 24 canons.
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Il s’agit du Maréchal d’Empire Michel NEY (1769/1815), duc d'Elchingen et prince de la Moskowa, aidé du Maréchal d’Empire Louis Nicolas DAVOUT (1770/1823), duc d’Auerstaedt et prince d’Eckmühl.
2 L’ours est une part importante de la tradition et de l’imagerie populaire russe. Il servait à bien des occasions, y compris pour alimenter des combats à mort donnés par les tsars entre des ours sauvages, donc non dressés, et des chasseurs d’ours volontaires espérant gagner suffisamment d’or en récompense de ce divertissement donné jusqu’au XVIIIe siècle. Mais l’ours dressé avait les faveurs du public en maintes occasions. Utilisé lors des foires, des marchés et des fêtes populaires, il savait danser, faire des tours, simuler des attaques et même jouer la comédie. L’excellent site évoqué dans ma saga (et ci-après) « Russia Beyond » témoigne de leur dressage cruel opéré sur de jeunes oursons capturés par des chasseurs dans les forêts denses de Russie. On les enfermait dans des cages en cuivre dont on chauffait le fond, après leur avoir chaussé les pattes arrière, les obligeant à lever leurs antérieurs et à « danser » d’une patte sur l’autre tandis que leur dresseur jouait du tambourin. Par la suite dans les foires, dès qu’on frappait un tambourin, l’ours se mettait à danser par réflexe... Puis, après leur avoir limé les dents et les griffes, on leur passait un anneau très douloureux entre le nez et les lèvres les forçant à obéir à la moindre sollicitation.
Quant à l’origine de l’assimilation du Russe à l’ours, elle vient de l’épopée napoléonienne. Russia Beyond explique que « des ours prodiges (dressés) de Sergatch, dans la province de Nijni Novgorod ont paradé avec des fusils devant des soldats français médusés ». Lesquels par la suite ont rapporté leur témoignage complété par la promesse du « capitaine-chef de la police locale d’envoyer s’il le fallait contre les troupes françaises des régiments d’ours ». C’est donc « depuis ce moment que les Français ont commencé à qualifier les Russes d’ours ».
3 La fameuse, mais également légendaire « bête du Gévaudan » fit des ravages dans l’ancien pays du Gévaudan (l’actuelle Lozère) durant trois ans, de juin 1764 à juin 1767. On estime à 124 la totalité des victimes recensées dans cette région de la Lozère, mais aussi en Auvergne, dans le Vivarais, le Rouergue et le Velay. La France d’alors comptait environ 20.000 loups et il semble acté qu’on attribua à « la bête » bien des attaques commises par d’autres loups. Elle était agressive, intelligente, agile, se glissant jusque dans les villages, et quasiment invulnérable, d’où la naissance de mythes, superstitions, croyances (punition divine) et suppositions souvent rocambolesques (humain déguisé en loup protégé par un masque en fer, etc.). Mais comme ce furent surtout des enfants, des jeunes filles et des femmes qui en furent les victimes, l’hypothèse qu’il s’agissait d’un pervers ayant pris les traits d’un loup continue d’être évoquée.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
Le Maréchal d'Empire Michel NEY
NEY pendant la retraite de Russie
Le Maréchal d'Empire Louis Nicolas DAVOUT
La bataille de Viazma (3 novembre 1812)
Viazma aujourd'hui
Ours en Russie
Griffes !
Ours dressé
Ours dans la tradition populaire russe
" Le combat de l'ours "
Ours embrigadés moqués par les français.
Et pourtant...
La bête du Gévaudan
La curée
La bête empaillée présentée au roi Louis XV
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