SAISON 6 " Félicité "
Banquet 
« Fastes »
Illustration originale de Pierre Barjonet
Avril 2025 - 40/30 - Crayon puis pastel gras
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Musique folklorique slave : Magie des voix cosaques : " Frères, remplissons nos verres "
Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :
N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire
avec un "résumé" de l'épisode en cours :
ainsi que la rubrique chronologique :
Banquet
Liouba se rappela les fastes du passé
Quand sortant du carrosse en livrée rutilante
Elle mimait Boris 1 un peu trop compassé,
Puis le serrait de près, jalouse et vigilante.
C’est avec Natacha qu’on annonce son rang,
Puis que le prince Igor 2 se porte à leur rencontre,
Les saluant fort l’usage, et se veut rassurant,
En préférant au deuil sa relation ci-contre 3.
Épris de Natalya 3 le prince offre en banquet
Les grâces du pardon saluant leurs retrouvailles
Ayant manqué sombrer avant de débarquer
Quand l’honneur d’un français sabra leurs funérailles 4.
La danse des valets accompagne les plats,
Les zakouskis 5 fameux précédant les potages,
Et les poissons pour suivre avant qu’on appelât
Les entrées en gelée figeant les papotages.
Les toasts agrémentés de vœux portés au Tsar,
Au prince et sa promise, emportent les convives
Dans un ballet joyeux déroulant par hasard
Des sourires surpris, des regards qu’on ravive.
Puis on sonne le glas des viandes et gibiers,
Des légumes d’ici, braisés comme à la Russe.
Et surtout l’on prévient de convier son barbier
Pour calmer les mentons fiévreux faisant chorus.
La ronde des desserts vient supplier le ciel
Que les corsets ne fondent aux excès de sucre,
Aux fruits confits glacés, aux charlottes au miel,
Aux sorbets vanillés coûteux, au goût de lucre.
« Du vin français, bien sûr ! » répond un officier
Au valet maladroit se trompant de carafe
Et servant du muscat 6 quitte à bénéficier
Du sourire amusé d’un baron géographe.
Lors, Liouba se tourna, manquant la commotion,
Reconnaissant Joseph dans l’horizon du prince.
Ses yeux ne bougeant plus, saisie par l’émotion
Elle lâche sa coupe et son couvert qui grince.
Pierre Barjonet
Mars 2025
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 5 « Miséricorde », Poème 9 « Banquet » (Mars 2025)
En septembre 1813, après la reprise des combats, suite à l’expiration en août de l’armistice de Pleiswitz, on s’avance tout droit vers la fameuse « bataille des Nations » à Leipzig, évoquée dans le poème précédent (Couture) qui se déroulera autour du 19 octobre 1814. Ainsi, les troupes coalisées contre la France, adoptent-elles la stratégie de Trachenberg consistant à ne pas combattre directement Napoléon, mais plutôt ses maréchaux après les avoir isolés. De plus, en multipliant les escarmouches et combats secondaires, elles minent le moral de la Grande-Armée et épuisent ses forces. D’ailleurs, ces troupes viennent de remporter à Kulm (30 août/1er septembre) une victoire décisive contre l’un des maréchaux de Napoléon, Dominique René Vandamme qui est fait prisonnier, ce qui renforce le sentiment victorieux des troupes coalisées (6e coalition) contre l’Empire français (pour l’essentiel : Empire de Russie, Empire d’Autriche, Royaume de Prusse, Royaume-Uni, sans oublier sur d’autres fronts, les royaumes de Suède (avec à sa tête un ancien maréchal de Napoléon devenu prince héritier de suède puis roi de Suède et de Norvège et l'ayant trahi, Jean-Baptiste Bernadotte), d’Espagne, du Portugal, de Sardaigne et les États allemands de la Confédération du Rhin, tout comme la Bavière qui changent de camp...
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Rappel : Le comte Boris, le mari défunt de Liouba, fusillé comme incendiaire à Moscou, par les Français, un an avant, en septembre 1812.
2 et 3 Rappel : Le prince Igor Volkonsky, père du jeune cadet Youri (élève de Joseph), veuf et nouvellement fiancé à la Grande-Duchesse Natalya.
4 Rappel : Joseph sauva d’un naufrage dans le port de Voronej le prince Igor Volkonsky et sa promise la Grande-Duchesse Natalya.
5 Les zakouskis sont des mets russes très appréciés servis comme hors-d’œuvre constitués de légumes, de poissons, d’œufs, etc. Ils sont proposés avant les soupes et potages, et bien souvent comme apéritif.
6 Le service du muscat faisait partie intégrante d’un grand banquet, avec du muscat de Massandra en Crimée.
Voici un exemple de menu servi lors d’un grand banquet
à la cour du tsar Alexandre 1er à Saint-Pétersbourg en 1813 :
Zakouskis (hors-d’œuvre)
Caviar de la Caspienne sur blinis
Saumon fumé et esturgeon marinés
Kulebiaka (feuilleté de poisson)
Cornichons, champignons marinés, et harengs à la russe
Potages
Bortsch impérial (betterave, viande, crème fraîche)
Consommé à la mode française
Poissons
Esturgeon rôti au champagne
Brochet farci à la mousse de crustacés
Entrées
Canetons en gelée à l’estragon
Langue de bœuf braisée à la moutarde
Plats de viande
Filet de bœuf Wellington à la russe
Perdrix aux airelles
Rôti de chevreuil à la crème
Accompagnements
Kacha (gruau de sarrasin au beurre)
Pommes de terre Anna
Choux braisés à la russe
Desserts
Charlotte aux pommes et au miel
Pirojki sucrés à la confiture
Glace à la vanille et aux fruits confits
Sélection des vins et spiritueux :
Vins français : Château Lafite, Château Margaux
Vins de Crimée : Muscat de Massandra
Champagnes : Veuve Clicquot, Moët & Chandon
Liqueurs et digestifs : Vodka impériale, Cognac, Chartreuse
Déroulement du gala comportant le banquet,
puis le bal et les festivités d’extérieur :
Accueil des convives
Les invités arrivaient en carrosse devant les portes du palais impérial de Saint-Pétersbourg. Ils étaient annoncés un à un par le maître de cérémonie, selon leur rang. Les plus prestigieux (ambassadeurs, grands-ducs, maréchaux) entraient en premier et étaient reçus par l’empereur en personne ou un chambellan.
Installation à table
Dans la salle de banquet éclairée par des centaines de bougies et ornée de vaisselle en or et porcelaine de Sèvres, les convives prenaient place selon un ordre strict :
- Le tsar au centre, avec les hôtes d’honneur de chaque côté.
- Les dames les plus titrées près du souverain.
- Les généraux et dignitaires à leur rang respectif.
Le repas était accompagné d’un orchestre jouant des airs élégants, entrecoupés de toasts portés en l’honneur de l’empereur.
Ouverture du bal
Après le dîner, les convives se rendaient dans la salle de bal. Le tsar ou une grande-duchesse ouvrait le bal avec une polonaise solennelle, suivie de valses et de quadrilles. La noblesse russe, passionnée de danse, rivalisait d’élégance.
Feu d’artifice
Pour clore la soirée en majesté, un feu d’artifice était tiré dans les jardins du palais, illuminant les dômes dorés et les colonnades de Saint-Pétersbourg. Entre fusées multicolores et gerbes d’or, la cour impériale célébrait le faste de l’Empire.
Ainsi se déroulait une nuit de splendeur au palais, entre raffinement gastronomique, éclat des cristaux et feux du ciel…
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en grande partie du site " Russia Beyond " devenu récemment " Fenêtre sur la Russie " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
Le maréchal capturé à Kulm, Dominique René Vandamme (1770/1830)
Sa capture
Le maréchal Jean-Baptiste Bernadotte (1763/1844)...
...devenu roi de Suède et de Norvège sous le nom de Charles XIV Jean
Quelques plats typiquement russes
avec des zakouskis et petits pains très appréciés du dernier tsar avec sa famille, Nicolas 2 (1868/1918)
Grands restaurants anciens de Moscou
N.B. Comme l'indique le site Russia Beyond, durant l'ère soviétique (et très certainement aussi auparavant) les gens ne se rendaient jamais au restaurant car leurs tarifs étaient bien trop élevés, représentant le quart à la moitié d'un salaire.
Ils déjeunaient et dînaient chez eux, ainsi que dans des cantines.
Imaginez devoir verser la moitié de la bourse mensuelle d'un étudiant (50 roubles dans les années 80) pour un repas coûtant 25 roubles.
Même un médecin ne le pouvait pas (salaire moyen de 125 roubles)...
Seuls les nantis, les privilégiés, les élites et les touristes pouvaient se le permettre.
Le Métropole
Le Savoy
Le TsDL (typique du XIXè siècle)
Le Yar
L'Ouzbékistan
Et pour finir avec des plats parmi les plus chers...
Croissant au caviar : 6000 roubles = 80 €
Tourte aux trois poissons nobles : 7500 roubles = 100 €
salade au crabe royal du Kamtchatka : 3500 roubles = 50 €
Bouillabaisse impériale : 24900 roubles = 330 €
Filet mignon de Kobe (boeuf japonais) : 73000 roubles = 975 €
Fruits de mer très frais : 23000 roubles = 300 €
Et pour ne pas manquer d'appétit (!)
un dessert... en forme de coeur humain : 2700 roubles = 35 €