SAISON 4 " Féroce "
Noël
" Sainte nuit "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Novembre 2024 - 40/30 -
Fusain, pastel gras et touche d'acrylique
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(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
" Рождество Христово. Эта ночь святая " (Noël, Sainte nuit)
Chant interprété par la chorale de l'église Saint-Nicolas de Zayaitsky
à regarder d'abord, pour se mettre dans l'ambiance,
puis à écouter en lisant le poème
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avec un "résumé" de l'épisode en cours :
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Noël
Et la nuit se fit tendre en l’alchimie du ciel
Coiffant les grands sapins de voûte scintillante,
Donnant son plein écho d’amour providentiel
Aux amis pénétrés de grâce pétillante.
Nos jeunes survivants, tels de simples bergers
Ont célébré Noël 1, au creux de leur refuge
En chantant leur ferveur à défaut de clergé
Et bénissant l’instant d’une paix sans déluge.
Hors l’écho de la guerre et bien loin des combats,
La forêt s’est courbée dessous l’immense voûte,
Semant un peu de neige au sol qui succomba
Sous des monceaux de glace à l’azur qui envoûte.
Ils n’ont guère jeûné 2, rompant la tradition,
Nos quatre réfugiés et leur chien peu farouche,
Car ils ont oublié la sinistre addition
De la peur et du froid, de la faim qui vous couche.
Vania s’est mis en quatre en préparant les mets :
Douze plats savoureux 3 honorant les apôtres,
Dans un décor de fête en l’encens qui fumait,
Tout en rompant le pain de farine d’épeautre 4,
De la bouillie sucrée, du riz nappé de miel,
Des noix pour la koutia 5 et puis du lait de chèvre ;
La chèvre de Vania trouvée sous l’arc-en-ciel
Coiffant une clairière un jour de chasse au lièvre.
Puis en s’accompagnant de balalaïka,
Chacun courut joyeux, contournant leur demeure 6,
Singeant des animaux, des lutins délicats,
Chantant des koliadki 7 dans une belle humeur.
Et Vania leur ouvrit, leur offrant des douceurs,
En fêtant Sviatki 6, comme il est de coutume,
Surprenant Nicolas, mais pas vraiment « sa sœur 8 ».
Et Livreur aboya, mordillant leurs costumes 6.
Le bonheur est enfin, l’hôte de la maison,
Servi par un bon feu que n’essoufflent les braises,
Du thé, de la vodka, des chants en oraison,
Et la paix d’un instant sans la guerre française.
Pierre Barjonet
Octobre 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 9 « Noël » (Octobre 2024)
Le 26 décembre 1812, tout ce qui restait de la Grande-Armée fut expulsé de Russie, bien que les combats se poursuivirent au-delà des frontières. Cette guerre qui fut ensuite appelée par les Russes « La guerre patriotique » fut en définitive gagnée par la Russie puisque les troupes françaises se retirèrent en abandonnant le terrain et en perdant la quasi-totalité de leur « Grande-Armée ». Certes, le froid terrible du « Général Hiver » doublé par la famine, les maladies et les assauts incessants des cosaques y contribuèrent largement, malgré les tentatives de Koutousov qui perdit ses batailles contre Napoléon, mais les Russes ont aussitôt considéré qu’ils devaient leur succès à la Providence Divine.
Ainsi, le tsar Alexandre 1er ordonna-t-il le 25 décembre 1812 depuis la ville de Vilno (Vilnius), la construction à Moscou d’une cathédrale afin de témoigner de sa gratitude envers la providence divine, d’où son nom de « Cathédrale du Christ Sauveur ». Cette cathédrale connut bien des déboires. Elle changea d’emplacement avec de nombreux projets qui s’allongèrent avec des architectes et des empereurs différents, pour être finalement achevée bien plus tard, en 1883 ! Par la suite, Staline la fit dynamiter en 1931 pour construire à sa place un Palais des Soviets disposant du plus haut gratte-ciel du monde, mais impossible à bâtir cependant, sur cet emplacement trop fragile n’autorisant pas des fondations trop profondes. Le site restera vide et traversera la dernière guerre mondiale, puis il donnera naissance à son tour sur l’ordre de Nikita Khrouchtchev en 1958 à.… une piscine, la plus grande des piscines à ciel ouvert ! Ce n’est qu’en 1994 que Boris Eltsine autorisera la reconstruction à l’identique de la cathédrale qui fut donc consacrée en 2000.
Napoléon, qui est rentré à Paris le 18 décembre 1812, multiplie les audiences aux Tuileries comme les parades militaires pour rassurer le peuple en cette presque veille de Noël. Il s’empresse de consulter ses généraux, ses ministres et ses fonctionnaires afin de réorganiser l’armée, en toute priorité. Ce qui ne l’empêche pas de chasser dans le parc de Marly ou dans les bois de Versailles. Pendant ce temps, le maréchal Murat installe son État-Major à Elbing, en Prusse occidentale, avec ce qu’il reste de la Grande-Armée, afin de résister à la poussée de l’armée russe. Et le 7 janvier, se met en place une médiation autrichienne pour tenter de résoudre le conflit franco-russe...
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 À la différence de la veillée et du jour de Noël catholique, la Noël russe se célèbre le 7 janvier selon le rite orthodoxe russe et donc le calendrier solaire Julien - du nom de Jules César qui l’établit en 46 av JC en remplacement du calendrier romain républicain - différent du calendrier Grégorien, du nom du pape Grégoire XII qui l’imposa en 1582. Ainsi, le Nouvel An russe se tient dans la nuit du 13 au 14 janvier. Il y a un écart de 13 jours entre les 2 calendriers.
Notons qu’à l’époque soviétique, il était formellement interdit de fêter Noël (décision de Staline en 1929), mais ce qui n’empêcha nullement les gens de passer outre, en secret, malgré les conséquences, voire au goulag !
Notons enfin que si Noël et le Jour de l’An sont deux fêtes très importantes en Russie, au plan religieux, Pâques en est la principale, puisqu’elle célèbre la résurrection du Christ, ainsi que se le disent les fidèles en se croisant ce jour-là : « Christ est ressuscité ».
Voir ces explications très intéressantes sur Wikipédia, ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Calendrier_julien
2 Le « jeûne de la nativité » est très strict chez les orthodoxes, et précède Noël durant quarante jours. Les fidèles attendent normalement la veille de Noël, l’apparition de la première étoile pour réveillonner, mais, sachant que la messe se tient à minuit, donc après, comme partout ailleurs, avec d’ailleurs un faste particulier dans la « Cathédrale du Christ Sauveur de Moscou », puisqu’elle est célébrée par « le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies ».
3 Il est d’usage de composer le menu du réveillon de Noël de douze plats en référence aux douze apôtres.
4 L’épeautre est une variété de blé rustique dont le grain adhère fortement à son enveloppe.
5 La « koutia » est une bouillie de riz ou de blé complet, additionnée de miel et de raisins secs en référence au paradis selon la coutume. Les Russes se nourrissaient principalement de bouillies, dont certaines, plus riches, accompagnées de lait, de crème, d’œufs ou de beurre, étaient réservées pour des fêtes particulières comme Noël ou pour honorer les défunts. Les bouillies étaient un peu l’équivalent de notre pain.
Lorsque commence le réveillon, après la messe de minuit, on sert les douze plats avec en premier lieu, la koutia. Viennent ensuite des crêpes, du porc, de l’oie grasse, du canard, des friandises, des tartes, des galettes et autres sucreries...
6 Toute la période de Noël qui va jusqu’à l’Épiphanie (le 19 janvier), et qui dure donc douze jours, est appelée « Sviatki ». C’est une période particulière où l’on s’amuse de façon païenne et folle, ce qui est étrange, mais qui peut s’expliquer par le fait que les Russes croyaient qu’entre la naissance du Christ et son baptême se tenait une période « sans croix ». Des rites païens offrent alors à la population de se divertir, en faisant jour et nuit des « folies » interdites habituellement à la maison comme au travail, en buvant, chantant, dansant, faisant du bruit, se grimant et se déguisant en animaux, en démons, en sonnant aux portes des maisons de son quartier en quête de friandises.
En effet, on pensait que durant cette période sans croix, le diable et ses démons étaient de sortie, d’où les friandises à « leur » offrir. Naturellement, de nombreux excès et abus couronnaient le tout, surtout lorsque des jeux impies déguisaient les filles en... juments pour permettre aux garçons d’en choisir une en l’embrassant et la faisant sauter sur leurs genoux...
Voir ces explications très intéressantes sur le site " Russia Beyond ", ici :
https://fr.rbth.com/lifestyle/79821-sviatki-traditions-nouel-russie
7 Les koliadki sont des chants particuliers accompagnés de bruit que pratiquent les participants de Sviatki durant toute cette période qui succède au Noël orthodoxe jusqu’à l’Épiphanie. Les chanteurs, donc vêtus de folle façon, de costumes de carnaval faisaient le tour des maisons et dansaient à grand renfort de tintamarre pour recevoir friandises et koutia.
8 Il est clair que Natacha, « la sœur » de Nicolas au sens où Liouba les a « adoptés » dans leur périple, étant Russe, connaît parfaitement la tradition des Koliadki, Sviatki et de la Koutia.
Voir ces explications très intéressantes sur le site " Russia Beyond ", ici :
https://fr.rbth.com/art/93008-koladki-chants-noel-russie-tradition
Et voir ci-après, ces différents enregistrements vidéo de koliatki
tirés du site " Russia Beyond "
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en grande partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
L'une des églises saintes de Moscou
la Cathédrale du Christ Sauveur à Moscou
En 1904
Son dynamitage sur ordre de Staline
Remplacée par... une piscine !
Actuellement
Plaques commémoratives de la Campagne de Russie de 1812
en hommage aux Russes
Célébration de Noël dans la Cathédrale du Christ Sauveur à Moscou
La tradition des Koliadki, Sviatki et de la Koutia
Intimité
" Journal intime "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Novembre 2024 - 40/30 -
Sanguine sèche non estompée
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(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
" Midnight in Moscow " Musique folklorique russe (balalaïka et orchestre)
à écouter en lisant le poème
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Intimité
Persuadée que Joseph a rejoint son mari 1,
Liouba ne lâche plus « son carnet » 2 qu’elle estime,
Et se fait un devoir face à la barbarie,
De lui confier le soir, ses rêveries intimes.
Elle a repris la trace en notant par écrit
Les drames survenus depuis la fusillade
De son noble Boris 1, comme l’avait décrit
Joseph avant son tour, lui léguant une œillade.
Mais bien vite en pleurant, sa plume ouvre son cœur.
Se berçant d’illusions elle couche en romance
Le portrait de Joseph au visage moqueur,
Ses yeux d’un éclat fauve et son sourire immense...
Le temps semble arrêté, figeant le moindre écho
Des sons de la forêt, des parfums de la vie,
Laissant chacun vaquer en versant son écot
À d’utiles corvées prolongeant leur survie.
Nicolas s’enhardit à traduire des mots 3,
Faisant rire les autres de sa maladresse
Quand il ose en pouffant, des jurons bien jumeaux,
Et Vania boit des yeux « Natacha la tendresse ».
Leur retraite paisible à l’abri du conflit
Grave un lien d’amitié d’une promesse intense,
Et nul son de canon, nulle guerre en folie
Ne sauraient affaiblir leur folle résistance.
De son côté Joseph tait son profond mépris
Pour ces bêtes cruelles ajoutant aux chaînes
Chaque jour plus de morts que le gel a surpris,
Puis, les abandonnant en trophées aux Tchétchènes 4.
Ses bourreaux se rengorgent de l’honneur bafoué
Des grognards humiliés, des commandements rauques
Quand des hommes parfois, sont vendus et tatoués,
Aux Tartares 5 seigneurs de ces terres si glauques.
Napoléon le grand, glisse à force traîneaux
De l’Escadron sacré 6 protégé par ses aigles,
Vers la France en songeant aux traîtres infernaux 7
Qu’il devra mettre à terre en respectant ses règles.
Pierre Barjonet
Juin 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 8 « Intimité » (Mai 2024)
Tandis que nos chers amis commencent à « oublier la guerre » dans leur havre de paix auprès de Vania, Joseph et ses camarades capturés par les cosaques et les Tatars s’efforcent de tenir coûte que coûte tout au long de la route de la Sibérie vers l’est, mais qui pourtant, s’oriente de plus en plus au sud, sud-est... ?
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Rappelons-nous le mari de Liouba, Boris, incendiaire de Moscou parmi les brigands recrutés par le gouverneur de la ville, le comte Rostopchine, mais aussi au nombre des nobles désespérés comme lui, qui furent arrêtés et fusillés séance tenante par les grenadiers Français. (Voir l’épisode 4 « Liouba » de la saison 2 « Brasier »).
2 Ce fameux « Carnet des trésors » comme le désignait Joseph (voir mon poème 4 « Joseph »), et que Liouba nommera désormais son « Carnet gelé », devenu son journal intime.
3 Nicolas « se met au russe », ou du moins, tente d’en acquérir quelques notions... Ce qui n’est guère aisé. Il est un fait que la langue russe se composait non seulement d’innombrables dialectes, mais surtout des très nombreuses langues européennes, nordiques, moyen-orientales, orientales et asiatiques des territoires annexés au fils des conquêtes des tsars.
Le tsar Pierre-le-grand entreprit de réformer le russe, déjà par son orthographe, ensuite par sa volonté de « russification » de l’administration et de ses écrits, dont les décrets et « oukases » impériaux, mais sachant que près de la moitié de sa population était illettrée, l’on devine la difficulté de la tâche. Cohabitaient en effet, les langues slaves, indo-iraniennes, turques, finno-ougriennes, samoyèdes, mongoles, toungouzes, paléosibériennes et romanes, pour une addition de plus de soixante langues composant l’alphabet cyrillique !
À l’époque du tsar Alexandre 1er et de Napoléon 1er, il était d’usage dans l’aristocratie de parler couramment le français (la langue de Voltaire et de Diderot, adulée par Pierre le grand et Catherine la grande), l’anglais (parlé de fait par les gouvernantes britanniques), et l’allemand (des princesses épousées par les tsars).
Au lendemain de la révolution de 1917, les bolcheviques se mirent également de la partie en voulant lutter contre l’illettrisme par la simplification de la langue « devenue unique » afin d’en faciliter l’accès au peuple. Elle bénéficia d’une forte réforme orthographique comportant, entre autres, la suppression de 4 lettres ramenant l’alphabet de 44 lettres (dont 8 désuètes depuis le 18e siècle et donc déjà abandonnées) à 32 avec la nouvelle suppression de quatre lettres, puis finalement par un ajout, à 33 lettres.
Voir l’alphabet russe actuel sur Wikipédia, ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alphabet_russe
et cet article sur Russia-Beyond, ici :
https://fr.rbth.com/histoire/85104-evolution-langue-russe-urss
4 Les Tchétchènes constituent le plus grand peuple ethnique natif du Caucase Nord, avec 1.552.866 habitants en 2024 pratiquant la religion de l’Islam en majorité. Ancienne République socialiste Soviétique, la Tchétchénie se réclame actuellement d’une république présidentielle (à caractère autoritaire...) validée par le président russe Poutine après deux guerres (menées par Boris Eltsine et Vladimir Poutine) en 1994 et 1999/2000.
5 Les Tartares, ou plus exactement les Tatars (peuples d’ethnies différentes), sont un peuple turcique (d’origine et de langue turco-mongole) établi en Russie centrale et du sud, en Ukraine, au Kazakhstan, en Ouzbékistan et en Turquie, se portant à plus de 8.000.000 d’habitants au début de ce siècle.
6 J’ai déjà mentionné le fameux « Escadron sacré » dans mon poème 3 « Trésor » de la saison 4.
7 De la même façon, j’ai déjà évoqué la tentative de coup d’état avorté du général Claude François de Malet dans mes poèmes « Naufrage », « L’estafette » et « Bûchers ».
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
La langue russe et ses réformes
Lettres supprimées
La Tchétchénie dans l'empire russe
Tchétchénie, Tchétchènes et Tatars
Femme Tatar
Mosquée à Grosny, capitale de la Tchétchénie
Localisation actuelle des Tatars
Les guerres de 1995 et 2000 à Grosny
Grosny aujourd'hui
Avec l'Escadron sacré
Le carnet gelé
" Son carnet "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Novembre 2024 - 40/30 -
Sanguine et craie Conte bistre et de couleur
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" In the moonlight (Au clair de lune) " Musique folklorique russe (balalaïka et orchestre)
à écouter en lisant le poème
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Le carnet gelé
La nuit, ce sont les loups qui chassent de concert
En meute sentinelle et se berçant de lune.
Mais le jour les rapaces déployant leurs serres,
Traquent près des terriers des zibelines brunes 1.
Le calme bienfaisant dont s’enivre Liouba
Fait monter dans les bois les vapeurs de la neige
Qu’elle appréciait enfant, dans sa datcha 2, là-bas,
Bien au chaud de pelisses et de privilèges.
Natacha la rattrape en lui donnant la main,
Frôlant d’un écureuil son empreinte argentée,
Rejoignant Nicolas plus bas sur le chemin,
Et portant un sorbier 3 qu’elles vont replanter.
En mémoire de Rose ils songent aux secrets
Qu’offrira la forêt à son âme évanouie.
Puis leurs larmes glacées marquées de craie nacrée
Vont teinter leur retour dans la paix épanouie.
Vania les attendait en marge de Livreur
Qui bondit au-dehors dès sa porte entrouverte.
Et ce fut un instant de bonheur sans erreur
Entre ces réfugiés de patries découvertes.
En mêlant leurs moyens, partageant leurs trésors 4,
Ils goûtent la douceur d’un souper de bécasses,
De thé sucré de miel et biscuits en rapport,
Puis se lovent enfin, près du poêle efficace.
Liouba s’est emparée d’un carnet déniché
Dans un coffre de buis contenant des poupées.
Vania l’avait trouvé dans un pré défriché
Par un combat fatal aux aigles découpées 5.
Liouba plonge en silence au cœur de ce carnet
Qui retrace la soif de justice d’un homme,
D’un officier vaillant, juste réincarné,
À la plume féconde et dessins au minium 6.
En découvrant son nom souligné de reliefs
Gelés d’encre violette esquissée de tendresse
Liouba devine enfin, qu’il s’agit de Joseph.
Livreur gémit alors, quand pleura sa maîtresse...
Pierre Barjonet
Mai 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 7 « Le carnet gelé » (Mai 2024)
À ce stade de ma saga, nous sommes toujours en début décembre 1812 qui voit Napoléon 1er filer en traîneau vers la France et Paris, en évitant à force bride les cosaques qui le talonnent, tandis que son armée, ou du moins ce qu’il en reste, tente de poursuivre sa route du mieux possible. Nos chers amis sont toujours les hôtes de Vania dans sa petite isba de fortune cachée dans la forêt, plus à l’Est...
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 La zibeline brune est la couleur normale de ce petit mammifère carnivore. Son pelage est noir ou brun et fait l’objet de convoitise pour sa rareté. À ne pas confondre avec l’hermine dont le pelage est fauve l’été, mais blanc l’hiver.
2 Une datcha est une maison de campagne russe proche d’une ville. Autrefois, il s’agissait plutôt de belles villas.
3 Un sorbier est un arbre rosacé d’Europe et d’Asie occidentale dont les fruits sont comestibles.
4 Le trésor de Liouba, Natacha et Nicolas, dans ma saga, se constitue de ce qu’ils ont pu récupérer auprès d’un escadron français mort de froid avec armes et bagages. Voir mon poème « Trésor ».
5 J’évoque ici, le passage de ma saga où Joseph fut pris et fait prisonnier par une troupe de cosaques, alors qu’il était chargé par l’Empereur de porter un pli d’importance à des troupes, comme estafette d’État-major. Voir mon poème « L’estafette ». Les aigles qui ornaient les hampes des drapeaux et étendards du 1er empire se nomment au féminin en tant qu’enseignes militaires, à la différence de l’oiseau, au masculin. On peut imaginer, dans ma romance, que les cosaques s’acharnèrent contre des aigles françaises...
6 Le minium est de l’oxyde de plomb se présentant sous forme de poudre rouge pouvant être utilisée en peinture antirouille, mais aussi sous forme de mine en dessin.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
La zibeline brune " L'or brun de la Sibérie "
Sa présence en Europe et Asie
Sa fourrure, la plus chère du marché (autrefois) et si recherchée...
Si craquante vivante !
Sa durée de vie est de 17 ans
La datcha
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Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
La datcha préférée de Joseph Staline sur la mer Noire à Sotchi
qui accueillit les Jeux Olympiques d'hiver en 2014...
Staline, les membres de la nomenclatura, du Politburo et les soviétiques "méritants" se rendaient dans cette toute nouvelle station balnéaire touristique pour profiter également des eaux sulfureuses du fleuve Matsesta permettant à Staline d'y soigner ses rhumatismes... Mais c'est bien de là que le dictateur continua d'envoyer ses ordres de purges, d'exil en Sibérie et d'exécutions capitales lors des grands procès de Moscou en 1936...
Voir cette vidéo sur sa fameuse datcha ici (Russia Beyond) :
https://fr.rbth.com/videos/96373-datcha-staline-sotchi
Le sorbier
Les aigles
Voir cette vidéo sur les aigles du 1er Empire :
Le minium
Vania
" L'apparition "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Octobre 2024 - 40/30 -
Sanguine, crayon, mine de plomb et fusain
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(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
" Wind is blowing (Le vent souffle) " Musique folklorique russe (balalaïka et orchestre)
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Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :
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ainsi que la rubrique chronologique :
Vania
Au détour d’un sentier perdu dans le sous-bois,
Livreur montre les dents en vue d’une cabane.
C’est une humble cahute élevée par endroits
De rondins resserrés par de solides lianes.
De la fumée s’échappe du chaume noirci,
Semblant défier la neige en peine de mansarde,
Et des ronces givrées forment un raccourci
Vers la porte tenue par celui qui la garde.
Nicolas tient Livreur qui grogne en s’approchant,
Tandis que le jeune homme a les yeux qui s’amusent
De ce chien, presque loup au regard accrochant,
Et de cette équipée d’enfants et de leur muse.
Mais soudain le gaillard s’exclame : « Natacha ! »
Et la voici, courant au luron qui l’embrasse.
Il s’appelle Vania, son cousin qu’on cacha
Quand son père fut pris, ayant perdu sa grâce.
Sa fugue du servage 1 lui coûta la vie,
Car l’on fouetta son dos au grand knout qui mutile 2
Arrachant en lambeaux la peau de l’asservi,
Et privant son seigneur d’un serf pourtant utile.
Vania bénit ses hôtes en les invitant
À franchir son réduit sans la moindre mesure,
Puis il chauffe le thé tout en félicitant
Liouba qui ne dit mot, debout dans l’embrasure.
En Russe elle reçoit le sel et puis le pain 3,
L’embrasse dignement, lui donnant l’accolade
En tant que noble dame 4 offrant au galopin
Le pardon des périls et vaines rigolades.
Ils avaient oublié la douceur d’un foyer,
La chaleur en veillée que vient rougir un poêle,
Quand Vania se saisit de son violon choyé
S’accordant à bercer leur chemin des étoiles.
Laissant un temps Livreur, Natacha les rejoint,
Puis égrène les pleurs de son luth à trois cordes 5
Entraînant Nicolas qui restait dans son coin,
À chanter en français ce bonheur qui s’accorde.
Pierre Barjonet
Mai 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 6 « Vania » (Mai 2024)
Alors que la Grande-Armée poursuit sa route de retour vers la France et que l’Empereur lui-même l’a quittée pour rejoindre Paris au plus vite, nos amis (dans ma saga) s’enfoncent toujours plus au sud-est vers l’Oural en évitant autant que faire se peut, de croiser des colonnes de prisonniers et leurs gardiens cosaques... Rappelons qu’ils ont eux-mêmes « déserté » ce qu’il restait de la Grande-Armée au passage de la Bérézina ne pouvant la franchir !
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Les paysans russes sous l’ancien régime étaient asservis à différents seigneurs. Le servage des serfs dura plus de 800 ans, apparu à Kiev (ancienne capitale russe) au XIe siècle puis aboli en 1861 par le tsar Alexandre II. Il existait des serfs d’État et des serfs privés. Il ne s’agissait pas d’esclaves, mais presque, surtout avant L’Oukase (proclamation du tsar) de 1797 qui en précise l’ordonnancement. Leur seigneur et maître avait quasiment tous les droits sur leur personne, pouvant les vendre, louer, gager, donner en succession, multiplier les corvées à volonté et bien entendu exploiter le fruit de leur travail. Il gérait leurs conflits et punissait leur défaut de discipline sauf pour les crimes de sang. En contrepartie, il leur devait subsistance, logement et santé à travers la mise à disposition d’une parcelle permettant à la famille du serf d’y vivre.
N.B. Se reporter également à ma note 4 du poème « l’océan » de la saison 1 « Marchons » :
« 4 À l’origine, les moujiks ou paysans russes étaient libres, bien que considérés de fort basse condition. Mais à partir de 1593, leur sort fut comparable à celui des serfs du Moyen-Âge français, donc rattachés exclusivement à une terre dépendant de leur seigneur et maître, pratiquement comme des esclaves. Il faudra attendre le règne du Tsar Alexandre II qui décida d’abolir le servage en 1861. Assassiné en 1881, il fut surnommé « le tsar libérateur ». Il faut bien voir qu’à l’époque, pas si lointaine... il existait, pas moins de 50 millions de serfs servant pour moitié 100.000 familles nobles, et pour l’autre les domaines de l’État, sur une population de... 60 millions d’habitants ! »
2 En Russie, les châtiments corporels étaient monnaie courante, et frappaient aussi bien les moujiks que les nobles, suivis dans bien des cas par la déportation en Sibérie.
Relevons notamment :
- Le supplice des batoguis (battogues ou comme chez les Romains de l’antiquité le supplice des verges) consistant à humilier le condamné en s’asseyant sur sa tête et ses jambes et à lui fouetter le dos avec des bâtons épais pour de simples fautes ou des délits mineurs (comme de ne pas avoir célébré le Nouvel An malgré un oukase du tsar Pierre le Grand, ou de renverser une salière, ce qui portait malheur). Notez bien que la sanction se comptait généralement en centaines, voire en milliers de coups (6.000 prononcés par des tribunaux tsaristes) ...
- En revanche le knout était un châtiment russe particulièrement violent. Il existait le knout ordinaire où le condamnait était dénudé jusqu’à la ceinture, attaché à un chevalet et fouetté du cou à la ceinture par une sorte de long fouet ou de double fouet (manche et lanières comme le « chat à neuf queues anglais ») auquel sont fixées une ou plusieurs lanières de cuir tressé de forme carrée ou triangulaire donc très tranchantes (comme des rasoirs) et terminées par des crochets en fer ou d’un nœud durci dans le cas d’une seule lanière, qui elle, mesurait 3 à 4 mètres. Chaque coup porté par le bourreau qui rivalisait d’adresse pour ne pas frapper deux fois au même endroit, arrachait des lambeaux de chair, découpait littéralement les muscles et même faisait craquer les os, qui ne pourraient cicatriser que très difficilement !
- Quant au grand knout, encore plus effrayant, il voyait le condamné suspendu par les poignets à une potence elle-même reliée à un treuil, et attaché par les pieds à une poutre alourdie de poids afin de lui disloquer les membres. Selon le nombre de coups, le condamné en ressortait estropié à vie, mais le plus souvent, au-delà de cinquante coups, il ne pouvait survivre à ce supplice cruel.
Il reste surprenant de constater que le châtiment du knout était considéré par les Russes comme « honorable » en tant que « punition de faveur » (la reine Élisabeth avait supprimé les autres châtiments encore plus barbares tels le pal et la roue) ... Après tout, un proverbe russe ne clame-t-il pas « qu’un homme battu en vaut deux » ?
3 La tradition russe de l’offrande du sel et du pain est très ancienne et vise à honorer l’invité que l’on reçoit dans sa datcha ou son humble isba. Elle tire son origine du profond respect pour le pain dont on ne saurait se passer et du sel anciennement coûteux et difficile à obtenir.
Je vous invite à voir cette page de Russia Beyond qui traite ce sujet :
https://fr.rbth.com/lifestyle/80949-russie-sel-pain-tradition
4 Souvenons-nous. Liouba, dans ma romance, est une aristocrate de haute lignée dont le mari fut fusillé par les Français à Moscou pour être arrêté, la torche à la main comme incendiaire. (Voir mon poème « Liouba »). C’est une noble russe (Boyard) ayant le titre de comtesse (par sa famille puis celle de son époux ; titre alors, plus prestigieux en Russie qu’en France) dans l’Oblast de Saratov.
5 La balalaïka dont joue Natacha qui l'a trouvée au bord du chemin (voir mon poème précédent "Bûchers").
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
La vente d'une serve par Nicolas Nevrev (1866)
La bastonnade avec des batoguis (battogues)
Le knout " ordinaire "
Le grand knout
L'offrande du sel et du pain
(même encore de nos jours à des personnalités)
Des balalaïkas
Sans commentaires...
Bûchers
" Fournaise "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Septembre 2024 - 40/30 -
Sanguine, fusain et pastel gras
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
John Williams (musique du film, au piano) " La liste de Schindler "
à écouter en lisant le poème
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Bûchers
La colonne progresse enflée de détenus1
Que des cosaques fous, ivres de leur violence,
Achèvent en riant sans nulle retenue,
Réduisant les captifs à sombrer d’indolence.
Joseph est saturé de cette cruauté
D’acharnement féroce à cogner les plus faibles ;
Surtout au petit jour quand sur le bas-côté
Des hommes sont dressés aussi droits que des règles2.
La plupart ne sont plus, changés en glaciers bleus
Qui fondront doucement au rythme des crevasses
De leurs corps chancelants, qui s’ouvriront parbleu,
Quand la pluie reviendra, tombant tiède et vivace !
À moins que les gardiens ne les taillent en deux,
Fendant d’un son trop clair la glace de leurs jambes,
Alimentant de flammes leurs brasiers hideux3,
Préférant aux tranchées la joie de ce qui flambe.
Quand ils secouent les morts, les détachant du sol,
Ils brisent ce qu’il reste de leurs os de verre3
Et moquent leur trépas mimant en farandole
La ronde de leurs yeux se soudant dans l’hiver.
De son côté l’Empereur fait route vers Paris
Et dicte son Bulletin décrivant le désastre4,
Accusant l’hiver russe et tout ce qu’il charrie
D’avoir alors éteint la clarté de son astre.
Des ordres sont donnés pour brûler les fourgons,
Les aigles des drapeaux et même sa vaisselle5.
On nourrit les bûchers de butins par wagons,
Et sous un froid glacial, leurs cendres s’amoncellent...
Bien plus loin, Nicolas, fougueux comme un cabri,
Réchauffe d’escarbilles sa sœur et sa mère6,
Inhalant des fumées le goût de leur abri,
Se consolant, enfin, de leur retraite amère.
Natacha s’est pincée de balalaïka7
Trouvée sur un chemin dans une fondrière.
La voici fredonnant un chant de troïka8
S’accompagnant d’accords en guise de prière.
Pierre Barjonet
Mai 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 5 « Bûcher » (Mai 2024)
C’est dans la nuit du 5 décembre et dans le plus grand secret que Napoléon 1er décida de quitter la Grande-Armée pour rejoindre Paris au plus vite, juste après avoir dicté le 29e bulletin de la Grande-Armée (voir note 4). Après avoir confié le commandement de ce qu’il restait des armées au maréchal Joachim Murat assisté du prince Eugène (beau-fils de l’empereur), il file, juste accompagné de quelques hommes : Armand de Caulaincourt, Géraud-Christophe Duroc, le comte de Lobau, Agathon Fain et son fidèle Constant. Voyageant très léger en berline et traîneau, il traversera la Pologne puis l’Allemagne et arrivera à Paris le 18 décembre. De leur côté, Murat puis Eugène parviendront à sauver le Grande-Armée de son anéantissement.
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Malgré les plus de 200.000 morts, sans compter les blessés vite achevés ou laissés déshabillés nus dans la neige (...), les Russes et les cosaques firent de très nombreux prisonniers parmi les troupes de la Grande-Armée. Il est difficile d’estimer avec précision les chiffres selon que l’on compte les troupes alliées, les morts de maladie, les déserteurs, etc. On estime néanmoins à 190.000 prisonniers français faits par les Russes auxquels s’ajoutent 50.000 disparus, 130.000 soldats qui abandonnèrent ce qu’il restait de la Grande-Armée durant la retraite et près de 60.000 d’entre eux qui se réfugièrent chez des paysans, bourgeois et nobles russes.
2 Les colonnes de prisonniers étaient victimes du froid, de la faim, de la soif et surtout des incessants sévices de leurs gardiens qui se comportaient comme de véritables bourreaux. Les malheureux marchaient en faisant sonner leurs pieds gelés ! Épuisés, ils s’arcboutaient sur leur canne de bois de bouleau, car s’ils tombaient ils étaient perdus puis dévorés par des loups et des chiens errants. Le matin, ceux qui s’étaient endormis pour leur dernier sommeil restaient là, « plantés tels des piquets » dans le sol gelé, balisant comme autant de sinistres pieux la route vers la Sibérie...
3 Comme déjà dit, les bourreaux n’hésitaient pas à se servir des corps des malheureux dont ils brisaient les os comme du verre en les arrachant de leur gangue de glace pour alimenter de sinistres bûchers... En principe, il s’agissait de faire disparaître les corps impossibles à enterrer du fait d’un sol gelé trop dur, et de faire disparaître du même coup, les miasmes de maladies contagieuses, mais dans bien des cas, certains hommes étaient jetés encore vivants dans les brasiers ! Plusieurs témoignages de survivants en attestent, ainsi que des ouvrages comme celui de Jost-Jean Etienne Roy « Les Français en Russie ».
4 Le fameux 29e Bulletin de la Grande-Armée fit enfin état de la situation catastrophique et désespérée de la Grande-Armée. Napoléon se résolut à le dicter le 3 décembre 1812 à Maladzetchna en Biélorussie, juste avant de quitter son armée pour rejoindre Paris où la situation de crise (cf. l’affaire du coup d’État manqué du général Mallet) le préoccupait. Il fut publié le 17 décembre dans le « Moniteur universel », et eut aussitôt un retentissement international.
5 J’évoque l’ordre de brûler drapeaux et aigles dans mon poème précédent « Proies » ; ordre qui fut donné le 29 novembre et non comme ici, en décembre, pour raison d’adaptation romancée.
6 Dans ma saga, comme déjà dit, dans les notes accompagnant mon poème « Trésor », Natacha, âgée de douze ans, est « la sœur d’adoption » de Nicolas (12 ans également) par Liouba. Liouba les a donc « adoptés » tous les deux, les conduisant à travers plaines et forêts, sans oublier leur ange gardien : le chien-loup Livreur.
7 La balalaïka est un instrument à cordes traditionnel russe. De forme triangulaire, en bois, il offre un jeu à trois cordes pincées donnant des sortes de trémolos caractéristiques. Elle est souvent accompagnée de guitare et d’accordéon.
Je vous joins une chanson du folklore russe, devenue patriotique (dernière guerre mondiale) « Katioucha » (qui signifie Ekaterina, donc Catherine) chantée, non pas par l’armée rouge comme traditionnellement, mais par un groupe actuel de jeunes filles pétillantes de joie : le groupe de chant « Beloe Zlato » s’accompagnant d’une balalaïka :
https://www.youtube.com/watch?v=aRPllT954t0
En voilà une autre, « Valenki » jouée divinement par une interprète de 7 ans (en 2019), Anastasia Tiurina (en russe Анастасия Тюрина ) accompagnée d’orchestre :
https://www.youtube.com/watch?v=UAfuMol1e-0
Et voici Anastasia Tiurina aujourd’hui, avec un ensemble de danses folkloriques :
https://www.youtube.com/watch?v=4mlX-PIZVvg
8 Je vous ai déjà mis ce chant « Filait la troïka rapide » interprété par Yvan Rebroff dans mon poème « L’estafette ».
Le voici cette fois, interprété par la basse russe Anton Diakov :
https://youtu.be/yGup6cVi7yY?t=3
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
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Le 29è Bulletin de la Grande-Armée
Le Moniteur Universel
La lecture du bulletin avec la progression de la Grande-Armée sur une carte
Brûlage des drapeaux sur ordre de Napoléon
Proies
" Les fouets "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Septembre 2024 - 40/30 -
Sanguine, mine de plomb et craie Conté
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Maurice Jarre ; " Docteur Jivago - Yuri s'échappe "
à écouter en lisant le poème
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Proies
Quel triste anniversaire que ce jour sans teint,
Ce deux décembre1 en peine des regrets de gloire !
Le soleil d’Austerlitz a des feux si lointains
Que sa pâle copie ne peut s’en prévaloir.
Napoléon songeur, enchaîne son parcours
De combats remportés2, mais son armée décline2,
Se meurt, n’avance plus sans l’ombre d’un recours,
Et s’enfonce en l’hiver dans la neige orpheline.
Il se sait le gibier de la traque du froid,
Perdant son énergie sous la chape de glace,
Alors il incendie ses fourgons et ses croix,
Ses aigles et canons pour préserver sa place3.
Joseph fut déplacé de cachots en caveaux,
Brusqué, dormant au sol, lampant l’infâme soupe
À terre avec les chiens, réduit à des travaux
Sous les huées des moujiks4 et cosaques en groupe.
L’hiver se fit si vif5 qu’il lui fallut porter
Les hardes de vieux serfs, puantes, mais bien chaudes,
En laine d’Orenbourg6 légère à supporter,
Et des chiffons graisseux à la mode esquimaude.
La colonne grandit, conduisant sans retard
Des prisonniers français sauvés grâce à leur mise
De nobles officiers ; non point de « ces bâtards
Républicains honnis dépourvus de chemise »7.
La marche est effroyable, et gare aux coups de fouet
Qui vous cinglent le dos, déchirant le lainage
De la fragile cape, et vrillent comme un jouet
La détresse des corps des malheureux en nage.
Ils se traînent suçant d’obscurs lambeaux de chair8,
Ils ont entortillé leurs pieds d’écorces d’arbres9,
Ils craignent de chuter et de le payer cher
Tant les gardes se targuent d’un mépris de marbre.
Les traînards sont des proies pour les meutes de loups,
Et l’on entend alors leurs cris, leur agonie,
Gravés à tout jamais comme un cauchemar flou
Réveillant en sursaut la pauvre colonie...
Pierre Barjonet
Avril 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 4 « Proies » (Avril 2024)
Napoléon n’imaginait pas que l’hiver russe puisse ainsi prendre de telles proportions. Et même s’il parvint avec son « Escadron sacré » (voir poème précédent « Trésor ») à suivre la route du retour en bénéficiant d’un minimum de confort impérial, bien chaussé, couvert et nourri, il se rendit compte de l’état de désolation terrible des restes de son armée. Contraint à brûler drapeaux et aigles, au son sinistre des tambours de sa garde, abattu, mais non vaincu, il pleure sa gloire passée, mais n’abandonne pas.
Le sort des prisonniers est épouvantable. Déportés à pied vers la Sibérie, ou mieux, car moins loin et plus vivable vers l’Oural et le Caucase, ils font l’objet de sévices de leurs gardes cosaques, comme le fouet qui découpe des lambeaux de chair, s’ajoutant à leur marche harassante, la faim et la soif, la fatigue et le froid, sans parler de leur humiliation constante...
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Le 2 décembre 1805 vit alors la fameuse victoire d’Austerlitz, dite de « la bataille des trois empereurs » (France, Autriche/St Empire Romain-Germanique et Russie) gagnée par Napoléon 1er en seulement 9 heures malgré des effectifs inférieurs (68.000 hommes et 139 canons contre 90.000 hommes et 278 canons) grâce au stratagème fait de ruses et d’intelligence du terrain de Napoléon. Comme mentionnée par tous les historiens, politiques et chefs des armées, cette bataille est reconnue comme étant un véritable chef-d'oeuvre tactique de Napoléon 1er.
N.B. Il n'entre pas dans mon propos de décrire ici, la bataille d'Austerlitz si connue et enseignée dans les manuels des écoles militaires du monde entier, mais vous pouvez vous reporter à ce site :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Austerlitz
et à ce résumé illustré sur YouTube :
2 Depuis son entrée en Russie après avoir franchi le Niémen le 24 juin 1812, Napoléon ne cesse de gagner combats et victoires contre les Russes, dont la fameuse bataille de la Moskova/Borodino, mais ces succès ne suffisent pas à le préserver de l’hiver russe, ni de la famine et des maladies, ni des assauts permanents des cosaques et de la population.
3 Mon présent épisode se tient en décembre 1812, mais en fait, c’est le 29 novembre, au soir des combats de la Bérézina, que Napoléon ordonna de brûler drapeaux, étendards et hampes de drapeaux avec leurs aigles afin que ces emblèmes glorieux de la Grande-Armée ne tombassent pas aux mains de l’ennemi.
4 Les moujiks étaient des paysans russes de l’ancienne Russie.
5 La température hivernale chuta encore, à fin novembre pour atteindre -30° le 3 décembre et même -37,5° relevés le 6 décembre alors que l’armée, marchant vers Vilna (Vilnius) se trouvait à Molodeczno au nord-ouest de Minsk en Biélorussie, avant que de « remonter » à 32,5° le 7 ! Dans cette situation inimaginable, comme le rapportèrent plusieurs témoins, les arbres et même les pierres se fendent, les oiseaux tombent foudroyés, la respiration claque, cheveux et moustaches gelées arrachent la peau, les yeux ne ferment plus et les paupières gèlent, de longues stalactites de glace pendent des lèvres et du nez, la gangrène s’installe dans les pieds, les mains, le nez... le sang gèle dans les veines et il devient impossible de bouger, d’avancer ou de tourner la tête si l’on a le malheur de s’arrêter...
6 La laine des chèvres d’Orenbourg est réputée. Ces chèvres qui vivent dans le sud de l’Oural comptent parmi les plus grosses chèvres laineuses au monde. Et leur duvet est incomparable, donnant lieu à des châles recherchés pour leur chaleur et leur légèreté.
Voir ici, cet excellent article publié sur le site de Russia Beyond auquel j’emprunte quelques extraits et photos pour mieux comprendre mes notes :
https://fr.rbth.com/lifestyle/93130-chevres-orenbourg-oural-duvet
7 Aux yeux des aristocrates russes, seuls leurs semblables, donc des officiers français pouvaient avoir grâce ; et encore, pas s’ils étaient issus de la Révolution française. Quant à la troupe républicaine...
8 Morceaux de viande de cheval découpés à même l’animal brisé par le froid, parfois encore en vie...
9 Témoignages authentiques confirmant l’usage de chiffons emplis de paille et d’écorces de bouleaux resserrés aux chevilles remplies de paille ou faute d’en trouver, de chaume... Faute de recouvrir suffisamment ses pieds, car faute de bottes de cuir souple, ils gelaient puis sonnaient sur le sol comme des sabots avant que de pourrir en se réchauffant au bivouac, engendrant la gangrène mortelle.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
La bataille d'Austerlitz...
par le peintre Louis-François Lejeune
par le peintre François Gérard
Panorama aujourd'hui, du site de la bataille avec le plateau de Pratzen au fond
Photos récentes de la bataille d'Austerlitz telle que reconstituée par des passionnés du 1er empire organisés en associations
Et l'on brûla les aigles et les drapeaux
afin qu'ils ne tombassent entre les mains de l'ennemi...
Les chèvres d'Orenbourg
Trésor
" Pétrifiés "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Septembre 2024 - 40/30 -
Crayons de couleur, fusain et pastel gras
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Carl Orff ; " Carmina Burana " (Fortuna Imperativ Mundi)
à écouter en lisant le poème
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Trésor
La chance enfin sourit en offrant un traîneau
À nos trois rescapés de la rivière affreuse1.
Traversant un bivouac d’éclaireurs2 marginaux,
Le destin leur offrit une surprise heureuse.
Il n’est de survivants parmi ces cavaliers
Vitrifiés par le froid ayant soudé la terre.
Leurs chevaux, bien que morts, sont figés par paliers,
Et semblent contempler leur maintien militaire.
Personne n’est venu détrousser ces chasseurs2,
Ni non plus dépecer la robe des montures,
Ni même les voler au compte de passeurs ;
Laissant ainsi dormir un trésor en nature.
À l’écart des chemins, c’est d’un abri discret
Que ces Français2 planquèrent en attendant l’ordre,
Mais il ne survint pas, enfouissant le secret
De leur gîte fatal quand le froid vint les mordre.
Natacha danse et rit tout en frappant des mains.
Il y a là des fusils, de l’or et puis des sabres,
De chauds portemanteaux3 que montre l’examen
Des bagages précieux de l’escadron2 macabre.
Mais Livreur a flairé des gourdes d’eau-de-vie,
Du sel, un pain de sucre, un sac empli de fèves,
De la graisse et du riz, des briquets4, à l’envi,
Des pelisses roulées sur un traîneau de rêve...
Se mettant à la tâche, aidées de Nicolas,
Les deux femmes5 ravies contemplent leur prouesse
D’avoir sanglé Livreur aux liens qu’il bricola,
Puis chargé le traîneau sans perdre leur adresse.
Il tranche un cheval pie6 puis allume le feu.
Elles puisent de l’eau, non loin près d’une source.
Puis il dresse une toile en restant silencieux,
Songeant aux disparus sans la moindre ressource.
Leur souper fut empreint de moins de désespoir.
Ils trinquèrent aux morts qui leur firent cortège,
Et quand s’en vint la nuit sous des sapins bien noirs,
Ils prièrent fervents, qu’un ange les protège...
Pierre Barjonet
Avril 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 3 « Trésor » (Avril 2024)
En ce début décembre 1812, Napoléon, qui a franchi la Bérézina n’a plus de nouvelles des traînards abandonnés et perdus sans avoir pu franchir les ponts détruits. Il cherche à rejoindre la France le plus vite possible et a confié à ses maréchaux le soin de préserver ce qu’il reste de l’armée en bon ordre de marche. Il a constitué le fameux « Escadron sacré » composé de fidèles parmi les fidèles, mais surtout de son État-major et de gradés s’étant répartis les rôles de la troupe. Ainsi, il se composait de 300 officiers ayant encore leur monture, placés sous les ordres selon le cas du prince maréchal Joachim Murat, du maréchal Emmanuel de Grouchy et du général Gabriel Rambourgt. Dans cet « Escadron sacré » surprenant s’il en fut, les généraux servaient comme... capitaines, les colonels comme lieutenant, et les chefs d’escadrons, capitaines et lieutenants exécutaient les ordres comme... de simples cavaliers.
Le maréchal Ney, surnommé « le brave des braves », héros de la retraite de Russie, fermait la marche à la tête de l’arrière-garde de la Grande-Armée. Le sort donc, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants de différentes nationalités qui composaient ou suivaient les armées impériales fut celui de victimes mortes les armes à la main sous les coups des cosaques, blessées ou gisant dans le froid, achevées dans des conditions horribles par les cosaques, les Russes et même par des paysans. Et quand ces malheureuses victimes ne furent pas tuées, elles furent faites prisonnières et déportées vers la Sibérie ou mieux, vers l’Oural et le Caucase. D’autres, portées au nombre des déserteurs, ou plutôt abandonnées à leur sort, ont cherché à se faire recueillir par des paysans, surtout lorsqu’elles étaient accompagnées de femmes moscovites qui les avaient suivies...
À ce stade de ma saga poétique romancée, nos trois amis, Liouba, Natacha et Rose, accompagnés de leur chien-loup Livreur, ont quitté la rive infranchissable désormais, de la Bérézina, et ont pris la direction du sud, sud-est, s’enfonçant hors des « routes » à travers les bois. Comme déjà dit, Liouba est une aristocrate russe et Natacha, une jeune orpheline russe également. Quant à Nicolas, il vient de déserter son unité de tambours, mais il n’a que douze ans et il est pupille d’Empire... Liouba qui les a pris sous sa coupe entend bien franchir les barrages de cosaques en se faisant passer avec eux, pour des victimes des Français...
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 La Bérézina
2 Un peloton d’éclaireurs est une petite unité de cavaliers relevant d’un escadron. En l’occurrence ici, une formation d’une vingtaine de Chasseurs à cheval français.
3 Les portemanteaux - qui n’ont rien à voir avec des cintres - étaient une sorte de bagage roulé à l’arrière de la selle du cavalier (un peu comme un duvet enroulé sur un sac à dos aujourd’hui) lui permettant d’y ranger un petit manteau, d’où son nom, une couverture, et plus généralement des effets personnels de toilette et autre.
4 Le briquet permettait de faire du feu (à ne pas confondre avec « le sabre-briquet ») tout comme aujourd’hui, mais de façon bien plus rustique. On frappait avec une pièce de métal sur un morceau de silex sur lequel on maintenait du chanvre ou de l’étoupe ou de l’amidon. Le tout étant rangé dans une pochette de cuir.
Voir cette vidéo sur la façon d’allumer un briquet ancien :
5 J’évoque deux « femmes » pour des raisons de tournure poétique, mais en réalité seule Liouba en est une, d’ailleurs veuve de son mari « incendiaire » à Moscou, fusillé par les Français (voir mon poème « Liouba »). Dans mes derniers poèmes, Natacha, recueillie par Rose (voir mon poème « L’océan ») n’a que douze ans, tout comme Nicolas.
6 Un cheval pie possède une robe marquée de plusieurs taches blanches séparées par une autre couleur plus foncée, généralement brune.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
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" L'Escadron sacré " composé uniquement d'officiers
Des portemanteaux
Un briquet de cavalier dans son étui
Cheval pie
L'effroi
" Retrait "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Juillet 2024 - 40/30 - Sanguine, mine de plomb et fusain
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Giuseppe Verdi ; opéra " La force du destin " (Ouverture / extrait)
à écouter en lisant le poème
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L'effroi
Prisonnières des ponts qu’elles n’ont pu franchir1,
Perdant leurs illusions dans l’hiver qui terrasse,
Elles restent prostrées ne pouvant s’affranchir
Du destin qui s’acharne à briser leur cuirasse.
L’épouvante a gagné corneilles et corbeaux,
Tant les cris, les appels garnissent le silence.
Des femmes psalmodient à l’orée du tombeau,
Et des brûlés2 supplient qu’on les noie sans violence.
On perçoit le canon, le fracas des combats,
Les hurlements lointains et des râles trop proches,
Et l’on ressent l’effroi du choix qu’il incomba
Aux chefs d’abandonner la troupe qui décroche3.
Une explosion ravit à la poudre son lot4,
Creusant dans le talus une tranchée boueuse
Où nagent les débris d’hommes et de mulots
En mêlant les couleurs de leur fange poisseuse.
Sursautant, Natacha que vient lécher Livreur
Délaisse quelque instant Nicolas qui repose,
Et s’inquiète alentour du chemin de l’Empereur5,
Du sort des grenadiers, de Joseph qui s’expose ?
L’entendant, un grognard lui confie que Joseph
Fut pris à l’ennemi par manque de cervelle,
Qu’il est sûrement perdu, prisonnier de leur fief,
Dans un oblast6 cosaque à défaut de nouvelles.
Liouba frissonne alors et décide soudain
De quitter ces marais, de marcher sous les arbres,
De s’enfoncer au sud comme des paladins7,
De trouver une isba bâtie de bois sans marbre.
Après tout elle est russe, et maintient l’illusion
D’adopter Natacha, l’enfant qui l’a charmée,
Ayant fui les Français si l’on fait allusion
À leur accoutrement pour tromper les armées...
Quand la frayeur gagna l’âpre Bérézina,
Débordant son linceul de gel au crépuscule,
Livreur et Nicolas, d’instinct qu’on devina,
Rallièrent leurs amies en un franc groupuscule.
Pierre Barjonet
Avril 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 2 « L'effroi » (Avril 2024)
Il y a l’avant et l’après-Bérézina. Avant, sans évoquer la marche vers Moscou, la Grande-Armée fit connaissance avec l’hiver précoce redoublant à l’approche de Smolensk de rigueur s’ajoutant à la détresse de ces hommes et femmes littéralement perdus dans la plaine russe sans vivres, ni fourrage, ni équipement.
À l’approche de la Bérézina, seuls l’honneur et la vaillance comptaient encore pour les troupes fidèles à l’empereur, la Garde impériale, les « grandes moustaches » des grognards et l’élite des grenadiers commandés par les maréchaux. Ces troupes encore en ordre de marche avec ses aigles (aux hampes des drapeaux et des étendards), son armement et son équipement de campagne suivaient à pied leur empereur (le plus souvent) en préservant leur uniforme totalement recouvert de peaux, de fourrures, d’écharpes, voire de bonnets d’ours en guise de bottes ! Du reste, le peu de vivres n’était distribué qu’aux régiments et brigades constitués encore disciplinés. Pour les autres, il en allait tout autrement. La longue cohorte des « traînards », des cavaliers démontés, des hommes privés d’unités, des prisonniers échappés, des blessés privés d’ambulance, des égarés, et toujours celle des pillards, mais aussi la longue file des civils encore en vie, des femmes avec souvent des enfants, ne pensait plus qu’à sa seule survie, celle du coûte que coûte, du chacun pour soi. Alors, le rêve d’un abri, l’espoir d’un peu de chaleur, l’illusion d’un havre de paix hors des cosaques et des loups, ont plongé ces malheureux dans une sorte d’apathie les privant de tout bon sens.
C’est ainsi que face à la Bérézina, cette foule des « maudits » refusa de franchir les deux ponts construits durant trois jours par les pontonniers du général Éblé. Elle se trouvait « bien au chaud » dans ses bivouacs de fortune installés à même les restes du village incendié de Studianka. Certains même sont morts à demi brûlés, à demi gelés pour s’être couchés dans les cendres sans s’en rendre compte...
Et puis, il y eut l’après Bérézina, ou le début de l’horreur, de l’effroi, de l’épouvante, tant pour les troupes encore en ordre de marche qui avaient franchi la rivière, mais qui se trouvèrent confrontées au véritable hiver russe avec des pointes descendant à près de – 40°, qu’aux malheureux restés sur l’autre rive, alors massacrés par les cosaques ou fait prisonniers quand ils ne périrent pas d’eux-mêmes en tentant de traverser à la nage la Bérézina ou de passer à travers les flammes des ponts.
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Comme mentionné dans mon poème précédent « Pontonniers », la panique qui saisit le dernier jour de la traversée de la Bérézina, le 28 novembre 1812, toucha les retardataires, les traînards et les civils qui, malgré les injonctions des estafettes envoyées par les militaires déjà passés sur l’autre rive, préférèrent ne pas traverser pour rester « au chaud » dans leurs bivouacs. Cette panique furieuse d’une foule rendue folle par le froid, la faim et les cris des cosaques fut tout autant imprévisible que dramatique. Lorsque les 12.000 hommes et femmes se rendirent compte qu’on allait détruire les ponts, ils se précipitèrent soudainement sur ces faibles structures qui ne résistèrent pas, faisant là, de très nombreuses victimes noyées, piétinées ou même brûlées avec les ponts, et près de 10.000 prisonniers faits par les Russes.
2 Sur ordre de l’Empereur, après avoir tenté en vain d’inciter les retardataires à franchir la Bérézina, on mit le feu aux ponts pour en interdire l’accès aux Russes et aux cosaques. Ce qui provoqua la panique d’une foule se précipitant vers les ponts, précipitant tout autant les malheureux dans l’eau glacée, dans la mêlée piétinée que dans le brasier. Des témoins rapportèrent avoir vu des femmes figées dans une apparente stupeur insensible avec la moitié du corps brûlé et... le sourire aux lèvres en forme de rictus effrayant.
3 Ce fut un choix difficile et douloureux, mais indispensable pour préserver « le gros » de « l’armée » survivante. La décision en revint naturellement à Napoléon, mais sur place au général Éblé qui, en ce samedi 28 novembre 1812, à 7 heures du matin, conscient du drame qui se jouait pour les 8 à 12.000 malheureux traînards n’étant pas encore passés, attendit encore 2 heures avant d’exécuter l’ordre terrible à 9 heures en apercevant les premiers cosaques...
4 L’incendie ravage les ponts faisant sauter des barils de poudre et des munitions abandonnées. Certains restés sur la mauvaise rive font sauter des fourgons avec des caisses de munition.
5 L’empereur poursuivra sa route vers l’ouest jusqu’au 3 décembre où il connaîtra les détails de la conspiration du général Malet, dont il avait été informé le 6 novembre. Il décidera alors de quitter l’armée pour rentrer le plus tôt et le plus vite possible à Paris.
6 L’Oblast est une unité administrative correspondant à un territoire correspondant à une division administrative de l’Empire russe, puis de l’Union soviétique. Actuellement, la Fédération de Russie se compose de 89 « sujets » (unités) dont 46 sont des oblasts (portant d’ailleurs le nom de leur capitale et relevant chacun d’un gouverneur).
7 Des paladins étaient à l’origine des seigneurs, des pairs relevant de la suite de Charlemagne, mais plus généralement au Moyen-Âge, des chevaliers errants ayant atteint le grade ultime de la Chevalerie comme Roland ou le roi Arthur.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
L'un des deux ponts croule déjà sous la masse paniquée
La panique et les combats désespérés une fois les ponts détruits
Hommage contemporain
La carte actuelle des Oblasts de la Fédération de russie
Des chevaliers paladins
Le roi Arthur
Mort de Roland à Roncevaux
Pontonniers
" Sacrifiés "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Juillet 2024 - 40/30 - Sanguine, mine de plomb et pastel gras.
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
Ludvig Van Beethoven ; sonate pour piano n° 23 " Apassionata " (3ème mouvement )
à écouter en lisant le poème
Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :
N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire
avec un "résumé" de l'épisode en cours :
ainsi que la rubrique chronologique :
Pontonniers
Glissés dans l’eau glacée, plongeant leurs chevalets1,
Les hommes du génie repoussent le barrage
De l’absence de pont2, de rives sans galets,
Bloquant les corps d’armée dans ces vilains parages.
Nus comme au premier jour3, ils chevauchent la mort,
Affrontent le courant qui ne charrie que glace,
Et distillent en sueur l’ombre de leurs remords,
Suintant, mêlant leur sang aux pieux de cette place.
Nicolas s’est jeté dans l’onde du salut,
Laissant là, son tambour pour battre la rivière,
Contrant le roulement des flots près des talus,
Immergeant son reflet au lit d’une civière.
Le village a brûlé pour habiller les ponts4
De poutres et chevrons libérés de leur gangue.
L’assaut des pontonniers5 s’enflamme et puis répond
À leur fier général6 qui lutte et les harangue.
Et l’effort se décompte dans le sablier
Des ouvrages bordés de piles7 de cadavres,
Éclaboussant d’écume les deux tabliers8
Offrant aux survivants la promesse d’un havre...
Nicolas n’est que bleus rougis sans transition,
Barbouillant les humeurs de son corps en détresse ;
Et sa pâleur enfin prend la transposition
Du drapeau tricolore en toge de maîtresse.
Telle une immense pieuvre la troupe franchit
Les gigantesques bras de la glace liquide,
Et la tornade humaine coule et s’affranchit
Des marécages blancs9 et des sombres rapides.
Mais la panique rouée10 renverse les piliers,
Précipitant canons, chevaux et la piétaille
Dans le miroir brisé de soldats par milliers
Qui versent sans douleur dans l’ultime bataille.
Secourant Nicolas, Livreur le relâcha
Sur la rive enneigée près d’un bon feu de tourbe
Dans les bras de Liouba servie par Natacha
Qui frictionnent sa peur pour qu’elle ne l’embourbe.
Pierre Barjonet
Avril 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
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Saison 4 « Féroce », Poème 1 « Pontonniers » (Avril 2024)
La situation pour Napoléon arrêté par la rivière Bérézina en ce 25 novembre 1812 est quasiment désespérée. Rappelons que sa Grande-Armée forte de 600 à 800.000 hommes (selon les sources) au début de sa campagne de Russie en juin, n’en comptait plus que 100.000 au départ de Moscou, et désormais moins de 80.000 dont à peine 40.000 en état de combattre, sans oublier la perte de la quasi-totalité de sa cavalerie et par voie de conséquence de l’artillerie (ne pouvant être tractée, donc abandonnée aux Russes).
Ainsi, ce n’est pas une misérable rivière qui l’arrêtera ; il lui faut impérativement passer ! Mais les Russes ont détruit les passages et l’attendent de pied ferme pour l’anéantir face aux vestiges du pont de Borissov. Seulement, Napoléon a de la ressource. Certains diront même de lui, devant sa baraka « Cet homme est le diable en personne ! ». Après avoir contemplé les restes du pont de Borissov, il réussit une manœuvre de diversion en faisant croire aux Russes qui l’encerclent qu’il va reconstruire le pont de Borissov, alors qu’il ordonne aux pontonniers du général Éblé d’en construire deux (un pour l’infanterie et un autre plus costaud pour les troupes à cheval et l’artillerie) 15 km plus haut, près de Studianka durant trois jours et nuits. Le sacrifice inouï des pontonniers qui bâtirent ces deux ouvrages et la ruse de Napoléon permirent à l’Empereur de franchir la Bérézina avec son armée dès le 26 novembre alors que l’armée russe n’attaqua que le 28.
Napoléon avait fait protéger les travaux par un dispositif de 40 canons. Un peu plus loin, il distingue les 6.000 hommes russes de la division Tchuplitz qui menaçait ses ponts. Mais curieusement, les Russes n’attaquèrent pas alors que leur artillerie aurait pu anéantir en un instant ses ponts de fortune. Seulement, ils crurent à une nouvelle ruse de l’Empereur et se retirèrent pour renforcer leurs effectifs au sud de Borissov. L’amiral Tchitchagov qui fut pourtant informé de la position de Napoléon à Studianka, ne changea pas ses plans en l’attendant donc à Borissov. Mais quand il se rendit compte de son erreur, c’était trop tard, car il lui fallut attendre la coordination des autres troupes de Koutousov et de Wittgenstein pour donner l’offensive le 28 novembre. Sans entrer dans les détails de la bataille de la Bérézina, disons que le général Fournier-Sarlovèze chargea avec ses 800 cavaliers, que les maréchaux Victor, Oudinot et Ney commandant leurs troupes d’élite, de vétérans et de polonais, réussirent à enfoncer les troupes russes (en préservant leurs ponts et en faisant 1.500 prisonniers) et que le 126e régiment de ligne se sacrifia volontairement pour dégager le passage des ponts aux unités qui n’avaient pas encore traversé. Seuls quelques hommes du 126e RI survécurent.
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Les chevalets sont des structures en bois servant de soutien au tablier d’un pont. Ils étaient assemblés ici, sur place puis disposés verticalement sur le fond de vase fangeux de la rivière sachant qu’ils s’enfonçaient relativement et donc tenaient par le poids de la structure tout en étant maintenus horizontalement par le tablier (voir : §7)
2 Les Russes ayant détruit le pont de Borissov, les 7 compagnies regroupant les 400 pontonniers du général Éblé, aidés des pionniers du génie du général Chasseloup et de quelques compagnies de sapeurs se mettent aussitôt à l’œuvre pour construire deux ponts de fortune d’une centaine de mètres sur le seul gué repéré grâce à un paysan, à proximité du village de Studianka. À cet endroit, la Bérézina ne mesure que 20 mètres de large pour une profondeur d’un à deux mètres.
3 Afin de ne pas mouiller leurs vêtements ni leurs chaussures, c’est entièrement nus que les pontonniers se lancèrent dans un travail de forçat, dans une eau d’à peine 2° pour une température inférieure à - 20°. Nombre d’entre eux furent aussitôt victimes de leur courage, noyés et pétrifiés gelés quand ils ne furent pas grièvement blessés par les structures du pont que les flots bousculaient et par les énormes « glaçons » tranchants comme des rasoirs, charriés par la rivière. Des 400 hommes engagés par ce travail de titan, seuls 6 d’entre eux survécurent, dont un capitaine (George Diederich Benthien) et un sergent-major (Schroeder).
4 Il fallait du bois aux pontonniers. Ils se sont donc servis des madriers et des poutres des maisons du petit village de Studianka qu’ils incendièrent. Ils ont aussi abattu tous les arbres alentour. Côté matériel, le général Éblé avait eu la sagesse prémonitoire de maintenir l’équipement de ses hommes (outils de base, 20 grands clous chacun, et clameaux : crochets d’assemblage), de conserver quelques fourgons et voitures chargées d’outillage (6 caissons), de deux forges de campagne et de charbon.
5 Les pontonniers n’ont pas hésité une seule seconde à se jeter à l’eau avec un esprit de sacrifice honorant leur bravoure pour permettre à ce qu’il restait de la Grande-Armée de troupes encore en ordre de marche de passer. Leur exploit au péril de leur vie a non seulement sauvé l’armée, ou ce qu’il en restait, de la déroute complète, mais a aussi permis à l’Empereur et à son état-major d’éviter d’être faits prisonniers des Russes.
6 Le général Baron, puis Comte Jean-Baptiste Éblé (1758/1812) s’est immédiatement jeté à l’eau pour encourager ses hommes qui se sont battus contre la rivière durant trois jours et nuits. Il fut lui-même emporté par la maladie un mois plus tard.
7 Les piles d’un pont soutiennent les arches d’un pont. Ici, elles font l’objet de chevalets de bois, mais d’habitude elles se composent d’ensembles massifs de maçonnerie.
8 Le tablier d’un pont est sa partie horizontale qui soutient donc une route ou comme ici, la voie recouverte alors de chaume et de fumier facilitant le passage des troupes et des chevaux restants. Naturellement, les tabliers des deux ponts étaient maintenus de façon précaire sans parapet et au ras de l’eau. Napoléon se rendit sur le tablier d’un des deux ponts pas encore achevé pour encourager lui-même « ses pontonniers ».
9 La Bérézina offre souvent de très larges bras qui se confondent avec des marécages inondant de façon mouvante sa vallée pour un lit fangeux. Quand il neige, il devient impossible de discerner les méandres de la rivière d’avec les plis de la plaine.
9 La panique qui saisit le dernier jour les retardataires, les traînards et les civils qui, malgré les injonctions des estafettes envoyées par les militaires déjà passés sur l’autre rive, préférèrent ne pas traverser pour rester « au chaud » dans leurs bivouacs, fut tout autant imprévisible que dramatique. En effet, lorsque la foule des 12.000 hommes et femmes se rendit compte que les cosaques arrivaient et qu’on allait détruire les ponts, elle se précipita soudainement sur ces faibles structures qui ne résistèrent pas, faisant là, de très nombreuses victimes noyées, piétinées ou même brûlées avec les ponts, et près de 10.000 prisonniers des Russes. Voir mon poème suivant « L’effroi ».
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
La bataille de la Bérézina : position des forces en présence,
N.B. Sur cette carte, on voit très nettement le pont détruit à Borissov et plus au nord, les deux ponts construits par Napoléon à Studianka.
Gravure sur la bataille de Borissov
Les pontonniers à l'oeuvre
La Bérézina aujourd'hui
Fouilles sur le site historique
Le franchissement de la rivière par les deux ponts
Le général Jean-Baptiste Éblé (1757/1812)
Hommage gravé sur l'arc de triomphe de Paris
Le 126ème régiment d'infanterie de ligne qui se sacrifia pour maintenir le passage de la Bérézina
Tombe d'un Brave, devenu lieutenant en 1813 et décoré par Napoléon qui eut le pied gelé durant la retraite de Russie, Christophe Collot