SAISON 5 "Femmes"
Clairon
Marche des tirailleurs
(N.B : Régiment de José)
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Avec ce dernier épisode " Clairon ", se termine la Saison 5 " Femmes ".
Elle aura traversé bien des drames, depuis le naufrage du Titanic
jusqu'à celui de l'Europe.
Laurine aura perdu Maureen.
Elle aura pris sur elle l'envie folle de se noyer dans ses larmes, guêtant le facteur, la peur nouée au ventre.
Elle s'est engagée de toute son âme auprès de Marie, l'aidant tout près du front, dans les p'tites Curie.
Elle aura retrouvé Manuel, blessé.
Et face aux destins croisés de tous ces hommes perdus, elle porte désormais au front les stigmates indélébiles de cette horreur indicible que l'on nomma :
la Grande-Guerre.
Avec José, elle n'a plus qu'une envie :
VIVRE
C'est ce que vous verrez
dans la Saison 6 " Valentine "
à paraître très prochainement.
Elle m'a chargé de vous remercier pour votre fidélité
Pierre (16/10/2019)
* * *
Clairon
Et même en fin de guerre ils ont commis l’impair
D’un clairon dédoublé se morfondant en veille
Du « sept » avant qu’un « onze » en deux dates impaires
Sonne pour l’occasion la paix que l’on réveille.
José n’y croyait plus lorsqu’il se redressa
Croyant humer ces notes portées par la brise
En ce matin d’automne au sol qu’il caressa
Laissant s’ouvrir la clé de sol en sept reprises.
Puis ce fut le silence opprimant les tympans
Des poilus hébétés, des hommes incrédules
Délivrés du canon, de leur tranchée grimpant,
Tremblant de désarroi quand l’armistice ondule.
À Montmartre et partout, les cloches ont tinté,
Chauffant de leur métal l’alliage indescriptible
De la joie claironnée des poilus éreintés,
Des femmes libérées du drame imprescriptible.
Il paraît qu’un wagon de bien noble facture
Prolongea sa carrière en céleste clairière
Oubliant ses trajets, ses repas sans fracture,
Troquant ses passagers pour leur muse guerrière.
On pavoise en chantant comme il y a quatre ans,
On parade à cheval et l’on sourit aux belles,
On oublie la terreur des charognes en sang,
On trinque entre vantards loin des filles rebelles.
Laurine et son José sont restés bien longtemps
Sans parler ni toucher leurs yeux cerclés de larmes
Se contentant du pain que leur chagrin montant
Égrenait tout en mie sous la croûte du charme.
Perclus de tremblements devant l’âtre du four,
Le fournil attisait en José sa souffrance,
D’avoir guetté la mort à chaque carrefour
De boyaux et tranchées prolongeant son errance.
Laurine s’est levée décrochant le panneau
Dont le voile masquait « Cœur-de-pain » sur la ruelle,
Puis elle a déployé sous la forme d’anneaux
Des galettes sucrées pour leur bonheur actuel.
Pierre Barjonet
Août 2019
Poteaux
valse en ut dièse mineur opus 64 de Frédéric Chopin
La chanson de Craonne (mutineries de 1917)
N.B : Chanson à n'écouter qu'avant ou après avoir lu le poème,
afin de ne pas en confondre les textes.
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Poteaux
Fallait-il que les dames suivent le chemin
Foulé d’Adélaïde et de sa sœur Victoire
Balisant de bleuets le noble parchemin
Des filles de Louis quinze en quête de victoires ?
Les tranchées du chemin se bercent de coteaux
Laissant voir la trouée sacrifiée de la gloire.
Les fossés du sentier se bordent de poteaux
Retenant les maudits au sinistre étrangloir.
Longeant d’ombre l’orage en terre mise à nu,
Des poteaux se déploient et bornent les cratères,
Ravinant l’horizon déchiré par les nues,
Décimant les bannis marmonnant leur Pater.
Il fallait les briser ces quatre caporaux
Comme il fallait crever les mutins en colère,
Punis d’avoir contré de vieux chefs tumoraux
Méprisant les valeurs humaines qu’ils violèrent.
Combattantes de l’ombre adulées au pays
Qui portent la terreur bien au-delà des lignes,
Mais vomies comme lave étouffant Pompéi
Quand traîtresses se font d’une image maligne !
Refusant le diktat des bottes d’oppression,
Louise de Bettignies piégea de bleu la Prusse.
Ses messages codés d’un réseau sous pression
Pointaient le Kaiser, Verdun sans qu’ils la crussent.
Mais la mort l’attendait près des rats au cachot ;
La « Jeanne d’Arc du Nord » repose en Dame blanche.
Effeuillant son terrain qui se découvre à chaud,
Mata la courtisane ondule et se déhanche.
Éprise d’un beau Russe on l’accuse bientôt
D’espionnage insensé la menant à Vincennes.
L’aube lui façonnant des éclats de pointeau,
Laurine en l’apprenant s’insurgea de la scène.
Fallait-il que le drame fige le destin
De fières héroïnes s’offrant à la France
Ou traîtresses longeant leur parcours clandestin
Unissant dans la mort leur bouquet de souffrance ?
Pierre Barjonet
Juillet 2019
Gardiennes
La chanson de Lara - Docteur Jivago (au piano)
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Gardiennes
Et les femmes aussi font aux tranchées l’écho
Par l’acier des charrues venant fouiller la croûte
Des craies de la Champagne en versant leur écot
À la France orpheline en guerre sans déroute.
Conductrices de trams, d’autochirs ou de trains,
Jeunes munitionnettes d’obus non poudrés,
Bûcheronnes parfois en boulange et pétrin,
Troquant de leur chagrin, l’amour qu’on recoudrait.
Gardiennes du limon déversant tant d’espoir,
Les femmes ont repris la semence fertile
Désaccouplant la peur, fertilisant la gloire
En un élan superbe et que nul ne mutile.
Le cliquetis roulant d’usines déversant
Des myriades de clous ou bien de l’aspirine
N’apaise nullement la rage renversant
L’orage des tranchées par la foi de Laurine.
Et la Docteur Nicole embrassant par ferveur
La chirurgie de guerre à Verdun que bétonne
Le refus fait aux femmes d’un talent serveur,
Blessée puis Capitaine, ouvre un temps qui détonne.
La Duchesse d’Uzès a créé l’atelier,
Usinant sans piston d’utiles ambulances,
Quand Marie déployait en un beau râtelier
Ses rayons salvateurs en géniale opulence.
« Fiancée du danger », Marie Marvingt conduit
Des autos, des avions, se déguisant en homme
Réfutant le refus d’obtenir sauf-conduit
Pour honorer le Front de la Meuse à la Somme.
Petite vitrière aux mains coupées souvent
Rejoint sœur en prière aux bras saillants de veines
Sous le poids tant rougi des charpies du couvent
Fermant les yeux vitreux de poilus en déveine.
Et la Femme de France, Émilienne Moreau,
L’Héroïne de Loos au courage admirable,
A mérité la Croix s’attaquant au taureau,
Foulant son casque à pointe aux fers indésirables.
Pierre Barjonet
Juillet 2019
Rayons
Une "petite curie"
" Mission impossible " au piano
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Où Laurine près de Marie retrouve Manuel...
Rayons
Relisant son courrier mûri dernièrement,
Laurine a résolu d’accompagner Marie,
La suivant motivée, s’offrant entièrement,
Écartant à la lettre la moindre avarie.
Destination Verdun, la Meuse et ses tourments,
Elle regagne enfin les « Petites Curie ».
Marie l’avait choisie sachant son teint gourmand
Pour distribuer du pain, l’aider dans l’incurie.
Incroyable Marie, concevant des engins
Déboulant près du Front bien que s’atomisèrent
Les forces des poilus n’ayant pour seul frangin
Qu’un Lebel astiqué dont l’âme est en misère.
Avec Irène ensemble elles mènent combat
Brisant cette impuissance à soigner les victimes
Faute de repérer quand l’acier les plomba
Où se niche l’éclat qui leur ronge l’intime.
Laurine à corps perdu se jette dans l’action,
Conduisant à son tour une auto médicale
Rayonnant chaque jour sans craindre la traction
De ces soldats sauvés par Marie, radicale !
Mais la faux détournée par ces puissants rayons
Transporte le typhus en Champagne pouilleuse
Que Laurine et Marie biffent de leurs crayons
Récoltant des succès contre la magouilleuse.
L’ambulance attardée se presse en invoquant
La déesse Culasse en cliquetis sans gêne
Déroulant la torpeur de Manuel suffoquant,
Blessé par sa culasse enrayée pathogène.
Transpirant d’émotion, Laurine à son brancard
Rayonne de bonheur contrant pompe funèbre,
Griffonnant sous dictée les soins sur un encart
Portant radiographie traversant les ténèbres.
Le soir entre les sœurs et poilus qu’on rehausse
Frissonne l’ovation pour ces femmes splendides
À l’image d’une autre, « Héroïne de Loos »
Ayant connu le feu d’un courage candide.
Pierre Barjonet
Juillet 2019
Marraines
Musique patriotique de poilus en 1916 " quand Madelon "
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mais avant ou après lecture du poème afin de ne pas brouiller les paroles...
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Marraines
Ne verra plus Maureen, la Demoiselle en pleurs.
L’automne a désarmé les oliviers de Nice,
Auguste tremble encore en déroulant l’ampleur
De sa muse partie sans que l’art n’en ternisse.
Et la guerre toujours, terrible et si lugubre
N’a pourtant pas éteint les couleurs des « Collettes »
Ne sombrant de sépia qu’en tranchées insalubres
À l’Est où le soleil ne luit qu’en épaulettes.
La Maison Cœur-de-pain vient chérir ses filleuls
Orphelins de courriers en s’offrant pour marraine
Écrivant sans relâche, leur donnant de l’aïeul
Et tricotant des gants pour ramper dans l’arène.
Laurine dont le cœur teinte leur horizon
D’un espoir maternel adoptant leurs souffrances
Leur ouvre à cinquante ans sa chaleur de vison
Prolongeant sa photo sous les armes de France.
Elle a lu ce manuel pour panser les secours
Que Marie lui porta songeant aux infirmières
Envisageant leur sort et leur prochain parcours
Au chevet des blessés aveuglés sans lumière.
Les journaux font écho de femmes d’exception
Se portant en soutien du théâtre aux Armées
Comme Sarah Bernhardt fuyant les réceptions
Et déclamant l’Aiglon pour les troupes charmées.
Comme l’aigle elle vole embrassant les clochers
Du chant patriotique des coqs et des cloches
Jouant « les Cathédrales » meurtries, talochées,
Comme à Reims et Strasbourg sous d’odieuses galoches.
Remplaçant les piécettes de soldats troupiers
Sarah donne à l’instant la dimension du rêve,
Portée pauvre amputée, mais ne perdant pas pied
Au milieu des poilus pour une courte trêve.
Et quand le rideau tombe en clameurs d’ovation
C’est l’amour de Pâris et de la belle Hélène
Qui se prend d’enthousiasme pour l’innovation
Mêlant de comédie les tragédies d’Hellènes.
Pierre Barjonet
Juin 2019
Faust
Mon grand-père, alors Capitaine et commandant une Compagnie de Tirailleurs, trouva sur le corps d'un officier allemand, "pris au combat",
ce petit livre du Faust de Goethe (édité en 1912 à Leipzig)
ainsi que sa Croix de Fer.
Faust - Opéra de Charles Gounod
Gloire Immortelle De Nos Aïeux (Chœur des Soldats)
Choeurs de l'Armée Rouge
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Faust
José prit du galon d’avoir suivi par choix
La croix de son devoir en donnant à la France
L’honneur des compagnons pour son drapeau qu’il choie,
Le hissant dans son cœur, surplombant la souffrance.
Devenu Lieutenant, au Capitaine adjoint
Chargé des tirailleurs progressant près des Zouaves,
Souffrant avec ses hommes que le sort rejoint,
Si fier de leurs chéchias que jamais ne déçoivent.
C’est à Quennevières qu’il rencontra Faust
Au combat si terrible non loin de la ferme
Sentant la betterave aux couleurs d’échafaud,
Tremblant de frénésie brûlant sous l’épiderme.
Puis retentit l’assaut des soldats en haillons
Chargeant sans les canons, mordant vermine en terre,
Plongeant sous des remparts bloquant le bataillon
De position frisée dont les lueurs les hantèrent.
Progressant dans la nuit hors des terriers infects,
Manquant de godillots, ne chaussant que sandales
Et rampant en riant car rien ne les affecte,
Ils aiment leur « José », pas l’un de ces vandales !
Les sauvages d’ici ne sont pas sur le Front…
Et l’allemand d’en bas n’est pas toujours pirate,
Couteaux entre les dents, vengeant le moindre affront,
Dévorant vos enfants, l’air que vous respirâtes.
En perçant un boyau régurgitant l’enfer,
José se retrouva couché sur un cadavre.
C’était un officier portant la Croix de Fer
Et dont la main figée serrait toile de poivre.
Déroulant le tissu revêche et terrasseux,
Soudain lui apparut un minuscule livre :
« La tragédie de Faust », en cet instant poisseux,
Sublime appel de Goethe à la vie qui se givre.
Cet homme a-t-il vendu son âme à Méphisto ?
Fallait-il que sa vie ne tourmente sa reine
Et que dans les tranchées son maintien d’aristo
Froisse sa Marguerite en effeuillant sa peine ?
Pierre Barjonet
Juillet 2019
Lettres
Suite pour violoncelle n°1 de J.S. Bach
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N.B. Je fais suivre ce poème " Lettres " d'un autre, " Lettre " distinct de la romance de Laurine, alors composé en novembre 2014 en hommage aux veuves de la Grande-Guerre et du texte qui s'en inspirait lors d'un concours organisé par Blog4Ever en 2015, auquel j'avais participé.
Lettres
À ma très chère épouse… Ton José t’aime tant…
Ô ma tendre adorée… Ton mari qui t’espère…
À ma douce Laurine… Ta chaleur que j’attends…
Ô toi ma bien-aimée dont je me désespère.
En brodant son supplice à guetter le facteur,
Laurine se surprend à regretter le timbre
De la porte qui s’ouvre sur ses chers acteurs
De cette tragédie réduite à quelques timbres.
Et voici que Maureen ayant visité Jean,
Son fils blessé par balle après que ce fut Pierre,
Lui décrit sa douleur, sa colère enrageant
Contre l’absurdité submergeant ses paupières.
Ils voulaient l’amputer, son beau chasseur alpin,
Mais s’il se sortira du frisson des bourrasques
C’est Maureen qui se plaint du séjour transalpin
Aggravant son diabète en l’aveuglant d’un masque.
Faut-il que le destin se montre bien odieux
Pour empêcher Maureen de sombrer sous les glaces
Et vienne maintenant la rapprocher de Dieu
La menant au naufrage en son âme si lasse !
La guerre offrait son lot de nouvelles de plomb,
Quand vint une autre carte en franchise postale
De Roland dénonçant avec un bel aplomb
Ces croix de bois dressées dans la mort qui s’installe.
Blessé, ce bel ami loin des joies du « Lapin »,
Contant ses camarades enfouis sous les marnes
Disant combien Maurice en voulait à Scapin
De cette comédie qui s’embourbe et s’acharne.
« Ceux de quatorze » ont vu se trancher les boyaux
Des copains dévastés pleurant de nuit leur mère,
Quand ceux de quinze voient que les enfants loyaux
Succombent sacrifiés pour d’obscures chimères.
Accablée, mais voulant accomplir son devoir,
Enfouissant ses courriers dans sa boîte de nacre,
Mademoiselle entend soigner et recevoir
Les veuves du quartier malgré du thé bien âcre.
Pierre Barjonet
Mai 2019
En novembre 2014, rendant hommage aux veuves de la Grande-Guerre, j'avais écrit ce poème " Lettre " (Lien ICI).
Lettre
L’encre à jamais te blesse pauvre amour meurtri
De toi, ma plume est sèche en ton destin brisé
J’ai fleuri les épis fanés par la patrie
Et cueilli les bleuets qui t’avaient tant grisé
Ma souffrance est rebelle Ô mon soldat figé
Je porte ton anneau, notre enfant, l’horizon
Je vibre du remords, sentiment mitigé
De ne t’avoir gardé, passée ta guérison
Tu ne savais combler l’absence de mitraille
T’enfouissant dans la laine en chaudes voluptés
Laissant le temps fiévreux avant qu’il ne tiraille
Ces parfums de sursis que nous pensions dompter
Tes yeux ne me parlaient, mais pouvaient me pleurer
La détresse infinie dont tu faisais moisson
Blottis dans le passé d’un bonheur effleuré
Nous goûtions le silence aux vapeurs de boisson
Pour toi j’avais choisi de planter un lilas
Priant pour que la terre un jour ne te renverse
Et que par son parfum, la paix se profilât
Mais c’était compter sans la misérable averse
L’encre à jamais me laisse à tes lettres froissées
Reçues deux jours après que ma porte résonne,
Que j’ai lues, que j’ai bues, j’en frissonne angoissée
Mon pauvre amour brisé, dans la boue de l’automne
En hommage aux veuves de 14…
Pierre Barjonet
Novembre 2014
Puis, en prenant appui sur ce poème, j'avais ensuite participé à un concours organisé en 2015 par la plateforme de BLOG4EVER, sur le thème de " Ma plus belle histoire " :
MAI 2015 : CONCOURS DU MEILLEUR TEXTE
Il s'agissait de rédiger un texte très court (moins de 1000 à 2000 caractères) narrant une histoire émouvante survenue sur la plateforme ; en fait, "sa meilleure histoire".
J'avais choisi de raconter tout simplement l'émotion qui m'étreignit lorsque j'avais composé un poème rendant hommage aux veuves de 14/18 dans ma Lettre (lien ICI)
Voici mon texte (" brut " : sans présentation particulière) :
- MA PLUS BELLE HISTOIRE SUR BLOG4EVER -
En ce triste novembre mouillé de froid glissant, je m’étais agrippé à l’écran de mes songes. Pris par l’anniversaire de 14/18, me revenait l’écho des repas de famille où s’invitaient les morts. Enfant, marchant dans la glaise champenoise, je m’entendais répondre pour mes souliers crottés que ce n’était pas ma faute malgré mon sobriquet de p’tit poilu. J’imaginais que la boue me happait. C’est elle aujourd’hui que fouille mon écran quand le soir venu je renverse la boîte aux trésors. Devant les photos voilées de l’aïeul, j’ai saisi mon clavier. Ployant sous la mitraille des mots que chevauchaient mes vers engloutissant l’horreur, j’ai endossé le bleu d’une encre souillant de sang la « Lettre » à mon aimée. Puis quand je l’ai postée aux lignes de l’écran, le silence se fit. Pris dans le tourbillon d’une écriture glacée, je devins la victime de l’émotion virtuelle. Mais quand le clairon des messages en rompit la torpeur, découvrant l’empathie du blog, alors tout doucement, j’ai pleuré.
Fauchés
"Pour nos morts, sonnez clairons" texte en diction + sonneries
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Fauchés
Se hissant du gourbi, Célestin-le-miauleur
Devine les shrapnels, les obus, la mitraille,
Déchirant en écho leur soupir enjôleur
Avant que leur clameur n’arrache les entrailles.
Célestin reconnaît tous les chants des bourdons,
Les miaulements d’obus, la valse des abeilles,
Dans l’orage infernal du canon sans pardon,
Des grenades féroces plombant les oreilles.
« Le Grand Meaulnes » a cessé d’échapper au bonheur.
Charles Péguy non plus, gommant en orphelines
Ses pages sur la Ligne incarnée de l’honneur
D’être un épi trop mûr couché qui dodeline.
Poètes écrivains qui se rêvaient aux nues,
Revêtus d’un linceul d’encre rouge sans plumes,
De guerre sans boutons, Petits Gibus tout nus,
Se couchent sur la tranche en ultime volume.
Célestin-le-miauleur aime bien son José,
Le comprenant sans mots, comme un chat de gouttière,
Rampant couvert de boue, s’abreuvant de rosée,
Collectionnant pour lui des douilles bijoutières.
Grattant des doigts la terre ils s’en font un abri
Quand sortant des tranchées, ils se couchent, se plaquent
Comme soles dans l’eau nageant sous les débris
Laissant planer là-haut le supplice qui claque.
Puis c’est l’affreux tricot des aiguilles fouillant
Les corps entremêlés d’espoir et d’affreux râles
S’enivrant du pinard d’un fritz encore bouillant,
Plongeant dans son terrier, se chauffant le moral.
C’est qu’ils ont mis les voiles, ces terreux ballots
Abandonnant totos, tord-boyaux et bibine
Délaissant leur barda, leur perlot au galop,
Déchirant aux séchoirs leurs bien tristes bobines.
Et quand survient la plainte enfouissant la terreur
Des marmites gorgées du sang rinçant la terre,
Toutes ces vies tranchées semblent clamer l’erreur
D’être enfin délivrées de ceux qui les enterrent.
Pierre Barjonet
Mai 2019
Exceptionnellement, pour faciliter aussitôt la compréhension du texte, je donne ci-après la « traduction » de termes et mots tirés de l’argot des poilus de 14/18 (dont nous en connaissons beaucoup, sans savoir pour autant leur origine) cités dans l’ordre des vers du poème ainsi que des notes sur les écrivains.
Mais le petit lexique comme son extrait "Lexique saison 5 Episode 7 Fauchés" sont un atout précieux
- Gourbi : abri
- Célestin-le-miauleur : surnom donné à Célestin réputé pour reconnaître les projectiles qui « miaulent » à leur son
- Shrapnels : obus à balles ( !) allemands
- Bourdon : bruit d’obus
- Miaulements : d’obus des canons de 75
- Abeilles : son des balles de fusil
- Le Grand Meaulnes : seul roman d’Alain Fournier (1913), mort pour la France le 22/09/1914
- Ligne : la ligne du Front des combats (être en 1èreligne, etc.)
- « Épis trop mûr » : du poème prémonitoire de Charles Péguy, mort pour la France le 5/09/1914 à 41 ans ! « Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles (...) Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés"
- Petit-Gibus : personnage de « La guerre des boutons », roman écrit par Louis Pergaud, également auteur des « carnets de guerre », mort pour la France le 8/04/1915 (un peu plus tard que dans mon poème…). Retenons encore, parmi les écrivains « fauchés » au champ d’honneur, Guillaume Apollinaire mort de la grippe Espagnole et des suites d’une blessure reçue en 1916, le 9/11/1918 (à 2 jours de l’armistice…)
- Douilles bijoutières : les soldats récupéraient les douilles de cuivre pour en sculpter des objets « souvenirs »
- Aiguilles à tricoter : la baïonnette !
- Pinard : du vin rouge
- Fritz : Désignation péjorative des Allemands
- Terrier : une tranchée
- Ballots ou Balochard : imbécile, idiot
- Mettre les voiles : se sauver, s’en aller
- Terreux : paysan
- Totos : poux
- Tord-boyaux : eau-de-vie
- Bibine : bière de mauvaise qualité
- Barda : l’équipement du soldat fantassin
- Perlot : tabac
- Bobines : visages
- Marmites : trous ou cratères pratiqués par des obus de gros calibre
Moissons
Ah, c'est la guerre ! (chanson populaire d'époque)
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Moissons
Le blé s’est affaibli d’un soleil négligent
En cet été « quatorze » enfiévré par les miasmes
De ces rumeurs de guerre en échos affligeants
À cet assassinat sans nul autre enthousiasme.
Puis ils ont tué Jaurès, fauchant l’épi de paix
Que la colombe emporte au sombre crépuscule.
Et quand s’est mise en branle leur forge d’épées
Ne restait au pays qu’un grenier minuscule.
Mademoiselle entend pour qui sonne le glas,
Pour qui bat le tocsin de l’amour éphémère,
Pour quoi perce la peur des sens qu’on aveugla,
Pour quand tonne la mort des épouses, des mères.
José s’en est allé souriant aux aspirants
Qu’accompagne déjà cet autre tour de France
Portant de leur Devoir l’espoir en soupirant
De revenir grandis, compagnons sans souffrance.
La gare débordait de mouchoirs et vivats,
De flonflons tricolores enfouis d’embrassades
D’âcre souffle des hommes en chœur de diva
Poussant la Marseillaise en cet été maussade.
Les femmes ont rejoint leur nouvel univers
Guidées par leur instinct aux frontières des larmes
Se disant que demain ne sera plus qu’hiver
Et se voyant creuser des rides pour tout charme.
José n’a rien perdu de l’allure bon train,
Marchant de jour, de nuit, en sinueuse colonne
Ravinant les ornières d’horizon restreint,
Découvrant le saccage en canons qui pilonnent.
Et puis soudain le feu, ces premiers morts surpris,
La vie qui s’évanouit pliant sous la faucheuse,
Ces cris insupportables leur brûlant l’esprit,
Et les balles qui tondent l’herbe des rocheuses.
La ligne est derrière eux, le front s’est déplacé
La retraite s’emballe en entendant les boches
C’est un pari perdu de chevaux mal placés
Mais que Paris défend en taxis et caboches.
Pierre Barjonet
Mai 2019
Marie
Marie Skłodowska-Curie
Chopin " Polonaise opus 40 n° 1 " par Samson François
N.B : Il va de soit que le rapprochement entre ma Romance de Laurine et la vie de Marie Curie n'est que pure création romanesque sortie tout droit de mon imagination - Pierre
Marie
La neige s’est ouverte aux marchés du midi
En cet hiver « quatorze » emporté de poudreuse
Déroulant ses reflets de givre en perfidie
Scintillant en guirlandes juste filandreuses.
Laurine a réussi des « œufs-neige » étonnants
Vibrant d’un velouté d’atomes de banquise,
Lorsque son pas de porte s’ouvre en détonnant
Sur une frêle dame en son Salon conquise.
Modeste et fort discrète entourée de suédois
Qu’elle guide à Paris d’une colline à l’autre,
De Sainte-Geneviève où nul ne la soudoie
À la Butte Montmartre où nul art ne se vautre.
Marie qui n’est d’ici, fleurant ce « Cœur de pain »,
Se surprend comparer à son laboratoire
L’antre de ce fournil au clair Salon repeint,
L’austère précision d’un goût libératoire.
Elle y revient depuis, cherchant mille raisons
Qui font de la boutique un mariage homogène
Entre la science et l’art prouvant leur floraison,
Puis en souriant invente un soufflé chromogène.
Émerveillant Laurine en quête de vertus,
Marie l’entraîne à voir, retraversant la Seine,
Son labo, sa raison, son goût qui s’évertue
A polir les rayons d’une passion bien saine.
En nourrissant le corps, l’une ouvrage sa faim,
Quand explorant le cœur, l’autre atomise en fièvre
La vision que ne plombe la physique enfin,
Réussissant l’exploit de soulever des lièvres.
L’alchimie des pétrins vaincus par volonté
Entre la boulangère, l’éclair bonapartiste
Se riant du génie de son Salon dompté
Et Marie la savante, éblouit les artistes.
Que ce Salon bouillonne en ignorant l’hiver !
Laurine est au piano jouant une Polonaise,
Marie calcule et perce enfin son univers,
Et rayonne du thé d’infusion japonaise…
Pierre Barjonet
Mai 2019