La palette de Pierre

La palette de Pierre

L'effroi

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" Retrait "

Illustration originale de Pierre Barjonet - Juillet 2024 - 40/30 -  Sanguine, mine de plomb et fusain

 

N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir

(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)

 

Giuseppe Verdi ; opéra " La force du destin " (Ouverture / extrait)

 

à écouter en lisant le poème 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :

 

N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire

avec un "résumé" de l'épisode en cours :

SOMMAIRE

 

ainsi que la rubrique chronologique :

CHRONOLOGIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'effroi

 

 

 

Prisonnières des ponts qu’elles n’ont pu franchir1,

Perdant leurs illusions dans l’hiver qui terrasse,

Elles restent prostrées ne pouvant s’affranchir

Du destin qui s’acharne à briser leur cuirasse.

 

 

L’épouvante a gagné corneilles et corbeaux,

Tant les cris, les appels garnissent le silence.

Des femmes psalmodient à l’orée du tombeau,

Et des brûlés2 supplient qu’on les noie sans violence.

 

 

On perçoit le canon, le fracas des combats,

Les hurlements lointains et des râles trop proches,

Et l’on ressent l’effroi du choix qu’il incomba

Aux chefs d’abandonner la troupe qui décroche3.

 

 

Une explosion ravit à la poudre son lot4,

Creusant dans le talus une tranchée boueuse

Où nagent les débris d’hommes et de mulots

En mêlant les couleurs de leur fange poisseuse.

 

 

Sursautant, Natacha que vient lécher Livreur

Délaisse quelque instant Nicolas qui repose,

Et s’inquiète alentour du chemin de l’Empereur5,

Du sort des grenadiers, de Joseph qui s’expose ?

 

 

L’entendant, un grognard lui confie que Joseph

Fut pris à l’ennemi par manque de cervelle,

Qu’il est sûrement perdu, prisonnier de leur fief,

Dans un oblast6 cosaque à défaut de nouvelles.

 

 

Liouba frissonne alors et décide soudain

De quitter ces marais, de marcher sous les arbres,

De s’enfoncer au sud comme des paladins7,

De trouver une isba bâtie de bois sans marbre.

 

 

Après tout elle est russe, et maintient l’illusion

D’adopter Natacha, l’enfant qui l’a charmée,

Ayant fui les Français si l’on fait allusion

À leur accoutrement pour tromper les armées...

 

 

Quand la frayeur gagna l’âpre Bérézina,

Débordant son linceul de gel au crépuscule,

Livreur et Nicolas, d’instinct qu’on devina,

Rallièrent leurs amies en un franc groupuscule.

 

 

 

 

 

Pierre Barjonet

Avril 2024

 

 

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Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET

a/c janvier 2023

Saison 4 « Féroce », Poème 2 « L'effroi » (Avril 2024)

 

   

 

 

 

 

Il y a l’avant et l’après-Bérézina. Avant, sans évoquer la marche vers Moscou, la Grande-Armée fit connaissance avec l’hiver précoce redoublant à l’approche de Smolensk de rigueur s’ajoutant à la détresse de ces hommes et femmes littéralement perdus dans la plaine russe sans vivres, ni fourrage, ni équipement.

 

À l’approche de la Bérézina, seuls l’honneur et la vaillance comptaient encore pour les troupes fidèles à l’empereur, la Garde impériale, les « grandes moustaches » des grognards et l’élite des grenadiers commandés par les maréchaux. Ces troupes encore en ordre de marche avec ses aigles (aux hampes des drapeaux et des étendards), son armement et son équipement de campagne suivaient à pied leur empereur (le plus souvent) en préservant leur uniforme totalement recouvert de peaux, de fourrures, d’écharpes, voire de bonnets d’ours en guise de bottes ! Du reste, le peu de vivres n’était distribué qu’aux régiments et brigades constitués encore disciplinés. Pour les autres, il en allait tout autrement. La longue cohorte des « traînards », des cavaliers démontés, des hommes privés d’unités, des prisonniers échappés, des blessés privés d’ambulance, des égarés, et toujours celle des pillards, mais aussi la longue file des civils encore en vie, des femmes avec souvent des enfants, ne pensait plus qu’à sa seule survie, celle du coûte que coûte, du chacun pour soi. Alors, le rêve d’un abri, l’espoir d’un peu de chaleur, l’illusion d’un havre de paix hors des cosaques et des loups, ont plongé ces malheureux dans une sorte d’apathie les privant de tout bon sens.

 

C’est ainsi que face à la Bérézina, cette foule des « maudits » refusa de franchir les deux ponts construits durant trois jours par les pontonniers du général Éblé. Elle se trouvait « bien au chaud » dans ses bivouacs de fortune installés à même les restes du village incendié de Studianka. Certains même sont morts à demi brûlés, à demi gelés pour s’être couchés dans les cendres sans s’en rendre compte...

 

Et puis, il y eut l’après Bérézina, ou le début de l’horreur, de l’effroi, de l’épouvante, tant pour les troupes encore en ordre de marche qui avaient franchi la rivière, mais qui se trouvèrent confrontées au véritable hiver russe avec des pointes descendant à près de – 40°, qu’aux malheureux restés sur l’autre rive, alors massacrés par les cosaques ou fait prisonniers quand ils ne périrent pas d’eux-mêmes en tentant de traverser à la nage la Bérézina ou de passer à travers les flammes des ponts.

 

 

 

 

NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE

 

 

 

1 Comme mentionné dans mon poème précédent « Pontonniers », la panique qui saisit le dernier jour de la traversée de la Bérézina, le 28 novembre 1812, toucha les retardataires, les traînards et les civils qui, malgré les injonctions des estafettes envoyées par les militaires déjà passés sur l’autre rive, préférèrent ne pas traverser pour rester « au chaud » dans leurs bivouacs. Cette panique furieuse d’une foule rendue folle par le froid, la faim et les cris des cosaques fut tout autant imprévisible que dramatique. Lorsque les 12.000 hommes et femmes se rendirent compte qu’on allait détruire les ponts, ils se précipitèrent soudainement sur ces faibles structures qui ne résistèrent pas, faisant là, de très nombreuses victimes noyées, piétinées ou même brûlées avec les ponts, et près de 10.000 prisonniers faits par les Russes.

 

2 Sur ordre de l’Empereur, après avoir tenté en vain d’inciter les retardataires à franchir la Bérézina, on mit le feu aux ponts pour en interdire l’accès aux Russes et aux cosaques. Ce qui provoqua la panique d’une foule se précipitant vers les ponts, précipitant tout autant les malheureux dans l’eau glacée, dans la mêlée piétinée que dans le brasier. Des témoins rapportèrent avoir vu des femmes figées dans une apparente stupeur insensible avec la moitié du corps brûlé et... le sourire aux lèvres en forme de rictus effrayant.

 

3 Ce fut un choix difficile et douloureux, mais indispensable pour préserver « le gros » de « l’armée » survivante. La décision en revint naturellement à Napoléon, mais sur place au général Éblé qui, en ce samedi 28 novembre 1812, à 7 heures du matin, conscient du drame qui se jouait pour les 8 à 12.000 malheureux traînards n’étant pas encore passés, attendit encore 2 heures avant d’exécuter l’ordre terrible à 9 heures en apercevant les premiers cosaques...

 

4 L’incendie ravage les ponts faisant sauter des barils de poudre et des munitions abandonnées. Certains restés sur la mauvaise rive font sauter des fourgons avec des caisses de munition.

 

5 L’empereur poursuivra sa route vers l’ouest jusqu’au 3 décembre où il connaîtra les détails de la conspiration du général Malet, dont il avait été informé le 6 novembre. Il décidera alors de quitter l’armée pour rentrer le plus tôt et le plus vite possible à Paris.

 

6 L’Oblast est une unité administrative correspondant à un territoire correspondant à une division administrative de l’Empire russe, puis de l’Union soviétique. Actuellement, la Fédération de Russie se compose de 89 « sujets » (unités) dont 46 sont des oblasts (portant d’ailleurs le nom de leur capitale et relevant chacun d’un gouverneur).

 

7 Des paladins étaient à l’origine des seigneurs, des pairs relevant de la suite de Charlemagne, mais plus généralement au Moyen-Âge, des chevaliers errants ayant atteint le grade ultime de la Chevalerie comme Roland ou le roi Arthur.

 

 

 

QUELQUES ILLUSTRATIONS

 

 

N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.

Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français

 

 

 

L'un des deux ponts croule déjà sous la masse paniquée

 

 

 

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La panique et les combats désespérés une fois les ponts détruits

 

 

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Hommage contemporain

 

 

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La carte actuelle des Oblasts de la Fédération de russie

 

 

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Des chevaliers paladins

 

 

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Le roi Arthur

 

 

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Mort de Roland à Roncevaux

 


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29/08/2024
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