La palette de Pierre

La palette de Pierre

Vermines

 

 

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" Feu de bivouac "

Illustration originale de Pierre Barjonet - Mai 2024 - 40/30 -

Fusain, pierre noire et pastels gras.

 

N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir

(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)

 

" Esclavage et souffrance " par les Choeurs de l'Armée Rouge à Paris (années 1960)

 

à écouter en lisant le poème

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :

 

N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire

avec un "résumé" de l'épisode en cours :

SOMMAIRE

 

ainsi que la rubrique chronologique :

CHRONOLOGIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vermines

 

 

 

La route immaculée de blanches convulsions

Vient de couvrir de deuil l’indicible agonie

De l’armée qui s’étiole au fil des révulsions,

Et comme un renard blanc campe sa félonie...

 

 

L’homme engendre des loups, des chacals charognards,

Des bêtes sans tribu, des monstres de vengeance.

Héros excommuniés de l’honneur des grognards,

Les voici devenus de misérable engeance.

 

 

Chacun défend sa peau, s’accrochant à sa peur,

Reniant son camarade en volant sa giberne1

Où se cache en trésor du tabac de sapeur,

Quelques Napoléons2 et du thé qui s’hiberne.

 

 

Puis au matin la route égrène un chapelet

De malheureux vaincus par leur nuit de supplice,

Ne pouvant approcher les bivouacs et relais

Que d’autres défendaient souffrant qu’ils se remplissent3.

 

 

Pourtant auprès des feux s’enflamment les tourments

D’engelures glaçant le cœur des misérables,

De vermines4 grattant à sang même en dormant,

De miasmes infectant les faibles vulnérables.

 

 

Les punaises et poux campent chez les vivants

Qui tentent bien parfois de brûler l’uniforme5

En quête d’espérance en tant que survivant,

Malgré leur teint cireux et leur tenue difforme.

 

 

Nicolas a perdu son unité de Corps6 ;

Tous furent abattus, prisonniers des cosaques7.

Il reste auprès de Rose d’un commun accord,

Prévient avec Livreur la portée des attaques.

 

 

Joseph est retenu par son État-major

Quelque part à l’avant, loin de « ses tendres femmes »,

S’inquiète de leur sort, se languit du confort

Quand Rose dérobait des choux loin d’être infâmes.

 

 

Liouba ne parle plus et fixe l’horizon

Bordé de laine blanche aux guirlandes de perles,

Alors que Natacha songe à la guérison

Des femmes violentées par le froid qui déferle.

 

 

 

 

 

Pierre Barjonet

Mars 2024

 

 

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Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET

a/c janvier 2023

Saison 3 « glacial », Poème 6 « Vermines » (Mars 2024)

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le froid précoce d’octobre s’abat sur ces milliers d’hommes et de femmes qui s’épuisent à se suivre sur cette longue route dont la neige et le gel masquent l’horizon. Les chevaux non ferrés glissent et sitôt tombés sont abattus faute de nourriture. Tout homme qui chute sur le talus est immédiatement dépouillé de ses vêtements, de ses bottes surtout, quand il ne s’agit pas de ses hardes. Les fourrures ont déjà disparu, volées bien sûr. Les bagages sont abandonnés, tout comme les rares voitures dont les chevaux, ont disparu, mais les cosaques ramassent et empilent ces butins pris à Moscou pour l’essentiel.

 

Au bivouac, il est impossible de dormir. D’une part, car le froid s’insinue dans le moindre repli de misérables abris, même lorsque le hasard et la chance débusquent une bicoque aussitôt conquise. D’autre part, car il faut garder et protéger sa « citadelle » en fermant le passage à quiconque. Enfin, car la vermine fait des ravages interdisant de fait la moindre couverture, pelisse ou fourrure. Les bivouacs deviennent, hélas, des épreuves supplémentaires redoutables...

 

 

 

 

NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE

 

 

1 Les gibernes sont des boîtes qui conservaient les cartouches des soldats de l’Ancien Régime. Ici, en l’occurrence, elles servaient de cachette à leurs effets les plus précieux.

 

2 Les Napoléons étaient des pièces de monnaie en or valant une somme pouvant être très importante selon leur taux fixé à 10, 20 ou 40 francs or. Ainsi, la pièce de vingt francs or fut la plus frappée, avec pas moins de 13,8 millions d’exemplaires entre 1809 et 1814. Le double Napoléon » est une pièce prestigieuse de 40 francs or qui fut frappée à l’occasion de son sacre, le 2 décembre 1804. La pièce de 20 francs or représentant le jeune général Bonaparte fut créée le 28 mars 1803. Sa valeur actuelle est de 799,00 € pour un poids de 6,45 grammes. 1 Franc 1803 valait en 2006 2,07 €, mais attention à se garder de comparaisons hâtives, car le cours de la vie d’alors n’avait rien à voir avec le nôtre. Ainsi, la moyenne des salaires en 1807 était de 3,35 francs par jour. Une pièce de 20 francs or représentait environ la valeur d’une semaine de travail (14 heures par jour x 6, voire 7 jours). Un pain coûtait 40 centimes la livre à Paris.

 

3 Manquant cruellement de vivres et de fourrage pour les chevaux, les hommes ont faim. Leur faim atroce les conduit à se débarrasser de tous ceux qui sont une bouche à nourrir inutile à leurs yeux, comme les blessés, les agonisants ou les fuyards, les femmes et les enfants aussi ou les anciens plus fragiles. Ils les abandonnent sur place malgré les ordres (c’est le cas des voitures de blessés renversées volontairement ou accidentellement) ou même en les achevant... Quant aux bivouacs, ils sont gardés pour empêcher toute tentative de s’y réfugier afin de ne pas partager sa maigre disette, le peu de bois sec glané, des couvertures et fourrures, et pour éviter aussi les vermines et maladies.

 

4 Comme à chaque fois que des troupes se déplacent en campagne et bivouaquent dans des conditions précaires, s’invitent les maladies, les miasmes et les vermines. Le typhus, par exemple, fut engendré par les poux, et la typhoïde par l’eau.

 

5 L’on a vu des hommes qui, pris de frénésie pour être infectés de vermine, ont tenté de les brûler en s’approchant trop près des feux de camp, voire en s’y précipitant, et qui finirent quasiment nus ou pires, brûlés vifs !

cf. « Les mémoires du sergent Bourgogne ».

 

6 En langage et organisation militaire, un Corps est une unité militaire autonome tel un Corps d’armée.

 

7 Tandis que Koutousov et l’armée russe poursuivaient la Grande-Armée sur la fameuse « route parallèle », les cosaques ne cessaient de harceler les troupes, surtout celles plus ou moins dissoutes, égarées, faites de traînards, de déserteurs sans ordre ni discipline. Dès lors, leur sort était compté et ces pauvres hères se voyaient prisonniers des cosaques dans le meilleur des cas (conduits en esclavage, un peu comme les serfs), battus et laissés pour compte tout nus par -20° ou tout simplement abattus sur place à coups de lances, de sabres ou de haches (les cartouches étaient chères) ...

 

 

QUELQUES ILLUSTRATIONS

 

 

N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.

Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français

 

 

 

Gibernes

 

 

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" Napoléons " : pièces de 20 francs or et de 40 francs or

 

 

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19/05/2024
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