SAISON 6 "Valentine"
Guernica
"Guernica" par Pablo Picasso - 1937 -
"La force du destin" Ouverture - Giuseppe Verdi
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Guernica
Plombant le Champ-de-Mars la Tour lesta ses fers
Apercevant Laurine en secousses de larmes
Quand les canons à eau mouillèrent les enfers
Qu’augurent les bourreaux des peuples qui s’alarment.
Ah que de souvenirs en ce Trocadéro
Blessent au cœur Laurine en songeant à l’époque
Que l’on jurait bénie, portée par des hérauts
Annonçant le progrès du Siècle qu’elle invoque !
Mais entre la fureur de l’aigle revanchard
Et le dieu moissonnant les Soviets en kolkhozes
L’assourdissant Neptune écume sur son char,
Défigurant l’Espagne en bombes qui l’arrosent.
Pablo1 leur a dépeint l’œuvre de ces condors2
Piquant des cieux cruels en aveuglant la ville,
Pétrifiant la douleur de l’enfant qu’on adore
En un fracas sanglant décimant les civils.
Prostré devant sa toile étrangère aux couleurs,
José serre Laurine étreignant son supplice
En lui contant la fin de Manuel en douleur
Et le sort de Nathan de ténèbres complices.
Brisée, Laurine entend le tumulte des jets
S’égouttant dans la mort que vient refléter l’onde,
Puis redressant la tête elle surprend un geai
Nichant au cimetière, à Passy loin du Monde.
Tous deux s’en sont allés, confiant leur « Cœur-de-pain »,
S’éloignant de Paris, léguant à Valentine
Leur amour de la Butte et la joie des copains,
S’embarquant pour Dublin en songeant à Maureen.
La Lande leur sourit dans l’Irlande des lacs
En retraite du bruit qui s’éloigne et se courbe
Aux côtes d’émeraude en chardons qui se laquent
Par le Connemara que réchauffe la tourbe.
Mais le Mont Saint-Patrick aux murets escarpés
Ravive en souvenir Irena que fuguèrent
Les époux assommés par l’exil écharpé,
Condamnés aux regrets quand s’amorça la guerre…
1 Pablo Picasso
2 La Légion Condor (nazie) qui a bombardé Guernica
Pierre Barjonet
Mars 2020
Ainsi se termine la... ma Romance de Laurine.
Elle n'ira plus partager vos écrans ni combler vos heures de confinement, mais
lorsqu'à nouveau vos pas vous transporteront sur ceux de sa génération qui se blottirent auprès d'elle tout contre la Butte et battirent sa légende, là-haut, là-bas, bien avant notre propre destin, alors, peut-être aurez-vous une pensée émue pour...
Laurine
Quant à moi, j'ai eu un vif plaisir à vous faire partager les aventures de mon héroïne traversant la Belle époque et les Années folles au rythme de vos lectures assidues, chaleureuses et si souvent complices.
Je conserverai comme un trésor intime vos innombrables commentaires.
Alors, merci du fond du coeur.
Pierre, ce 14 avril 2020
L'espoir
Photo prise par Gerda Taro
Concerto de Aranjuez - Adagio -
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
L’espoir
L’émotion se répand en étreignant l’espoir
De combattre la haine en lâchant des colombes,
Mais ce fut Alberto1 sculptant le désespoir
Qui façonna l’Horus réincarnant la tombe.
Laurine et ses amis s’en sont venus nombreux
Témoigner leur estime à l’aimée photographe,
La vaillante Gerda2 brisée d’un sort affreux
Au soleil espagnol que ses clichés dégrafent.
L’icône polonaise avait fui les nazis
S’exilant à Paris, écumant Montparnasse,
Captant Robert Capa3 de focale choisie,
Dotée d’un Léica4 n’obturant les menaces.
L’héroïne pionnière armée de liberté
Mitraillait les combats endeuillant les mantilles
Et fixait l’infini d’une noble fierté
En révélant les crimes des sombres Bastilles.
Au son de l’harmonie, mais sans se départir
Du linceul esseulé des villes qu’on bombarde
À Guadalajara, Guernica la martyre,
La foule se soutient tant le Monde s’embarde.
Elle est venue clamer au Mur des Fédérés
Son refus des bourreaux aux croisades brutales
Pressentant que le sort des peuples sidérés
Déborderait l’Espagne en la peur qui s’installe.
Lors, Pablo Neruda chantant la floraison
Des peuples dénonçant les ignobles vermines,
Pleure avec Aragon déclamant l’oraison
De l’ombre de Capa que la mort élimine.
Laurine étreint José, s’imaginant Manuel
Et Nathan recouverts de la terre jalouse,
Ne sachant que penser du partage d’écuelle
Entre les Brigadistes5 et les Andalouses.
Au Salon6 Valentine a rencontré Malraux
Qui noircissait d’espoir la jeune République,
Lui donnant pour levain du pain fait de héros
Partageant l’idéal d’une Europe sans cliques.
1 Alberto Giacometti, sculpteur & peintre renommé
2 Gerda Taro, photographe morte le 25/07/1937 à Brunete en couvrant les combats de la Guerre Civile.
3 Robert Capa, photographe correspondant de guerre et compagnon de Gerda Taro.
4 Appareil photo allemand.
5 Brigades internationales, 6 Le Salon « Cœur-de-pain » de Laurine
Pierre Barjonet
Mars 2020
Volailles
Affiche de propagande
de la Guerre d'Espagne
Chant de la Guerre d'Espagne
"El paso del Ebro" ou "Ay, Carmela"
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Volailles
La chaleur des pavés donne aux lampions du bal
La troublante impression d’ombres qui se déplacent
Recouvrant à midi les mets que l’on déballe
Et passant en revue les tréteaux de la place.
Ce soir on dansera, cédant au palpitant1
De ces « congés payés »2 la liesse populaire
Au Tertre de la Butte, à ce point crépitant
Des volailles rôties, qu’on dirait insulaire.
Valentine et Laurine en plumant les poulets
S’épongent du soleil et se poussent du coude
Quand l’œil du rémouleur se prend à roucouler,
Meulant son compliment aux belles qui le boudent.
Elles rient de bon cœur, repoussant les tourments
D’un Monde qui s’enflamme à l’astre des ténèbres
Des Ligues et Partis de dictateurs gourmands
Découpant l’univers en galette funèbre.
En cette fin juillet, l’illusion du Grand Soir
S’en vient mouiller de larmes le sable des grèves
Des arènes d’Espagne à la Prusse en sautoir
Et du cuir sibérien des bottes loin des rêves.
Regardant Irena jouant avec le duvet
Tapissant la chaussée, leur sourire se fige ;
Un présage mauvais réchauffant l’étuvée
De la guerre en ragoût, brusquement les afflige.
On a su que Manuel avait rejoint Madrid
En moissonnant « 36 » et ses villes taurines,
Alors que Paris chante en cette année torride
« La marquise3 » insouciante, exaspérant Laurine.
José s’écarte seul, pleurant sur l’Aragon,
Et sur les tirailleurs que l’on réquisitionne
Contre Mère-Patrie, transformant en dragons
Ses poilus de quatorze en tueurs que l’on missionne.
La fête bat son plein brocardant rondement
L’ouvrier des faubourgs tatoué de certitudes,
Le bourgeois parisien boursier sans rendement,
D’une époque sombrant sous d’autres latitudes.
1 Le « palpitant » ou le cœur ;
2 salariés bénéficiant des tout nouveaux congés payés de 1936 ;
3 chanson de 1935 « Tout va très bien, madame la marquise »
Pierre Barjonet
Mars 2020
Peluches
Chansons d'enfants : La girafe
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Peluches
La petite frétille en prenant son élan
Pour entraîner sitôt ses parents qui lambinent
Alors qu’ici les cris des lions et des élans
Percent les ouistitis en vrillant leur bobine.
Ah, qu’il est chou, maman, ce gentil petit ours !
Oh, qu’il est beau, papa, ce drôle d’oiseau rose !
Et ces grosses tortues qui vont faire la course
Pour être les premières que le garde arrose !
Comme des lianes tendres s’étirant en grimpant
Ses menottes enserrent le pain des girafes
Pioché dans son panier tout de jaune pimpant
Que Mamine a tressé de rubans et d’agrafes.
Mais soudain la clochette d’un gentil Guignol
Affole les gendarmes nichés aux tilleuls
Et tire du sommeil le chant du rossignol
Déclenchant les bravos des enfants et filleuls.
Irena ne sait plus ce qu’il faut regarder,
Le kiosque et ses chevaux, le jaguar ou les zèbres,
Sa glace qui se rend au soleil sans tarder,
Les tâches sur sa robe ou les pandas célèbres ?
À l’ombre du Rocher dominant tout le Parc,
Mamine lui sourit quand maman la sermonne,
Redresse son chapeau, ses nattes qu’on remarque,
Et l’invite à rincer ses mains qu’elle savonne.
Un perroquet savant qui se penche coquet,
Vers l’enfant qui le singe en grimaces friponnes
Lui fait don d’une plume à donner le hoquet
Quand imitant Mamine, à son nez se pomponne.
Puis elle a vu le loup au détour d’un chemin,
Ne souffrant nulle peur de ses vilains yeux jaunes,
Blottie contre José, serrant trop fort sa main,
Mais piaillant de fierté en désertant la faune.
Le soir en s’endormant, elle rêve du zoo
En caressant nounours, lui soufflant à l’oreille
Qu’elle l’aime encore plus depuis que son museau
Lui a fait un bisou qui s’envole en sommeil.
Pierre Barjonet
Février 2020
Mamine
"La victoire est à nous" Musique militaire d'Empire
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Mamine
Valentine s’amuse au goûter d’Irena
Léchant le chocolat recouvrant ses mimines
Puis mouillant un bisou de sucre qu’égrena
Son élan malicieux vers le cou de Mamine.
Laurine est sa Mamine aux parfums épatants
De croissants briochés, de bonbons et sucettes,
De délicieux trésors tentant le cœur battant
Du regard d’Irena débordant ses fossettes.
Valentine repart en chantant son bonheur,
Sculpté dans ce décor d’amour et belle ouvrage
En l’habile projet de petits ramoneurs
Escaladant le marbre en statue de courage.
Iréna se fait fort d’éblouir les garçons
Du haut de ses quatre ans qu’elle clame, enfin presque,
Distribuant à l’envi de ces petits oursons
Décollés du chaudron si profond, gigantesque !
Elle donne la main, dévorant son faubourg,
Dédaignant sa poussette en se hissant bien fière
Au-devant de Mamine, avec son beau tambour
Offert à la « Maison d’aigles » qui nidifièrent.
C’est là que le monsieur joue aux petits soldats,
Oui c’est vrai, commandant, que Mamine l’appelle,
Mais sa maison fait peur avec son blanc dada,
Et l’épée, les chapeaux d’Em-pe-reur qu’elle épelle.
Puis elle dit bonjour aux passants de la rue,
Et merci tout sourire aux marchandes charmées
D’offrir un sucre d’orge à la jolie recrue
Arborant son tambour en parade d’armée.
Au marché du parvis, elle goûte au raisin
Qu’elle crache aussitôt préférant les myrtilles
D’une tarte à Mamine au goûter des voisins,
Et surtout les tartines du miel qui scintille.
Reposant son panier et ses grappes de fruits,
Mamine hypnotisée servant sa limonade,
Se berce d’Irena qui frétille du bruit
Des bulles qui pétillent à la cantonade.
Pierre Barjonet
Février 2020
Irena
Brahms "Berceuse" (piano)
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Irena
Au bord de l’asphyxie, Valentine a souri
Tentant d’apercevoir le cœur de sa tendresse
Qui vient de s’éveiller à l’aurore nourrie
D’un amour plein d’espoir de parents en détresse.
On leur avait prédit que leur bébé secret
Conçu sans sacrements en vogue libérale
Serait accompagné de défauts peu discrets
Tourmentant sa famille en crainte viscérale.
Du reste l’aventure au Caucase glacé
N’avait-elle déjà fragilisé sa mère
Emportant en son sein les miasmes déglacés
Du chaudron de l’Orient et de sa trace amère ?
Mais Irena surgit en aspirant la vie,
Palpitant de bonheur au Monde qu’elle goûte,
Espiègle d’un sourire à talocher d’envie
Les commères privées d’un plaisir qui dégoûte.
Plongeant dans son regard bleuté d’un jour nouveau
Laurine s’enamoure en chantant des berceuses,
Caressant le berceau sculpté de blancs chevaux
Que Nicolas coupla d’un tulle de danseuses.
Pourtant la ville tremble en vile collusion
De bourse américaine aux profits sans méfiance
Sombrant dans la folie se berçant d’illusions
D’enfanter des profits volés sur la confiance.
En automne à Montmartre, Irena voit le jour,
En octobre à Wall Street, le Monde se suicide,
Et la misère infâme affame à contre-jour
Les nantis de la veille aux banques fratricides.
Laurine préservée des croisades sans Krak*
N’a jamais escompté sur le gain de miracles
Et son argent doré ne sombre dans le krach**
Mais multiplie les pains atténuant la débâcle.
Elle a voilé de rose l’odieux « jeudi noir »
Aidant des sans-abri et chômeurs en déprime
De soupe populaire offerte au promenoir
Du prieuré voisin par les dons qu’elle exprime.
* Le Krak des chevaliers,
** le krach boursier de 1929
Pierre Barjonet
Février 2020
Maharadjah
"Orient Express" Dixie E. Morricone
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Maharadjah
Valentine grelotte en fixant le cristal
Des nymphes trop lascives que voile le givre
Paralysant la voie de ce train qui s’installe
Dans l’attente frileuse en voitures sans vivres.
Le palace sur rails a cessé de souffler
Ses entrailles de feu, prisonnier des congères,
Vaincu par le blizzard, honteux du camouflet
Qui l’endort en Orient dans la soie mensongère.
Laurine et Valentine en retour d’Istanbul,
Invitées de Lalique en veine de naïades
Que la Belle a sculptées en décors que chamboule
Le verglas sur les rails, redoutent leur noyade.
Les parois lambrissées de ronce d’acajou
Du restaurant réduit à des portions congrues
Se parent du reflet des visages sans joues
Maquillés de pâleur et jurons incongrus.
Une princesse russe a troqué ses diamants
Contre des œufs voisins de rustres du Caucase,
Et le Maharadjah s’est enquis bruyamment
D’acquérir à prix d’or des fourrures d’occase.
Pour couvrir son harem étourdi de frissons,
Il a déshabillé les étoles sur place
Offrant de réchauffer l’attente à l’unisson
De rubis et loukoums faisant fondre la glace.
S’équipant pour la chasse, ils ont traqué les loups,
Broyant leur hurlement jusqu’à Constantinople
En laquant de leur sang la brume encore floue
Du linceul affamé d’un festin andrinople*.
Il a fallu six jours pour redorer le temps
Après que des servants venant à la rescousse
Du convoi s’étirant comme un arc qui se tend,
Ciblent enfin l’écho du luxe des secousses.
Laurine a protégé Valentine du froid
La sentant submergée de langueur de princesse,
La couvrant d’un vison, détournant son effroi
Quand elle a deviné son état de grossesse.
* De couleur rouge
Pierre Barjonet
Janvier 2020
Clarée
" Crépuscule Alpin "
Huile sur toile 20P Janvier 2020 Pierre Barjonet
Lien vers l'original : ICI
" Bella Ciao " par Yves Montand
N.B : Cette chanson remise à la mode par une série TV récente...
est en fait un chant patriotique italien de partisans engagés contre les allemands durant la seconde guerre mondiale
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Je dédie ce poème à Émilie Carles, en hommage à l'institutrice courageuse éprise de paix, de tolérance et de fierté pour les traditions paysannes.
Clarée
Valentine est songeuse en revoyant Nathan
Fuyant pour le Queyras, ivre de ses montagnes,
S’accrochant à Manuel, s’agrippant, se hâtant,
Ployant sous le fardeau d’un Monde sans castagne.
C’est qu’ils l’ont cogité leur circuit transalpin
Rejoignant au Piémont des copains libertaires,
Portant livres reliés par l’espoir cisalpin
De vivre enfin sans Dieux ni maîtres sur la terre.
Laurine est affolée, José fort dépité.
À force de trinquer en furieux camarades
Ces deux-là finiraient par faire crépiter
La poudre du destin qui s’enflamme et parade.
Mais la neige a bloqué les cols de Briançon,
Et les voici longeant la Clarée vers Nevache,
Délaissant La-Monta, puis taisant leurs chansons
A l’approche d’un bourg, Val-des-Près et ses vaches.
Le pinceau de la nuit surgissant des sommets
Déteint dans la vallée givrant d’ombre les hommes,
Mais la cloche d’école est la lueur qui promet
Aux passants sans logis du pain puis de la tomme.
Émilie les a vus courbés, échevelés,
Interrompant sa classe en grattant la fenêtre,
Puis les a précédés au chemin nivelé
Jusqu’à son corps de ferme en l’étable au bien-être.
Ils se sont réchauffés de ce don d’amitié,
De la simplicité d’une soupe frugale
Et se sont étonnés que leurs inimitiés
S’accordent contre ceux d’un régime inégal.
Mademoiselle a dit sa vallée, son ardeur,
Le regain du labeur épuisé par la guerre,
Son enfance assombrie de mort et de laideur,
Puis a conté Paris et ses âmes vulgaires.
Alors ils sont restés s’essayant à trimer
En partageant sa foi pour l’école laïque,
Barricadant l’espoir d’univers non brimé
En tapissant leur vie d’azur en mosaïque.
Pierre Barjonet
Janvier 2020
Jeux
Musique du film "Les Chariots de feu" Vangelis
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Compte tenu de la double programmation des Jeux Olympiques de 1924 en France, ce poème porte à dix ses strophes contre neuf habituellement
Jeux
« Petits gredins, fripons ! » tance-t-elle aux enfants.
Laurine a bien failli briser leur trajectoire
Croisant rue Foyatier ces garnements piaffants
Avant que d’enfourcher leur luge de victoire…
La neige a verglacé la Butte aux escaliers
Leur donnant l’illusion d’être aux Jeux Olympiques
En cette année vingt-quatre ouvrant comme un palier
Les premiers Jeux d’Hiver déteignant rue Lepic.
Le tremplin de leurs jeux vient réveiller les cris
Des passants affolés par ces poulbots des neiges,
Multipliant les sauts des candidats inscrits
À risquer leur honneur en ce furieux manège.
La craie des tableaux noirs a pointé Chamonix
Accompagnant les yeux d’écoliers qui n’écartent
Les Alpes de Nathan, Maître en cérémonie
Racontant son Mont-Blanc, le soir sur sa pancarte.
Puis glissant au printemps vers les Jeux de Paris
Les petits de Montmartre, embobinant Colombes,
S’amusent aux gradins de l’audacieux pari
Visant à resquiller avant qu’il soit six plombes.
Incroyables moments couvrant leurs rêves fous
D’aller « plus vite » encore au « plus haut », toujours svelte,
Imitant leur héros, ce nageur dans le coup,
Que l’on dirait singeant les dauphins des baies Celtes.
Et la piste cendrée rougit encore au feu
D’Abrahams et Liddell couvrant leur foi fidèle
De leur ferveur d’athlète au « plus fort » de ces Jeux,
Accomplissant l’exploit de courir en modèle.
Laurine a pressenti les besoins d’un levain
S’enthousiasmant du sport en vagues populaires.
José lui a construit en compagnon devin
Un chalet réservé presque protocolaire.
À « l’Olympic-City » repoussant les forains,
Laurine et Valentine emballent des galettes
Et des gâteaux glacés ou des biscuits lorrains,
Des berlingots lustrés et des pains en palette.
En ce soir de juillet, Coubertin le Baron,
L’admirable inventeur des Jeux du sport moderne,
Enflamme le public croquant des macarons
Aux couleurs des anneaux d’une gloire non terne.
Pierre Barjonet
Janvier 2020
Violon
"April in Paris" Black Jazz
INFORMATIONS & DOCUMENTS ORIGINAUX UNIQUES
"SOMMAIRE" et "REPÈRES CHRONOLOGIQUES" Il suffit de cliquer dans les liens de ce bandeau ou dans l'onglet LA ROMANCE DE LAURINE du bandeau vertical droite, puis dans le sous-onglet correspondant.
Violon
L’archet de Valentine aime les vibrations
Portant l’écho mongol des crinières des steppes
Crissant au vent cinglant ses élucubrations
Couvrant le récital des bourdons et des guêpes.
Rejoignant les soirées d’un cabaret de jazz,
Elle arme son violon bravant les clarinettes,
Trombones et saxos s’accordant tant qu’on jase
Sur son amie « Kiki », la reine des minettes.
« La sculpture est un art qui se joue de concert
Avec celui des corps déhanchant la biguine »,
Souligne Valentine aux danseurs qu’annoncèrent
Trompettes et clameurs en fanfare sanguine !
Soudain la piste laisse à kiki les tiroirs
Des nuits de Montparnasse en livrée de bravades
Terrassant en œillades le tain des miroirs,
De l’anse coloniale aux allures de rade.
S’ouvrant d’un paravent bruissant d’inclinaison
Pour ces fleurs de pavot, de liqueur ou d’absinthe,
L’actrice sort du bois, goûtant aux fenaisons
Des herbes élancées parfumées de jacinthes.
La Reine du « Bal nègre » envoûte son public
Enivré du parfum des photos à scandale
Déshabillant sans pause et pudeur bien obliques
Sa cambrure qui pose en nudité vandale.
Man Ray l’a transformée, celle qui but d’instinct
La vie d’un grand amour dans le carmin bohème
Des lèvres du plaisir faisant fi du destin ;
Surréaliste enfant, s’offrant comme un poème !
Libre était sa raison de chanter ou poser
En turban, toute nue, de compter sur son ouïe
Sondant la folle époque où son dos transposé
Se berça d’un violon fendu de noires ouïes.
Valentine n’a d’yeux que pour le chevalet
De son violon raccord à la photo céleste
Révélée par le bain d’un peintre sans valet
Plongeant dans l’harmonie des courbures bien lestes.
Pierre Barjonet
Décembre 2019