Bûchers
" Fournaise "
Illustration originale de Pierre Barjonet - Septembre 2024 - 40/30 -
Sanguine, fusain et pastel gras
N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir
(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)
John Williams (musique du film, au piano) " La liste de Schindler "
à écouter en lisant le poème
Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :
N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire
avec un "résumé" de l'épisode en cours :
ainsi que la rubrique chronologique :
Bûchers
La colonne progresse enflée de détenus1
Que des cosaques fous, ivres de leur violence,
Achèvent en riant sans nulle retenue,
Réduisant les captifs à sombrer d’indolence.
Joseph est saturé de cette cruauté
D’acharnement féroce à cogner les plus faibles ;
Surtout au petit jour quand sur le bas-côté
Des hommes sont dressés aussi droits que des règles2.
La plupart ne sont plus, changés en glaciers bleus
Qui fondront doucement au rythme des crevasses
De leurs corps chancelants, qui s’ouvriront parbleu,
Quand la pluie reviendra, tombant tiède et vivace !
À moins que les gardiens ne les taillent en deux,
Fendant d’un son trop clair la glace de leurs jambes,
Alimentant de flammes leurs brasiers hideux3,
Préférant aux tranchées la joie de ce qui flambe.
Quand ils secouent les morts, les détachant du sol,
Ils brisent ce qu’il reste de leurs os de verre3
Et moquent leur trépas mimant en farandole
La ronde de leurs yeux se soudant dans l’hiver.
De son côté l’Empereur fait route vers Paris
Et dicte son Bulletin décrivant le désastre4,
Accusant l’hiver russe et tout ce qu’il charrie
D’avoir alors éteint la clarté de son astre.
Des ordres sont donnés pour brûler les fourgons,
Les aigles des drapeaux et même sa vaisselle5.
On nourrit les bûchers de butins par wagons,
Et sous un froid glacial, leurs cendres s’amoncellent...
Bien plus loin, Nicolas, fougueux comme un cabri,
Réchauffe d’escarbilles sa sœur et sa mère6,
Inhalant des fumées le goût de leur abri,
Se consolant, enfin, de leur retraite amère.
Natacha s’est pincée de balalaïka7
Trouvée sur un chemin dans une fondrière.
La voici fredonnant un chant de troïka8
S’accompagnant d’accords en guise de prière.
Pierre Barjonet
Mai 2024
Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET
a/c janvier 2023
Saison 4 « Féroce », Poème 5 « Bûcher » (Mai 2024)
C’est dans la nuit du 5 décembre et dans le plus grand secret que Napoléon 1er décida de quitter la Grande-Armée pour rejoindre Paris au plus vite, juste après avoir dicté le 29e bulletin de la Grande-Armée (voir note 4). Après avoir confié le commandement de ce qu’il restait des armées au maréchal Joachim Murat assisté du prince Eugène (beau-fils de l’empereur), il file, juste accompagné de quelques hommes : Armand de Caulaincourt, Géraud-Christophe Duroc, le comte de Lobau, Agathon Fain et son fidèle Constant. Voyageant très léger en berline et traîneau, il traversera la Pologne puis l’Allemagne et arrivera à Paris le 18 décembre. De leur côté, Murat puis Eugène parviendront à sauver le Grande-Armée de son anéantissement.
NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE
1 Malgré les plus de 200.000 morts, sans compter les blessés vite achevés ou laissés déshabillés nus dans la neige (...), les Russes et les cosaques firent de très nombreux prisonniers parmi les troupes de la Grande-Armée. Il est difficile d’estimer avec précision les chiffres selon que l’on compte les troupes alliées, les morts de maladie, les déserteurs, etc. On estime néanmoins à 190.000 prisonniers français faits par les Russes auxquels s’ajoutent 50.000 disparus, 130.000 soldats qui abandonnèrent ce qu’il restait de la Grande-Armée durant la retraite et près de 60.000 d’entre eux qui se réfugièrent chez des paysans, bourgeois et nobles russes.
2 Les colonnes de prisonniers étaient victimes du froid, de la faim, de la soif et surtout des incessants sévices de leurs gardiens qui se comportaient comme de véritables bourreaux. Les malheureux marchaient en faisant sonner leurs pieds gelés ! Épuisés, ils s’arcboutaient sur leur canne de bois de bouleau, car s’ils tombaient ils étaient perdus puis dévorés par des loups et des chiens errants. Le matin, ceux qui s’étaient endormis pour leur dernier sommeil restaient là, « plantés tels des piquets » dans le sol gelé, balisant comme autant de sinistres pieux la route vers la Sibérie...
3 Comme déjà dit, les bourreaux n’hésitaient pas à se servir des corps des malheureux dont ils brisaient les os comme du verre en les arrachant de leur gangue de glace pour alimenter de sinistres bûchers... En principe, il s’agissait de faire disparaître les corps impossibles à enterrer du fait d’un sol gelé trop dur, et de faire disparaître du même coup, les miasmes de maladies contagieuses, mais dans bien des cas, certains hommes étaient jetés encore vivants dans les brasiers ! Plusieurs témoignages de survivants en attestent, ainsi que des ouvrages comme celui de Jost-Jean Etienne Roy « Les Français en Russie ».
4 Le fameux 29e Bulletin de la Grande-Armée fit enfin état de la situation catastrophique et désespérée de la Grande-Armée. Napoléon se résolut à le dicter le 3 décembre 1812 à Maladzetchna en Biélorussie, juste avant de quitter son armée pour rejoindre Paris où la situation de crise (cf. l’affaire du coup d’État manqué du général Mallet) le préoccupait. Il fut publié le 17 décembre dans le « Moniteur universel », et eut aussitôt un retentissement international.
5 J’évoque l’ordre de brûler drapeaux et aigles dans mon poème précédent « Proies » ; ordre qui fut donné le 29 novembre et non comme ici, en décembre, pour raison d’adaptation romancée.
6 Dans ma saga, comme déjà dit, dans les notes accompagnant mon poème « Trésor », Natacha, âgée de douze ans, est « la sœur d’adoption » de Nicolas (12 ans également) par Liouba. Liouba les a donc « adoptés » tous les deux, les conduisant à travers plaines et forêts, sans oublier leur ange gardien : le chien-loup Livreur.
7 La balalaïka est un instrument à cordes traditionnel russe. De forme triangulaire, en bois, il offre un jeu à trois cordes pincées donnant des sortes de trémolos caractéristiques. Elle est souvent accompagnée de guitare et d’accordéon.
Je vous joins une chanson du folklore russe, devenue patriotique (dernière guerre mondiale) « Katioucha » (qui signifie Ekaterina, donc Catherine) chantée, non pas par l’armée rouge comme traditionnellement, mais par un groupe actuel de jeunes filles pétillantes de joie : le groupe de chant « Beloe Zlato » s’accompagnant d’une balalaïka :
https://www.youtube.com/watch?v=aRPllT954t0
En voilà une autre, « Valenki » jouée divinement par une interprète de 7 ans (en 2019), Anastasia Tiurina (en russe Анастасия Тюрина ) accompagnée d’orchestre :
https://www.youtube.com/watch?v=UAfuMol1e-0
Et voici Anastasia Tiurina aujourd’hui, avec un ensemble de danses folkloriques :
https://www.youtube.com/watch?v=4mlX-PIZVvg
8 Je vous ai déjà mis ce chant « Filait la troïka rapide » interprété par Yvan Rebroff dans mon poème « L’estafette ».
Le voici cette fois, interprété par la basse russe Anton Diakov :
https://youtu.be/yGup6cVi7yY?t=3
QUELQUES ILLUSTRATIONS
N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.
Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français
Le 29è Bulletin de la Grande-Armée
Le Moniteur Universel
La lecture du bulletin avec la progression de la Grande-Armée sur une carte
Brûlage des drapeaux sur ordre de Napoléon
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