Hivernale
Hivernale
Il s’invente en hiver ce repas de douceurs
Laissant percer le froid sous son tricot vétuste,
Et froissant leur papier aux taches de rousseur
Il change ses marrons en un festin de juste.
La bourrasque jaillit faisant trembler ses mains
Qui pourtant se cramponnent au miel des châtaignes
Excitant le fumet d’un ciel sans lendemain
Lui donnant quelque espoir avant qu’il ne s’éteigne.
Les rues se sont vidées en précédant le gel
Et la foule a glissé vers de chaudes demeures
Ignorant l’inconnu blotti sous la margelle
Du puits sans fond qui fuit sa vie de vieux chômeur.
Là-bas il se souvient des Noëls d’autrefois
Des enfants si joyeux, de la tablée parfaite,
Du feu qui ravivait le bonheur d’avoir foi
En l’avenir radieux portant l’habit de fête.
La neige se poudrait, éclaboussant la nuit
D’un tourbillon festif se maquillant de perles
Et d’étoiles nacrées irisées sans ennui
Recouvrant d’allégresse un plaisir qui déferle.
Et le matin suivant luisaient dans la splendeur
Du givre dessinant des anges aux fenêtres,
Des glaçons dégrossis d’innocente candeur
Et des sons cotonneux dans le frais qui pénètre.
Par vagues son chagrin se souvient du brandy
Qui stimulait son cœur avant de le détruire
En congères grisées aux nappes d’organdi
Altérant son propos qu’on ne saurait traduire.
Mais les goûteux marrons qui fondent sous sa peau
Lui rappellent l’ivresse des baisers rebelles
De sa maîtresse auburn adorant les chapeaux
Pour se piquer au jeu des flocons et des belles.
Éventant le fardeau du sans-abri blafard,
La bise a dessiné dans cette nuit sans lune
Un jardin de cristal ultime et sans cafard
Gommant l’ombre gelée de sa triste infortune.
Pierre Barjonet
Septembre 2022
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