La palette de Pierre

La palette de Pierre

Naufrage

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" Non ! "

Illustration originale de Pierre Barjonet - Mai 2024 - 40/30 -

Sanguine et pastels gras.

 

N.B. Cliquer sur la photo pour l'agrandir

(comme d'ailleurs, pour toutes les illustrations)

 

 

Joan Baez " The water is wide " (l'eau est profonde)

Ballade traditionnelle irlandaise d'origine écossaise, de marins

 

à écouter en lisant le poème ou séparément (paroles en anglais)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conseils pour mieux suivre le déroulement de votre saga :

 

N'oubliez-pas de visiter la rubrique du sommaire

avec un "résumé" de l'épisode en cours :

SOMMAIRE

 

ainsi que la rubrique chronologique :

CHRONOLOGIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Naufrage

 

 

 

 

Les bourrasques de neige ensevelissent tout :

Les chevaux pris d’écume et les soldats par vagues,

L’horizon qui piétine en recrachant sa toux,

L'armée qui fait naufrage et son chef qui divague.

 

 

Au cœur du tourbillon déferlant de douleurs

Manon la blanchisseuse accouche en ses souffrances1,

Et son petiot flétri sous des cieux sans couleurs

Fige son premier cri, gelant son apparence.

 

 

Rose s’est démenée pour frictionner l’enfant,

Calmer sa faible mère ancrée dans son étreinte,

Tandis que Nicolas au profil triomphant

L’emmitoufle sitôt sans aucune contrainte.

 

 

Lors, Natacha revient de sa quête au hameau2

Brandissant une jatte au lait tiré de chèvres.

Et le mari flatté rassemble des rameaux

Qu’il flambe en maudissant l’absence de genièvre3.

 

 

 La colonne appareille écourtant son séjour,

En naviguant à vue des pirates et spectres,

En piètres galériens qui souquent chaque jour,

Délaissant leurs butins et le masque d’Électre4...

 

 

Soudain près d'un étang, deux démons des enfers

S’écartent du cheval qui leur servait de gîte.

Barbouillés de son sang détrempant l’atmosphère,

Ils lèchent les lambeaux du foie qu’ils régurgitent5.

 

 

Discrète, Natacha fait passer à Manon

Quatre pommes de terre6 enveloppées de brume,

Qui les plonge aussitôt dans le fût d’un canon

Près du berceau fixé sur son affût7 de grume8.

 

 

Mais la voici qui hurle en secouant son petit,

Plus dur qu’un pieu de bois, tout sec et bleu de neige9.

Son père s’en saisit, bruissant du cliquetis

Des chaînes du canon vrillant comme un manège.

 

 

Pleurant devant l'abîme de leur coeur en croix,

Il songe que la mort sera leur délivrance.

Et Liouba d'enlacer Manon qui n’a plus froid,

Se traînant à jamais en vaine indifférence...

 

 

 

 

 

Pierre Barjonet

Avril 2024

 

 

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Saga poétique romancée « Le carnet gelé » créée par Pierre BARJONET

a/c janvier 2023

Saison 3 « glacial », Poème 7 « Naufrage » (Avril 2024)

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En ce début novembre 1812, la température a passé les moins vingt degrés sous zéro. Le froid accompagné de neige et de vent est terrible. Sans vivres ou presque, devant se traîner dans ces plaines interminables en s’enfonçant dans la neige, l’épreuve devient quasiment insurmontable, même pour ces héros des campagnes napoléoniennes pendant plus de dix ans. À la limite, les combats incessants contre les hordes de cosaques qui les talonnent leur permettent de retrouver le moral en « se réchauffant un peu » ...

 

Voilà ce qu’en disait le sergent Bourgogne, témoin survivant de la retraite de Russie* :

« Ce jour-là, qui était le 6 novembre, il faisait un brouillard à ne pas y voir, et un froid de plus de vingt-deux degrés ; nos lèvres se collaient, l'intérieur du nez, ou plutôt le cerveau se glaçait ; il semblait que l'on marchait au milieu d'une atmosphère de glace. La neige, pendant tout le jour, et par un vent extraordinaire, tomba par flocons, gros comme personne ne les avait jamais vus ; non seulement l'on ne voyait plus le ciel, mais ceux qui marchaient devant nous. »

*Mémoires du Sergent Bourgogne (1812-1813) (French Édition) (p. 77). Édition du Kindle.

 

L’épisode tragique de la cantinière qui accoucha d’un bébé, mort de froid très peu de temps après, est authentique (voir notes ci-après), et témoigne à lui seul de la situation inimaginable de ces survivants de la Grande-Armée.

 

Le 6 novembre, Napoléon apprend par une estafette « arrivant à franc étrier** » que le général Malet venait de mener une conspiration à Paris pour renverser l’Empereur. Napoléon décida aussitôt de tout faire pour entrer le plus vite possible à Paris.

**Galoper à vive allure sur une longue distance de plusieurs lieues sans quitter la selle durant les relais de poste.

 

 

 

NOTES DE LECTURE ET DE SITUATION HISTORIQUE

 

 

1 Ce triste épisode d’une femme accouchant durant la retraite de Russie, rapporté par plusieurs témoins, est authentique. En fait, il s’agissait d’une cantinière, la mère Dubois, mariée à un barbier de la Compagnie du sergent Bourgogne, qui mit au monde un gros garçon au soir du 5 novembre. Le colonel fit tout pour faciliter l’accouchement, notamment par les soins portés par le chirurgien de la troupe. Inutile de dire que ses souffrances furent terribles dans ces conditions extrêmes : accouchant dehors, au bivouac, par -20°.

 

2 N’oublions pas que Natacha, âgée de 12 ans (comme Nicolas) est Russe (voir mon poème « L’océan »). Et même si la route du retour de la Grande-Armée, déjà dévastée par elle à l’aller, avec en outre la politique russe de la « terre brûlée », n’offrait plus rien aux troupes, surtout pour celles de l’arrière-garde, il n’en demeure pas moins que les moujiks (paysans) savaient cacher quelques vivres. Ainsi, Natacha, leur contant son drame, obtint du lait (dans ma saga, bien sûr).

 

3 L’eau-de-vie de genièvre devint d’une rareté hors de prix, sans parler qu’elle était réservée aux « ambulances ».

 

4 Référence ici, à la troupe de théâtre évoquée à plusieurs reprises dans ma saga.

 

5 Autre épisode véridique de la retraite, comme d’ailleurs il s’en produisait tous les jours. Mais ici, il s’agit d’une femme de colonel aperçue le 10 novembre par le docteur Larrey (le grand chirurgien), qui s’extirpa du ventre d’un cheval qu’elle dévorait à pleines dents, n’ayant pas de couteau. Elle portait une pelisse de martre et de satin blanc... devenue rouge !

 

6 Les pommes de terre rendaient fou quand on pouvait s’en procurer. Les hommes les mangeaient crues, craignant de se les faire voler. Le sergent Bourgogne raconte un épisode où il avait réussi à en avoir, mais quand il voulut les manger sur la route, celles-ci étaient congelées, donc impossible à dégeler sauf à les changer au feu aussitôt en farine...

 

7 L’affût d’un canon est son support fait de bois et d’assemblages en métal.

 

8 Tronc d’arbre abattu, ébranché, mais encore couvert d’écorce, fixé à l’affût du canon dans mon poème, pour servir de berceau.

 

9 Épisode véridique comme déjà dit, que celui de la malheureuse mère Dubois, qui perdit son bébé quelques jours plus tard. Voulant l’allaiter, elle le découvrit raide mort de froid. Un sapeur se chargea de creuser sa tombe en bord de route avec sa hache, tandis que son père à genoux, fataliste, disait ses prières.

 

 

 

QUELQUES ILLUSTRATIONS

 

 

N.B. Photos tirées en partie du site " Russia Beyond " qui retrace entre autres, et à mon avis de façon fort objective, l'histoire de la Russie.

Voir le site en suivant ce lien : Russia Beyond français

 

 

 

La longue marche...

 

 

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Le général Claude-François de Malet

 

 

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et son exécution...

 

 

Malet

 

 

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02/06/2024
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