Saison 6 Lumière
Honneur
Musique militaire du 1er Empire " La victoire est à nous "
Bonjour mes très fidèles, chères et chers amis,
Ce n'est pas sans émotion que je vous offre ici le dernier numéro de ma deuxième fresque poétique (après celle de Laurine) : " La passion d'Antonin " constituée de 6 saisons de 10 poèmes de 9 strophes en vers alexandrins.
J'ai vu à travers vos précieux commentaires combien vous avez adhéré aux aventures de nos chers héros se déroulant tout autant au XIXème qu'au XXème siècles, et je n'ai guère de mots pour vous en remercier chaleureusement !
Je suis triste de devoir maintenant laisser à la mémoire du grand sablier ce feuilleton romancé de la petite histoire dans la Grande doublée d'un écho sur deux siècles différents.
Mais cela fait déjà un moment que je songe à ma prochaine saga : " Le carnet gelé " qui elle, se déroulera au début du XIXème (sur une seule époque) durant la Campagne de Russie de Napoléon 1er. Et vous pouvez m'en croire, les surprises ne manquerons pas !
À la différence de mes deux sagas terminées, cette prochaine romance ne comportera pas de lexique afférent, mais des notes " de bas de page " plus complètes, assorties d'illustrations et parfois de mes propres peintures ou dessins.
Adieu Iréna, Florence, Valentine, Antonin, Anne, Elen, Jean, Louis et tant d'autres...
Bienvenue à Nicolas, Rose, Joseph et tous les autres !
Avec toute ma reconnaissance,
Pierre
14/02/2023
Rappel, n'oubliez-pas de visiter la rubrique LEXIQUE
donnant des précisions indispensables de vocabulaire, sites et dates historiques :
Lexique Antonin, Saison 6, Episode 10, Honneur
ainsi que la rubrique SOMMAIRE avec un "résumé"
Sommaire de La passion d'Antonin
et la rubrique CHRONOLOGIE
Honneur
Le printemps se souvient qu’en cette fin de mai,
Honorant Valentine1 : « En vertu de l’Histoire,
Pour ses ciseaux sculptant les morts à tout jamais
De quatorze à dix-huit en une œuvre notoire1,
Pour son combat discret vêtu d’humanité,
De culture en soutien soulageant les victimes,
S’associant chaque fois loin des mondanités
Aux artistes, poètes, écrivains d’estime...2 »
Le tout nouveau ministre3 en veine de cet art
Qui donne à la Culture un goût de République,
Lui rend enfin justice en ornant un peu tard
Son tailleur de la croix, sur la place publique.
« Antonin serait fier », ne put que chuchoter
Irena qui songea, non sans mélancolie
À leur périple anglais, faisant se pivoter
Florence toussotant, mais sans être impolie.
Édouard les regardait, l’air de n’y point songer,
Tirant sur sa moustache au bras de la Baronne4,
La charmante Evelyn, ravie de prolonger
Leur séjour parisien d’un rythme qu’éperonnent
Les visites soignées des faubourgs du Marais5,
Les hauteurs de Montmartre aux ateliers d’artistes6,
Les curieux bouquinistes entre deux arrêts
À Notre-Dame, au Louvre, et l’Arc bonapartiste7.
Un frisson parcourut la digne réunion
Quand le ministre3 enfin, rappela l’origine :
« De l’enquête menée comme une communion
Par Irena sa fille et « sa chère frangine »8,
Sur les traces passées d’un Maître Compagnons,
Vitrailliste célèbre ainsi que son épouse
Dans la France profonde ; en quoi nous témoignons
De l’art de leurs vitraux que l’Europe jalouse
Ainsi qu’en Angleterre, et depuis Victoria ! ».
Pour ses quatre-vingts ans, Valentine s’évade
Au dix-neuvième siècle en art qui coloria
La passion d’un métier en amour sans façade.
FIN
1 Souvenez-vous : Valentine que rencontra mon héroïne Laurine (voir ma saga : « La romance de Laurine ») alors qu’elle n’avait que 18 ans en 1919, sculptait en tant que « statuaire » des monuments aux morts rendant hommage dès la fin de la Grande Guerre de 14/18 à toutes ses victimes. J’ai mentionné à diverses reprises Valentine dans ma saga présente « La passion d’Antonin », épisodes « Chaume, Sécheresse, Moisson, Windsor ». Pour mémoire, Valentine est la mère d’Iréna (née en 1929 de Valentine et de Nicolas). Valentine a donc 80 ans en mai 1981 dans le présent poème « Honneur » et Iréna aura 52 ans en octobre 1981.
Voir la saison 6 de La romance de Laurine : « Valentine » Épisode 1 : ICI
2 Valentine a connu bien des artistes et des écrivains célèbres, auprès de sa mère ainsi que par son activité de sculptrice et de violoniste, tels par exemple : Picasso, René Lalique, Colette, Marcel Proust ou même en cabaret Kiki de Montparnasse (toujours dans ma saga de La romance de Laurine).
3 Il s’agit de Jack Lang, ministre de la Culture de François Mitterrand qui vient d’être élu Président de la République française le 10 mai 1981, mais naturellement, il ne s’agit ici dans mon poème que d’une pure fiction !
4 Lord Édouard et Lady Evelyn sont les descendants d’Antonin et d’Anne, Baron et Baronne de Scutari, possédant toujours la baronnie « Green House » à Fordwich, dans le Kent anglais. Ils ont acquis, par accord exceptionnel, la double nationalité britannique et française. Ils figurent ici, dans mon poème « honneur » comme invités de marque auprès de son excellence l’ambassadeur de Grande-Bretagne conjointement avec le ministre de la Culture français, pour la cérémonie de remise des insignes de Chevalier de la Légion d’honneur à Valentine, sur l’esplanade du Carrousel à Paris.
5 Valentine loge dans le Marais et y possède toujours avec son mari Nicolas, leur atelier conjoint de sculpture.
N.B. Voir mon poème « Chaume » : ICI
6 Montmartre et ses artistes, en référence à ma saga précédente :
« La romance de Laurine » : ICI
7 Il s’agit là, de l’arc de triomphe du Carrousel que j’évoque dans mon petit lexique correspondant.
8 Florence, bien sûr, qu’interpelle ainsi ce cher ministre au ton parfois déroutant...
Pierre Barjonet
Novembre 2022
Météore
" Avec le temps " Chanson par Léo Ferré
N.B. Veillez à ne pas écouter la chanson en même temps que le poème pour ne pas en perturber la lecture.
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Lexique Antonin, Saison 6, Episode 9, Météore
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Météore
Anne vient de trouver comment l’incorporer,
Ce fragment de la nuit filant près des étoiles,
Tombé dans sa Bretagne en vol évaporé1,
Tel un cormoran sec affalé sous sa toile.
Victoria2 lui offrit du météore un pan2,
Un éclat prodigieux d’un débris qu’on déleste
De la voûte éternelle aux astres découpant
Son destin de lumière infiniment céleste.
Et son prochain vitrail lui sera consacré,
Luisant en rassemblant l’amour en gratitude,
La joie de ses enfants et la passion sacrée
Pour l’homme de son cœur en digne certitude.
C’est au printemps dernier qu’Antonin lui conta
La vision du bolide attiré par la terre.
Jean lui avait écrit ce feu qu’on raconta
Comme un tourment divin couronné de mystère.
Mais de tourment nenni, plutôt félicité,
Tant le chemin couru depuis ces années folles
A sublimé l’attrait par la complicité
De son bel artisan, son soldat qui l’affole !
Le roman de sa vie prit tant de fois l’envol
Vers des rivages libres sans l’écueil de chaînes,
D’une frontière à l’autre évitant les frivoles
Et fuyant les démons qui s’en prennent aux chênes...
Rompant sa rêverie, Sharp3 qui vient de surgir,
Éclabousse de boue sa tunique pervenche,
Puis l’affreux polisson la pousse à réagir
Pour avoir maculé sa verrière si blanche.
Ses deux enfants4 ravis de singer leur collie
Se tournent vers leur père en nage après leur course ;
Antonin n’est que jeux, sans la mélancolie
De la France lointaine aux obscures ressources.
Il semble que la guerre annonce son retour
À croire le parfum vert de gris de la Prusse5 ?
Mais ici, le bonheur ajuste ses contours
Comme le météore en butte aux cumulus.
1 La météorite de Keranroué tomba à Cléguérec (non loin donc de Napoléonville) dans le Morbihan le 21 mai 1869 peu avant 22 heures.
Voir mon petit lexique correspondant au poème : ICI
2 La reine Victoria,
3 Les musées européens, dont le British Museum, reçurent des fragments de la météorite fameuse.
Voir mon petit lexique correspondant au poème : ICI
4 Rappelons-nous Sharp, le magnifique chien de berger, ce collie offert à Anne par la reine Victoria en 1861 qui, visiblement, n’a rien perdu de sa jeunesse malgré son âge quelque peu avancé pour un grand chien.
Voir mes poèmes Collie : ICI et Baronnie : ICI
4 Avec deux enfants dont je vous laisse imaginer l’âge et le sexe, la descendance de Lord Antonin, Baron de Scutari et de son épouse Milady Anne, est assurée. Rappelons qu’ils sont désormais installés à Green House of Fordwich dans le Kent anglais, et jouissent des faveurs de la reine Victoria, notamment comme fournisseurs attitrés de vitraux remarquables, mais surtout comme amis précieux. Ils ont naturellement conservé leurs attaches avec leurs familles et amis de Napoléonville qu’ils visitent souvent.
5 La déclaration de guerre entre la France et la Prusse n’aura lieu qu’un an plus tard, le 19 juillet 1870, mais j’imagine que les prémices belliqueuses entre ces deux pays auront déjà largement transpiré et devancé les actes officiels.
De même en ce qui concerne la fin toute proche du Second Empire en prise avec de grands malheurs et espoirs déçus tels, la défaite de Sedan (1er septembre 1870), la capture puis l’abdication de Napoléon III (les 2 et 4septembre 1870), puis le soulèvement populaire de la Commune de Paris et sa répression sanglante (du 18 mars au 27 mai 1871) ...
Pierre Barjonet
Janvier 2023 *
- Avant connaissance de l'astéroïde 2023 BU qui vient de frôler la Terre jeudi 26 janvier 2023...
Liesse
Musique folklorique " les noces d'argent "
Veuillez noter qu'il n'y a pas de lexique afférent à ce poème,
car inutile, d'autant que les notes de bas de page sont détaillées.
Sinon, n'oubliez-pas de visiter :
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Liesse
Cet hiver, le granit se fend d’un goût de gel,
Figeant les bénitiers dans leur remords de glace,
Enfouissant les semailles sans lueur de dégel,
Et semblant rappeler la fin de ce rapace.
Quarante jours déjà, que l’on fêta Noël
En feignant d’oublier des flambeaux l’épisode1,
Quand l’infâme marquis en quête criminelle
Trébucha du lavoir vers son funeste exode.
Si la joie submergea les ragots des cafés,
Elle se fit discrète auprès des lavandières
Qui ne se pressaient plus, craignant de s’esclaffer
Si le corps remontait langé par la rivière !
Certaines redoutaient du Blavet son rejet,
Se signant chaque fois qu’elles longeaient ses berges.
D’autres s’imaginaient qu’il viendrait y plonger
Les porteuses de perles brandissant des cierges.
Et quand l’on ressortit, fêtant la Chandeleur,
Les chandelles2 coupables d’imiter la foudre,
Il se fit un silence auprès des bateleurs,
Une gêne avérée de l’abbé pour absoudre.
La tradition2 s’impose au cœur de chaque hameau,
Des villes et paroisses remisant leur crèche,
De la liesse annoncée, bien avant Les Rameaux,
Se rassasiant de crêpes juste après le prêche.
Et le soir en veillée l’on avive le feu
Des crêpières chauffant la quête de richesse3 ;
Puis l’on prédit le temps, le labeur loin des jeux,
L’espoir de lendemains habités d’allégresse.
Durant quarante jours, le moulin s’enticha
Des rencontres blotties des amants peu précoces4,
Qui pourtant s’amendèrent quand on afficha,
Leur promesse au printemps de célébrer leurs noces.
Et la bise surgit revêtant le moulin
D’un chapelet neigeux de flocons en dentelle,
Nappant de blanc ses aubes frisant l’opalin
D’un filet d’eau glacée que l’amour démantèle.
1 Voir mon poème précédent : « Grâces »
2 La tradition de la Chandeleur remonte à l’époque des Romains en l’honneur du Dieu de la fécondité, Lupercus, vers le 15 février. Depuis, elle est devenue chrétienne et se fête le 2 février, soit quarante jours après l’Épiphanie en mémoire de la présentation de Jésus au Temple ainsi que, plus près de nous, de la purification de la Vierge Marie (la fête des relevailles). Lors de la Chandeleur, il est d’usage d’allumer des chandelles (d’où le nom de Chandeleur) et, ou, toutes les bougies ou lampes à huile de la maison. Il est également traditionnel de se restaurer de crêpes symbolisant l’offrande faite avec le blé précédent pour s’assurer une prochaine récolte abondante.
3 Il est également de tradition à la chandeleur, de faire sauter la première crêpe dans la poêle en tenant dans l’autre main une pièce de monnaie, voire un Louis d’or pour les plus fortunés, puis de la placer ensuite tout en haut du buffet afin de garantir la pleine fertilité de la récolte à venir ainsi que la protection et la fortune du foyer.
4 Les amants, quels amants ? Vous n’avez pas deviné ?...
Pierre Barjonet
Décembre 2022
Grâces
Le lavoir des Récollets sur le Blavet à Napoléonville (Pontivy - 56)
" Die Lorelei " (La légende du rocher de la Lorelei sur le Rhin)
sur un poème d'Heinrich Heine et une musique de Frierich Silcher
Veuillez noter qu'il n'y a pas de lexique afférent à ce poème,
car inutile, d'autant que les notes de bas de page sont détaillées.
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Grâces
En retrouvant l’abbé1 bénissant leur retour,
Nos amis réunis lui dédièrent des larmes
Imbibant les questions, bousculant plus d’un tour
Du chapitre2 couvert par leur joyeux vacarme.
Ce ne fut que bonheur de goûter au roman
De leur périple anglais, de la gracieuse reine3
Accordant ses faveurs aux héros du moment,
Appréciant leurs vitraux en noble souveraine...
Puis se fit le silence entendant les tourments
Des moines tout d’abord, et des braves ensuite,
La rage d’Austerlitz, la gêne des amants,
La honte d’Antonin pour sa piètre conduite...
La veillée de Noël enveloppa de paix
Leurs meurtrissures d’âmes aux fièvres nuisibles,
Tempérant Austerlitz, imposant le respect
Du pardon fait d’amour en salut prévisible.
Puis l’on baptisa Perle aux joies de sa marraine,
Anne qui rendit grâce au ciel des retrouvailles,
Avant de la confier, paisible et bien sereine,
À sa sœur4 si dévouée, toujours vaille que vaille.
Antonin dit les grâces au jour de Noël,
Laissant Louis5 marmonner, ruminer sa rancune
Envers l’odieux marquis pervers et criminel,
Et boire à sa vengeance en carafons de prune.
Fort de ses argousins planqués dans chaque bourg
À la sortie de messe en pariant sur sa chance,
Le marquis espérait leur retour sans débours,
Se disant que Noël rallierait leur présence.
Et lorsqu'il aperçut Austerlitz se hâter
Vers le lavoir lugubre en parade de lune,
Oubliant la prudence à se faire appâter
Il s’attacha, blafard, à cette ombre trop brune,
Quand son pas s’aveugla des femmes du lavoir
Bruissant soudain de feux brandis à bout de torches,
Précipitant l'infâme au sinistre pouvoir
Dans l'abîme glacé du fleuve qui l'écorche.
1 L’abbé de l’abbaye Notre-Dame de Timadeuc en Bretagne.
Voir mon poème « L’abbaye » : ICI
2 Le chapitre est la pièce d’un Monastère où se réunissent quotidiennement les moines pour entendre la lecture commentée d’un « chapitre » de la règle de Saint-Benoît (Bénédictins), mais pas seulement. Elle y accueille également la profession des convers (religieux ayant fait leurs vœux) ainsi que des assemblées délibérant sur la vie de la communauté monacale comme sur l’élection du père abbé.
3 Il s’agit, bien sûr, de la reine Victoria.
4 La sœur aînée d’Anne est comme chacun le sait désormais, Sœur Elen, qui enseigne auprès des sœurs de Kermaria, filles de Jésus, au château des Rohan à Napoléonville. Ainsi, elle a élevé auprès des parents de Jean, les petits orphelins :
- Rose (17 ans en 1863), passionnée d’art, qu’Antonin et Anne viennent d’engager comme apprentie vitrailliste en leur atelier de Green House à Fordwich (Angleterre),
- Et Cédric (15 ans en 1863), retourné en son « pays » d’origine à Bayel (Aube) par les bons soins du Père Clément de Bayel, comme compagnon auprès du maréchal-ferrant Bertrand.
Voir mon poème « L’enclume » : ICI
5 Louis Weber, dit Austerlitz.
Pierre Barjonet
Novembre 2022
Survie
Musique du film " Jeux interdits " à la guitare...
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Lexique Antonin, Saison 6, Episode 6, Survie
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Survie
Si leur corps se redresse, en rage est leur esprit,
Ignorant tant les coups, tant le feu des blessures,
Qu’ils affûtent leur hargne et leur profond mépris
Pour ce sordide piège aux cruelles morsures.
La honte est leur remords, la détresse est leur sort.
Mais les soins attentifs bénis de providence
D’Anne et de Sœur Elen accompagnées de Nacre,
Écartent leurs tourments d’une tendre évidence.
Leur faute pardonnée, la vie reprend ses droits,
Plongeant Jean dans l’espoir d’une inclinaison douce,
Et coiffant Antonin d’un amour qui foudroie,
Tandis que Nacre rit en singeant leurs frimousses.
Austerlitz a rouvert la malle d’autrefois,
Caressant là, le cuir des trésors de son père,
Les aigles et la croix blotties1 tout à la fois
Près du sabre impérial dormant dans son repère.
Il sait que maintenant les tambours renaîtront
Des cendres de la gloire en écho qu’on remarque.
Il sait que désormais ces gredins connaîtront
La terreur de l’Ankou2, Charon poussant sa barque3...
Invoquant l’Empereur au fort tempérament,
Louis les massacrera, misant sur son étoile,
Établira son plan, flattant apparemment
Le marquis bientôt pris dans les fils de sa toile...
Antonin se surprend à fondre dans les bras
D’Anne qui s’abandonne à ses lèvres de braise,
Et laisse enfin le temps qui se résorbera
Dans l’horizon jaloux de sa précieuse « anglaise ».
Les aubes du moulin4 rythment le battement
Du cœur si caressant d’un plaisir trop intense,
Et les plaintes de l’eau mêlent adroitement
La passion du courant à l’onde en ses instances.
En nage détrempée du bonheur des amants,
Leur couche de survie cousue de paille et d’orge
Moissonne la chaleur des vœux évidemment,
Ne gardant du moulin que l’amour qui les forge.
1 On dit bien « une » aigle, s’agissant d’une enseigne militaire représentant un aigle.
2 L’Ankou est une sorte de personnage légendaire Celte puis de Basse-Bretagne figurant la mort ou plus exactement son serviteur ayant mission d’aller récolter l’âme des défunts.
Voir mon petit lexique correspondant : ICI
3 Charon, dans la mythologie, est le passeur des enfers, poussant sa barque sur le fleuve le Styx (ou l’Achéron, selon) afin de faire traverser l’âme des défunts devant entrer dans le royaume des morts.
Voir mon petit lexique correspondant : ICI
4 Rappelons-nous le moulin à aubes (eau) situé sur l’île du Récollet à Napoléonville (Pontivy) devant lequel Antonin avait donné rendez-vous à Austerlitz (voir mon poème « Pardon ».
Pierre Barjonet
Octobre 2022
Perles
musique de la série TV " La rivière espérance " Extrait " La rivière "
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Lexique Antonin, Saison 6, Episode 5, Perles
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et la rubrique CHRONOLOGIE
Perles
Anne s’est dérobée devant l’invitation
De la reine amoureuse autant qu’on la devine
Pour ce fier écossais1 fort en lévitation
Qui ne la quitte plus tant le sort la ravine.
Oubliant Victoria, jalouse que son cœur
Ne la laisse blessée si loin de la Bretagne,
Anne s’ouvre au collie2, se sert une liqueur
Et de mélancolie, goûte aux pleurs qui la gagnent.
Sur les bords du Blavet3 des enfants en haillons
Scrutent les flots perlés d’écrevisses et moules4,
En quête de trophées montés en médaillons
Ou coiffes des grands jours aux toilettes des foules.
Une enfant fort adroite à murer ses secrets,
Sachant nager profond pour dénicher des perles4,
Relève au crépuscule un casier fort discret
De moules enrichies d’un éclat qui déferle.
Un dimanche en longeant les douves du château5,
La voici qui perçoit des soupirs de détresse
S’élevant d’un muret surplombant en plateau
Ce fossé fait de fange aux humeurs de traîtresse.
Elle connaît la gueuse aux ordres du marquis,
Devine le malheur des hommes au supplice,
S’en vient quérir de l’aide aux lépreux du maquis
Puis montre les barreaux à ses vaillants complices.
Antonin comme Jean sont hissés dans la nuit
Dans l’antre du moulin6 près du lavoir paisible
Où Nacre les visite en trompant leur ennui,
Leur portant du breuvage écartant les nuisibles.
Nacre, car c’est son nom, les veille en chaque instant,
Fait le guet, se démène et fait chuter leur fièvre,
Aidée par Austerlitz en protecteur constant
Qui leur sert en cachette un alcool de genièvre.
Anne a rejoint la France en ce mois de juillet,
A retrouvé sa sœur dont la piété l’abreuve,
Austerlitz et puis Nacre portant son billet
Aux pénitents confus de leur si piètre épreuve.
N.B. Afin de vous en faciliter la lecture, je vous ai mis ci-après, des renvois de liens vers les poèmes ou lexiques correspondants.
1 John BROWN (1826/1883) était un Écossais, premier valet de feu le mari de la reine Victoria, alors chargé également comme garde-chasse de l’entretien de son château de Balmoral en Écosse, qu’elle rappela auprès d’elle comme... favori, au grand dam de ses courtisans !
N.B. Voir mon petit lexique correspondant
2 Il s’agit du collie Sharp offert à Anne par la reine Victoria (voir mes poèmes « Collie » et « Baronnie »).
3 Le Blavet est un fleuve côtier qui coule à Pontivy (Napoléonville dans mon poème).
4 Les perles de rivière ou perles d’eau douce sont cultivées dans des moules et non des huîtres.
Mon amie Maridan qui partage avec talent son excellent blog sur cette plateforme de blog7ever réalise de magnifiques bijoux de différentes sortes qu’elle façonne elle-même, dont des boucles d’oreilles avec des perles de rivière : voir ICI ainsi qu' ICI et ICI
5 Le château des Rohan à Napoléonville (Pontivy)
6 Il s’agit du moulin à aubes (eau) situé sur l’île du Récollet à Napoléonville (Pontivy) devant lequel Antonin avait donné rendez-vous à Austerlitz
(voir mon poème « Pardon »).
Pierre Barjonet
Septembre 2022
Le piège
Gravure illustrant la visite de Louis XI au Cardinal de La Balue (1421/1491)
emprisonné et enchaîné dans l'une de ses "fillettes"...
(Voir la note n° 6, ci-après)
" La force du destin " Ouverture, Opéra de Giuseppe VERDI
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Le piège
Le crissement des roues doublé du sifflement
Des tympans fracassant son crâne qui frissonne
Ravive la douleur de l’affreux renflement
D’une épaule enfoncée d’un coup qui désarçonne.
Antonin se redresse en maudissant le sort
Qui le vit s’attabler près des filles du bouge,
Retrouvant avec Jean du passé le ressort
Pour boire et s’enivrer de ces bières trop rouges.
Tandis que l’inconnue1 des agapes du bal
Les avait provoqués excitant leur adresse
À rafraîchir les pas des danses qui s’emballent
En gobelets trinquant sur un rythme en détresse,
Ils avaient vadrouillé, puis s’étaient retranchés
Dans un chaud cabaret2 en protégeant la fille
Des soudards et Chasseurs3, comme dans les tranchées
De leur fière Crimée, défendant leur Bastille.
Quand la rixe frappa, mêlant ces combattants,
Moussant dans les vapeurs de la sueur des ivrognes
Ils vomirent des cris et jurons de battants
En devinant le plan de l’infâme charogne...
Le marquis4, toujours lui, vint sonner l’hallali,
Ordonnant d’assommer nos amis en détresse,
Puis de les enlever dans la nuit qui rallie
L’abominable piège, aidé de sa maîtresse1.
L’attelage furieux emporte ces idiots
Pris dans le tourbillon des beuveries nocturnes
Et taraude l’espoir de lendemains cordiaux
En meurtrissant leurs os sans extrait de Saturne5.
Sans attendre l’aurore et sans ménagement,
Les voilà dérangeant le sol d’une oubliette
Réveillant sous les coups portés sauvagement
L’affront du déshonneur en ce piège aux fillettes6.
L’ombre de Katorga7 torture leur fardeau,
Mais l’amitié fidèle aux souvenirs se berce
En renforçant l’épreuve en guise de cadeau
Qui soude l’évasion des murs que l’on traverse.
1 Voir mon poème précédent « Retour » qui désigne cette « femme en cheveux ».
2 Cabaret se tenant rue du Pont, perpendiculaire à la rivière du Blavet, à Napoléonville (Pontivy).
3 Napoléonville accueillie à l’époque de ma saga et depuis 1811 le 2e Régiment de Chasseurs à cheval, en bordure du Blavet, au « Quartier Clisson » (déjà mentionné dans mon poème « Fierté ».
4 Cette « infâme charogne » de Marquis de Tuyère...
5 « L’extrait de Saturne » était une sorte de liqueur ou de pommade pharmaceutique réputée guérir les blessures des chevaux, à base de sous-acétate de plomb et de vinaigre bouilli, mais également utilisé pour soulager tous les maux de leurs cavaliers... On parle aussi « d’eau blanche ».
6 Je n’ai pas résisté à l’évocation des cages inventées par le roi Louis XI dans lesquelles les malheureux enfermés ne pouvaient se tenir ni debouts ni couchés, les fameuses « fillettes ». Le Cardinal Jean de La Balue (1421/1491), déchu par le roi, en fit la sinistre expérience, enchaîné durant... onze ans à Loches ! (Voir ci-avant, l'illustration)
7 Voir mon poème « Katorga » où Jean comme Antonin furent conduits au bagne russe avant qu’ils ne s’en évadent.
Pierre Barjonet
Juin 2022
Retour
"Tri Martelod" (gavotte celtique) par Tri-Yann
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Retour
Bénissant leur retour, la durée d’un printemps,
En sa terre bretonne bordée de bruyères,
Elen1 étreint le cœur des amis empruntant
Leurs chemins d’autrefois débordant les frontières.
Anne est restée là-bas, veillant sur leur Comté,
Accordant à ses hommes leur courte escapade
Au pays des genêts, parés pour raconter,
Les Jardins d’Angleterre2 en guise d’embrassades.
Austerlitz3 a souri, moquant son fils anglais,
Un baron de surcroît et milord d’outre-Manche
Ayant pris un accent à manquer d’étrangler
De rire à se damner les poivrots du dimanche.
Les petits4 ont changé, débordants de vigueur,
Affichant la fierté d’Elen et de ses nonnes
Et des parents de Jean tirés de leur langueur,
Ne jurant que par Louis3, leur héros qui canonne.
C’est qu’il faut les entendre enjolivant son duel,
Fanfaronnant, mimant du marquis la défaite,
Et d’Austerlitz la gloire en respect perpétuel,
Intriguant nos amis aux mines stupéfaites.
Puis le maire a convié ces Bretons gentlemans5,
Leur offrant en plein air le banquet des vertiges,
Régalant à l’envi flatteurs ou nymphomanes
D’exquise inclination frivole ou de prestige.
Déplaçant un bouquet, une femme en cheveux6
Lorgne Antonin de près en éventant la table
De son regard ardent cillant de tics nerveux,
De sa bouche gourmande aux lèvres redoutables.
Antonin s’est piqué d’ignorer son culot,
Bien que la péronnelle aux élans de coquette
Déborde sa défense allumant le brûlot
De son maintien soyeux parfumé de conquêtes.
Soudain le jeu bascule en vive farandole
Expédiant la tablée sur un air de gavotte7,
Débauchant l’Antonin comme si Rocambole8
Eût changé sa pudeur en soupirs de dévote.
1 Elen, personnage de fiction née en 1830, que l’on n’a pas oubliée, est dans ma saga une religieuse de la congrégation des sœurs de Kermaria « Sœur Elen », enseignant les enfants au château de Napoléonville (Pontivy) en Bretagne. Fille aînée des Ducs de Rohan (toujours dans ma fiction), elle est la sœur aînée d’Anne. En 1863 elles ont donc respectivement 33 ans (Elen) et 27 ans (Anne). N.B. Anne et Antonin sont nés la même année, en 1830.
2 Les « Jardins d’Angleterre » que j’ai déjà évoqués dans mon poème « Baronnie » désignent le Comté du Kent considéré comme un véritable joyau du Sud-Est connu pour ses jardins fleuris et verdoyants, ses châteaux aux parcs vallonnés et ses côtes aux falaises spectaculaires.
3 « Austerlitz » est comme on le sait maintenant, le surnom de Louis Weber (58 ans en 1863), père d’Antonin (27 ans en 1863).
4 Toujours dans ma saga, Rose (17 ans en 1863) et Cédric (15 ans en 1863) sont les deux petits orphelins qu’Antonin avait sauvés des eaux lors de la tragique noyade de leurs parents dans l’Aube en 1853 (ils avaient alors 7 et 5 ans). Voir mes poèmes « L’Aube » et « Pitié »). Il les avait ensuite confiés au bon curé de Bayel avant que de les transférer définitivement pour adoption aux parents de Jean à Napoléonville et aux bons soins d’Elen pour leur instruction.
5 Gentlemans ou gentlemen ? J’ai opté pour le pluriel français « gentlemans » ...
6 Une « femme en cheveux » était « une moins que rien ». C’était une femme qui ne portait pas de coiffure (ni coiffe ni chignon) ni chapeau en public, ce qui au 19e siècle était inimaginable et tout à fait scandaleux ! On disait aussi « sortir en cheveux » donc sans aucune autre coiffure que ses cheveux. Mais souvenez-vous qu’avant 1968, les jeunes filles de certains lycées comme « Hélène Boucher » à Paris, se devaient d’être uniquement en jupe portant les cheveux noués ou attachés. Comme quoi...
7 La gavotte est une danse traditionnelle populaire du folklore breton qui se pratique en se tenant la main, en d’immenses rondes.
8 L’écrivain et néanmoins vicomte Pierre de Ponson du Terrail (1829/1871) créa en 1857 le personnage de « Rocambole ». Neuf romans mirent donc en scène les exploits de ce héros publié sous la forme de feuilleton intitulé « les drames de Paris » dans le journal « La Patrie ». Tour à tour, malfaiteur, voleur, usurpateur d’identité, bagnard et imposteur, il finit par s’engager sur le chemin de la rédemption en se faisant justicier plutôt au service des pauvres gens, mais toujours en marge de la société. On dit depuis d’un récit incroyable narrant des aventures invraisemblables qu’il est « rocambolesque ».
Pierre Barjonet
Mai 2022
Rivale
" La trouée " Huile sur toile , Pierre Barjonet, 2007
J'ai adoré brosser énergiquement la côte sauvage du Pouldu lors de mes vacances en 2007 au fin fond de la Bretagne, comme l'écrivait en son temps, Gauguin. Alrors là, qu'on soit bien d'accord, point de tentative comparative avec ma peinture mais juste l'envie sur les traces d'un tel Maître, de m'emparer à mon tour des paysages aux ciels changeants du littoral Breton. Si vous allez au Pouldu, ne manquez pas le sentier du bord de mer qui, du haut des falaises, invite à la contemplation rythmée par d'astucieuses étapes (bornes) représentant in situ plusieurs toiles de Gauguin.
Greensleeves
Exceptionnellement, il n'y a pas de lexique afférent à ce poème,
car inutile,
Sinon, n'oubliez-pas de visiter :
la rubrique SOMMAIRE avec un "résumé" :
Sommaire de La passion d'Antonin
et la rubrique CHRONOLOGIE :
Rivale
« Victoria s’émouvra de dédier nos vitraux
À son très cher Albert qui réprouvait les guerres »,
Glissèrent Antonin comme Anne, théâtraux,
À leurs amis venus inaugurer ces verres.
L’assemblée sans la reine épuisée par le deuil,
Félicite et se chauffe aux douceurs de leurs hôtes,
Admirant le tracé qui s’en vient piéger l’œil
Des courbes colorées redessinant les côtes
De ces champs de bataille enfouis sous le brouillard
De la brume de poudre se teintant d’ardoise
Et des flots vermillon égorgeant les Boyards1,
Calcinant les pigments de ces terres sournoises.
Le parcours lumineux du fardeau des combats2
Se décline en panneaux dévastés par des larmes
Comme un Chemin de Croix dont la vie succomba
Aux tourments douloureux des guerriers et des armes.
Antonin livrera leurs vitraux à Windsor,
Au cloître du château3 d’ultime pénitence,
Comme il fut établi par le Prince Consort4
Auprès d’Anne signant son bon de compétence.
Le privilège heureux des convives admis
À la présentation des vitraux authentiques
Dans la verrière enfouie sous la neige à demi
Prend des airs gratifiants aux parfums romantiques.
Une élégante ouvrant son journal féminin
Croque l’instant précieux de sa mine orpheline,
Souriant à chaque instant que se trouble Antonin
Par ses prunelles et sourcils de zibeline.
Anne a surpris d’instinct que la douceur des lieux
Échaufferait les sens aux yeux de Lady Jane,
Aussi concocte-t-elle un projet à cent lieues,
Écartant ses Français de l’hostile anglicane.
Tandis que la Lady magnétise Antonin,
Anne sait qu’au printemps la lande de Bretagne
Recouvrira le temps de l’engouement bénin,
Car il n’est de passion que sa patrie n’éloigne.
1 Les Boyards dont je parle dans mon poème « Le manteau » étaient des aristocrates russes.
2 et 3 J’évoque ce « fardeau des combats » dans mon poème « Windsor » où nos amies Irena et Florence découvrent les « panneaux centraux » des verrières reflétant les vitraux du « Cloître en fer à cheval » du château. Comme on l’aura compris, ce sont donc Anne et Antonin qui en furent les auteurs comme « Maîtres de Lumière » ...
4 Le Prince Albert (1819/1861), époux de la reine Victoria depuis 1839 n’obtint, après moult demandes, son titre de Prince consort qu’en 1857.
Pierre Barjonet
Mai 2022
Verrière
James Abbott McNeill Whistler (1834/1903) « la fille blanche »
ou « La white Lady » ou « Symphonie en blanc »
Valse n° 15 opus 39, de Johannes BRAHMS
Rappel, n'oubliez-pas de visiter la rubrique LEXIQUE
donnant des précisions indispensables de vocabulaire, sites et dates historiques :
Lexique Antonin, Saison 6, Episode 1, Verrière
ainsi que la rubrique SOMMAIRE avec un "résumé"
Sommaire de La passion d'Antonin
et la rubrique CHRONOLOGIE
Verrière
L’éclat de l’arc-en-ciel fait frissonner le thé
Qui fume en diffusant ses faiblesses câlines
À l’aplomb du désir en fragrances d’été,
Goûtant le concerto des tasses cristallines.
L’incroyable atelier teint de verre et de fer1
Prend enfin son essor de volière opaline,
Inaugurant d’audace un lieu qui n’indiffère,
Se moulant dans les verts d’un décor tourmaline.
Les ombres font le jeu de chatoyants motifs
Dessinant le pourtour du marbre2 sous les nappes
Et colorent de miel le goûter émotif
Qu’Anne a confectionné pour son ultime étape.
À ses nouveaux amis elle offre le climat
De la lady paisible en robe toute blanche3,
Laissant à ses vitraux que nul ne réprima,
Le soin de colorer son buste et puis ses hanches.
Son esprit trépidant contraste avec son cœur
Qui se fige souvent, de vapeurs chancelantes,
Quand Antonin l’approche au tourbillon vainqueur
De l’amour innocent qui fascine et s’implante.
Et la verrière bout des feux de l’atelier,
Des jupons crinoline et postures exquises,
Des voilettes qui nagent comme un batelier
Pressé par l’autre rive aux promesses acquises.
Cédant au brouhaha qui s’invite au talent
De ce Victor Hugo livrant ses Misérables4,
Dont Jean vient de brandir l’ouvrage détalant
Entre des mains pressant ce livre vénérable,
Antonin s’est glissé près du siège d’osier,
Laissant flâner son cœur par un baiser sensible
Sur la nuque attendrie cachée par un rosier,
D’Anne tétanisée par son geste ostensible.
Un murmure de soie rebondit en saveur
D’un baiser plus gourmand offert à la guerrière
Aux lèvres moins farouches goûtant la ferveur
Du firmament bruissant au front de la verrière.
1 J’ai souhaité faire allusion à l’incroyable construction voulue par le Prince Albert (1819/1861), mari de la reine Victoria, dressée au Hyde Park de Londres pour l’exposition universelle de 1851 et surnommée « le Crystal Palace » (N.B. voir mon lexique correspondant : ICI et mon autre poème « l’Adieu »). En effet, le Cristal Palace était entièrement bâti de piliers de fonte élancés supportant des voûtes de parois de verre à la manière des nervures d’une feuille...
2 Le « marbre » ici fait référence à la table d’atelier d’un souffleur de verre (comme Antonin).
3 Je fais référence à l’œuvre du peintre James Abbott McNeill Whistler (1834/1903) « la fille blanche » ou « La white Lady » ou « Symphonie en blanc » réalisée en 1861/1862 qui, après avoir été rejetée par l’Académie Royale de Londres comme au Salon de Paris, fit scandale au « Salon des refusés » à sa présentation en 1863, tout comme au même salon, Édouard Manet avec son célèbre « Déjeuner sur l’herbe » ...
4 Cette grande fresque épique et romantique de Victor Hugo « Les misérables » fut publiée en mars 1862 (pour les deux premiers tomes, les trois autres suivant la même année), mais Victor Hugo avait depuis longtemps songé à ce roman tout à la fois réaliste, politique et social depuis au moins 1845, date où il logea dans une auberge de Montfermeil en se rendant à Chelles (actuellement en Seine-et-Marne). Montfermeil qui lui inspira la fameuse scène de Cosette allant chercher de l’eau à la source du bois pour la porter dans l’auberge des Thénardiers... La sortie du livre que l’on s’arracha fut tout à la fois un immense succès populaire et une démonstration négative de critiques littéraires déchaînés et d’auteurs tels Flaubert, Lamartine, Barbey d’Aurevilly, Louis-Gaston de Ségur, Baudelaire ou... les Goncourt ! Comme quoi !
Pierre Barjonet
Avril 2022