SAISON 4 "Mademoiselle"
Titanic
Ainsi, avec TITANIC, se termine la Saison 4
de La romance de Laurine,
sachant que la Saison 5
reprendra bientôt
en mer...
Southampton (musique du film)
Titanic
Six ans déjà sans Jean qu’en triste inclinaison
À naufrager sa vie de mauvaise déprime,
Laurine dont José refleurit la raison
De sa femme abattue, vit d’un cœur qui s’opprime.
Sans enfants désormais, ni Maureen au lointain,
Mademoiselle est là, bercée de vagues froides,
Alternant les torrents d’un regain qui déteint
Sur son Salon bondé par sa fidèle escouade.
Son succès bien réel a débordé Paris,
Le testament de Jean lui a donné l’aisance,
Et pour son dévouement aux « Enfants de Marie »
On lui remit la croix, l’honneur en bienfaisance.
Au printemps, c’est Maureen accompagnée de Paul
Qui s’arrêtent gaiement l’embrasser faisant route
Pour Cherbourg et New York, la folle mégapole,
Investissant l’espoir d’exposer sans déroute.
Laurine se surprend à rire de leur sort
Tant leurs projets sont grands par ce somptueux voyage
Qui les voit sans Auguste en voie du réassort
De mécènes dévoués, sans l’art du louvoyage.
À l’heure des adieux elle tremble soudain
D’une prémonition qui la surprend songeuse…
Retrouvant son Salon, son port se fait mondain.
À Cherbourg, la cohue s’annonce tapageuse.
C’est l’heure des cancans attendant d’embarquer,
Croisant ceux qui détiennent la première manche,
L’inaugurant ravis, avant de débarquer.
Puis c’est bientôt leur tour de traverser la Manche.
Quand le canon tonna soulevant des vivats,
Jetant les transbordeurs en file de navettes
Se portant sous l’étrave adorant la diva,
Laurine était chagrin, goûtant des olivettes.
La nuit bleue s’adoucit sous les feux du titan
Qui vient d’appareiller vers l’Irlande et ses brumes,
Accompagné du chant des sirènes quittant
La rade merveilleuse en adieux qui s’embrument.
Pierre Barjonet
Avril 2019
Interlude... TITANIC 2 " Le retour "
Toile de Ken Marschall
My heart will go on (au piano, du film Titanic)
INTERLUDE ENTRE 2 POÈMES
J'avais rédigé en 1999 ce papier en forme d'ode au Titanic,
ou plutôt à Jack, l'irlandais qui aimait sa Rose dans le film, en 97,
et qui noya ses fusains dans sa quête de beauté intemporelle.
Il me semble aujourd'hui que l'évocation de son dessin
a toute sa place ici,
annonçant le prochain poème de " La romance de Laurine " : TITANIC
puis les débuts de la Saison 5 "Femmes".
TITANIC 2
« LE RETOUR »
Deux fois, non quatre, encore quatre, sept fois, neuf même !
Ils ont tous vu « Le Film », pardon : « elles », forcément éperdues du si craquant Léonardo Di Caprio... Dur, dur pour nous, simples mortels terriens n’ayant jamais goûté aux charmes de l’ange séducteur ; ça se saurait... Tous réunis, enfants, « zadolescents », jeunes et vieux, ont sombré leur mélancolie dans un océan d’amour et de nostalgie. Même les « contre », adeptes du « zart-zé-essais » ont craqué, discrètement craqué...
Mais qu’est-ce qui nous fait courir ainsi à la recherche du temps, éperdus de se mesurer pendant 3 h 20 à peine, en quête du Graal, pardon du « Cœur de l’Océan », bijou mystique qui déroule le film entre deux eaux ? Sûrement pas la passion hollywoodienne, ni les suspects fantasmes qui agitent les films catastrophe (ce qu’il n’est pas), ni le voyeurisme historique version « Tempête du désert ». Alors quoi ? À chacun de lire les très nombreuses critiques cinématographiques qui n’ont pas manqué de barrer la route à ce titan dont la partie immergée se heurte aux flots de dollars U.S.
Fonde la glace devant l’évidence !
Finalement, TITANIC est un mythe.
Comme tel, il figure dans le panthéon imaginaire occidental des « grands mythes ». Ceux de Tristan et Iseut, de Roméo et Juliette ou de Faust qui pactise avec le Diable. Triste sort jeté en pâture à ceux qui guettent encore la voile d’une Nef blanche dans la lointaine patrie des ombres. À une différence près : nous pleurons des larmes de diamant, la mort glacée de Jack en faisant semblant de croire que nous les dédions aux victimes irlandaises de 3e classe. Las, Rose ne meurt pas, mais revit pour nous sa survie. Nous le savions dès le début. Nous connaissions la légende que conte une Rose fanée, mais pas sa fin intemporelle si proche de nous par l’intimité que dégage notre foi dans ces deux héros wagnériens (la musique en moins).
Dans notre inconscient collectif, nous avons besoin de croire à l’amour impossible, celui des Dieux qui se voile toujours d’une issue tragique en guise d’expiation de nos envies secrètes socialement refoulées. Avec Titanic, le 7e art est céleste. Il gomme l’injustice du destin en lui substituant l’impertinence de l’amour aveugle et un rôle de premier plan à la jolie naïade qui voulut quitter les 1ères. La greffe prend, et sous la voûte étoilée que berce à peine l’Onde froide et calme, fonce vers l’au-delà la vie qui s’abîme dans le mugissement des Sirènes.
J’ai adoré Titanic, alors qu’en attendant de franchir le parcours du parent-combattant dans la panique des places restant vacantes, je me réchauffais de prétextes justificatifs à une démarche honteuse si facilement transgressée.
Quand Jack et Rose, dominant le monde, se juchent si haut, tout à l’avant du navire en sorte de figure de proue emblématique, forts de leur jeunesse insouciante des préjugés dans leur différence de classes, insubmersibles dans leur amour passionnel et si frêles à la fois devant l’avenir qu’on sait fini, j’ai ressenti le vent du large. Des larmes salées ont perlé aux rives de mes yeux habituellement fermés aux histoires d’amour outre-Atlantique.
Quand le fusain de Jack s’empare de la nudité d’une Rose éblouissante d’émotion s’offrant à l’artiste au regard troublé, mais au geste sûr, il ne saurait y avoir de naufrage à la beauté qui ondoie. Les Roses ont l’éclat de leur pudeur.
Mais quand vient la lumière, et que baignent brutalement nos parkings routiniers dans des flots de bitume, l’on se sent coupable d’être encore terriens et si loin de la White Star qui luit en nous...
Pour ne point sombrer dans l’amertume, «TITANIC 2 LE RETOUR» s’arrachera probablement à nos songes. Il n’y a guère d’illusion sous nos latitudes, il nous renverra brutalement sur terre, là où les icebergs n’existent pas.
* Quand il sortira, n’allez pas le voir !
Pierre BARJONET (1999)
* Et finalement, il n'est jamais sorti...
La crue
Wagner - La chevauchée des Walkyries
La crue
Le bruit se fit plus net chevauchant le faubourg
En cette nuit d’hiver sous la lune d’opale,
Ressemblant aux graviers que fouette le labour
Mordorant les ténèbres de visions trop pâles.
Escaladant la Butte en vagues d’assaillants
Les rats se libérèrent des égouts en fièvre,
Du clapotis visqueux, des passants toussaillant,
Fuyant la ville en crue de la Seine à la Bièvre.
Le pain vint à manquer, chacun barricada
Sa porte des cloportes si fourbes et glauques.
Pourtant Mademoiselle en aumône brada
Du pain de sarrasin pour mendiants à voix rauque.
Tout Paris se surpris à endiguer les flots
Des résidus bloqués, de l’écume diffuse,
Des boues de pandémie jusqu’à la rue Soufflot,
Séchant les naufragés sauvés de leur Méduse…
On était loin d’Iéna, d’Austerlitz ou d’Eylau
Grelottant du vacarme éclaboussant la scène
De la Bérézina de ces pontons sous l’eau
Et du Zouave englouti par la vase de Seine.
On hissa des dortoirs hébergeant ceux d’en bas
Dégoulinant de peur, mais frissonnant d’estime
Envers leurs sauveteurs au farouche combat
Contre les éléments des prédictions ultimes…
Laurine submergée quand le timbre tinta,
Recueillit en pitié de jeunes orphelines
Blessées par des Gaspards, dont la file teinta
De rubis chaud sa blouse en fil de popeline.
Leurs nonnes avaient cru qu’en longeant le Maquis
Leur trajet serait court, mais ce fut la vermine
Qui vint les débusquer de ses derniers acquis
Colonisant la Butte avant qu’on l’extermine.
Quand le torrent gronda ses miasmes dans les rues,
Que les hommes s’armèrent d’espoir et de rames,
Le déluge cessa raccompagnant la crue
Bannie du Sacré-Cœur et de Paris en drame.
Pierre Barjonet
Avril 2019
Lolo
Cora Vaucaire " Frédé "
Lolo
Quand son braiment surprit les clients du Salon,
Mademoiselle* en rit, sortant à sa rencontre.
Que ne ferait-il pas percevant ses talons
Contre un quignon de pain : braire en l’aimant tout contre !
Depuis la rue des Saules frappant d’un bon pas
Son chemin martelé de ses pieds de bourrique,
Chevauché par le singe juché comme appât,
Il porte son poisson de la Seine ou d’Afrique.
C’est un âne admirable du nom de Lolo
Que la Butte adopta tel un « Lapin agile »,
Donnant de la campagne au maquis des prolos,
Inséparable ami d’un « Frédé » peu fragile.
Du cabaret « Le Zut », Frédé le transforma
Poussant les anarchistes vers d’autres rivages
Donnant de l’avenir à de futurs formats
Poètes, écrivains et peintres sans clivages.
Ils sont tous à chanter sans poser de lapins
Aux buveurs assoiffés, aux acteurs sans bourgeoises,
Même aux horizontales entre deux tapins
Les hôtes de Frédé, de Lolo qui vous toise !
Pablo s’y rend souvent, s’y grime en Arlequin
Troqué contre du pain, car ce fracas qui moque
Les dandys maniérés en frileux mannequins
Émoustille son goût du cubisme qui choque.
Mais ils seraient trop sages, ces fichus enfants
Si leurs sacrées soirées n’étaient que polissonnes
Comme au foutu Moulin rougi de French-Cancan,
Alors leur vint l’idée d’un tableau qui frissonne.
Attachant une brosse à la queue de Lolo,
La trempant de peinture, ils approchent une toile,
Agencent ce manège en fieffés bricolos,
Et donnent à leur âne un devenir d’étoile.
Ainsi Bolo devint peintre « Boronali »
Exposant au « Salon », la mer Adriatique.
Se gaussant des critiques jusqu’en Italie,
Dorgelès applaudit le rire initiatique.
* En souvenir de Jean, mis à part ses amis,
C’est par Mademoiselle qu’on nomme Laurine.
Mariée, mais sans enfant, ne sera pas mamie,
Mais ancienne orpheline en la vie qui burine.
Pierre Barjonet
Avril 2019
De profundis
Emile FRIANT " La Toussaint "
Ce magnifique tableau d'Émile FRIANT, qui reçut une médaille d'or à l'Exposition universelle de Paris de 1889
(donc bien en rapport avec Laurine qui a visité cette exposition...)
a fait l'objet d'un article très intéressant rédigé par mon amie Françoise M.
que je vous invite à consulter sur son blog => ICI
Mozart " Requiem "
De profundis
Il a laissé sa vie, doucement et sans bruit,
Prenant le grand voyage au levain de l’aurore.
D’avoir trop courtisé la farine en ses fruits
La phtisie l’emporta pour la fête des Morts.
Laurine avait tenté toutes sortes de soins,
Le sortant sur la Butte en gerbes de lumière,
Lui donnant du soleil, devançant son besoin
De souffler au grand air à l’aube coutumière.
Et puis lui refusant la fuite en désespoir,
Elle l’avait conduit vers d’autres médecines,
Lui ouvrant l’appétit des douceurs et des poires
D’un grand sanatorium, de son parc et piscine.
Mais c’était compter sans le destin contagieux
Des enfants miséreux qu’il revivait en fièvre,
Leur portant trop souvent de ses pains prodigieux,
Pour leur faim pulmonaire en souffrance de plèvre.
Après l’extrême-onction, Saint-Pierre ouvrit le glas.
On arrêta l’horloge empêchant que l’on souille
L’âme du boulanger, puis enfin l’on régla
Le chapelet nacré veillant sur sa dépouille.
La Maison « Cœur de pain » s’est voilée de Grand Deuil.
Le fournil s’est éteint tandis que l’on encrêpe
Les salons, le comptoir et le piano du seuil.
Jean n’est plus, mais sa maie n’a pas voulu du crêpe.
Ils se sont rassemblés, ses compagnons perdus,
Ne pouvant approcher l’autel sans confidences,
Sans partager le pain du vieux chantier ardu,
Puis ils se sont blottis, priant la providence.
Sous le pont Caulaincourt, le cortège stoppa
Face aux stèles illustres chevauchant l’histoire,
Fleurissant le chagrin qu’un voile enveloppa,
Le convoi se figea dans l’hommage oratoire.
Montmartre a recouvert sa mémoire de pleurs
Embrassant son défunt de camélias funèbres.
Meurtrie près du tombeau succombant sous les fleurs,
« Sa Demoiselle » offrit son cœur hors des ténèbres.
Épitaphe
À Jean le Compagnon de la Butte orpheline
Que nous accompagnons par l’amour de Laurine
Pierre Barjonet
Avril 2019
Chaton rose
Charles Aznavour " La Bohème "
Cliquer pour écouter cette musique, mais avant ou après lecture du poème afin de ne pas brouiller les paroles...
Chaton rose
« Peau d’lapin, peau d’lapin ! » Crie-t-il troublant les chats !
Agitant sa clochette en guise de démarche,
Le chineur a fourré sous ses soyeux achats
Une montre brisée, débris d’un patriarche.
Traquerait bien des chats, mais ce sont des lapins
À défaut de castors que l’on ouvrage en feutre.
Et pourtant sur la Butte un fou mit son grappin
Sur un tendre chaton, se sauvant comme un pleutre.
Essoufflé, transpirant, Pablo se croit un loup
Emmaillotant sa proie pour un vil sacrifice,
Mais c’est comme un agneau s’écartant des marlous
Que sa belle il séduit, par ce riche artifice.
Laurine avait prédit qu’à jouer les conquérants,
Pablo n’aurait de toit ni d’ici, ni d’Espagne.
De fait, le revoilà comme un fantôme errant
Entre ses toiles bleues grimaçant sans compagne.
S’arrimant au Lavoir échoué dans ce Bateau,
Trop fier pour quémander le pain de sa famille,
Il se noie le Pablo, se croit dans un château
N’entend que sa sirène en poses qu’il habille.
Bien que seul en son art, il peint tel un sculpteur
Modelant son modèle en baisers teints de glaise.
Il en veut à Laurine au regard occulteur
Des cubes disgracieux soulignant son malaise.
Mais un jour, il s’arma d’un saisissant chaton,
Le fourrant tout de go dans les bras de Fernande.
Et la voici qui pleure en miaulant à tâtons
La bouche de Pablo, félin de contrebande.
Lors, il se prit de rire offrant une souris,
Élevant ses petits tel un dieu sur son arche,
Donnant à son esquif l’aube qui lui sourit
Par la rose des vents lui soufflant sa démarche.
La bohème avait fait du misérable abri
Un logis bien exquis des amis, de sa muse,
Inspirés par le chat sautant comme un cabri
Sur des toiles joyeuses de rose et de ruse.
Pierre Barjonet
Avril 2019
Mariage bleu
Cantique : All Glory - Laud and Honor
Mariage bleu
Lorsqu’elle s’avança longeant l’éclat précieux
Que les vitraux au sol décoraient de lavande,
Laurine au bras de Jean songea qu’enfin les cieux
Éclairaient son bonheur, prolongeant sa demande.
José lui avait dit oui, murmurant au chevet,
Glissant en long baiser aussi doux qu’angélique.
Enfouissant désormais ses fantômes mauvais
Elle saurait l’aimer sans les regards obliques.
Enveloppée du voile enrobé des couleurs
Qui filtraient sous la nef comme des fleurs d’ogives
Son âme vint croiser l’amour sans la douleur
Et son cœur s’adossa dans la foi sans dérives.
Sa Chantilly de soie couvrit les vœux du temps
Dans l’échange d’anneaux glissés comme corolle,
S’offrant brodée d’espoir aux rives du printemps
Décorant les travées de larmes sans paroles.
Puis l’éblouissement des cloches et vantaux
S’ouvrant dans le soleil en couronne de roses,
Pétales de lumière aux parfums orientaux,
Mira sa frange d’or aux peintres sous hypnose.
La mode d’Angleterre avait guidé son choix
Des quatre objets secrets versés comme une obole :
Robe neuve et vieux gants, mantille en plumes d’oie
Que lui prêta Maureen et fleurs bleues du symbole.
L’horizon prit l’azur au banquet du « Train bleu »,
Du ballet des garçons chargés de plats en vogue
À la chorégraphie d’un décor fabuleux
Révélant l’apparat des fastes du prologue.
Soudain Sarah Bernhardt se fit la promotion
Sous les fresques dorées de quelques vers de Phèdre
Envoûtant les convives tremblant d’émotion
Dans cette antre de stuc, d’orient en bois de cèdre.
Quand la pièce montée, complice du repli
Vers la Sérénissime, invita nos idoles
Se berçant au ballast bordé du wagon-lit,
Tous deux dans le train bleu révèrent des gondoles.
Pierre Barjonet
Mars 2019
Vercingétorix
Ben-Hur : Parade of the Charioteers
Vercingétorix
Galopant tels des lions reprenant leur essor,
Les cavaliers gaulois prolongent l’artifice
D’enfoncer les Romains en priant que leur sort
Soit de mourir vaillants sans un vain sacrifice.
Le frisson partagé par ces mâles tribus
Résonne et fait trembler la foule palpitante
Quand soudain se déploient sans leurs vils attributs
Des amazones d’or, félines, excitantes.
La pantomime illustre opposant à César,
Lucter dit le Cadurque en cours de fiançailles
Et Vercingétorix aussi vif qu’un lézard
Soulève des vivats dont la piste tressaille.
Ah, comme on s’y croirait, tant l’ultime tableau
Incendiant les vestiges d’Alésia soumise
Emporte les clameurs de Laurine et Pablo ;
Le cirque triomphant vient de doubler sa mise !
L’hippodrome nouveau de Montmartre et Clichy
Inaugure en fanfare le Siècle en son arène !
Pablo seul est venu, mais sans s’être enrichi
Loge rue Gabrielle ayant rompu ses rênes.
L’immense bâtiment vaut bien le Colisée
S’ouvrant aux arts du cirque en colonnes de plâtre
S’élevant dans Paris en soufflant l’alizé
Epris du vent nouveau de cet amphithéâtre.
Sept mille spectateurs n’ont pas vu que la main
De Pablo chevauchait la danse des prouesses
Des lutteurs en guerriers, des jongleurs de demain,
Des chevaux alezans et des fauves sans laisses.
Son carnet de croquis se noircit du fusain
Foulant sous les sabots des vaincus en sanguine,
Et se lance en changeant le gui pour du raisin
Enivrant les druidesses à grands coups de mine.
Jamais le Boulevard n’avait autant vibré
D’un tel ravissement quand sortent les mondaines
Comme autant de vestales qu’on exhiberait
Illustrant la réclame du vainqueur des Ardennes
Pierre Barjonet
Mars 2019
Charité
Mozart " Requiem - Lacrimosa "
Charité
Dans un dernier sursaut, Victorine enlaça
Ce pauvre enfant ployant dans le brasier horrible,
L’étreignant dans la mort par la peur qui glaça
La foule condamnée hurlant d’un cri terrible.
Pourtant la charité célébrait au Bazar
Une fête joyeuse en tant que bienfaisance
Offerte aux miséreux sans le moindre hasard
Dans l’attrait d’un décor en présence d’aisance.
Était reconstituée la rue d’un vieux faubourg
Au pavé médiéval de tours et d’échauguettes
Et de mâchicoulis en carton qu’on rembourre
D’étoffes et papiers entre stands et guinguette…
Des comptoirs surprenants déversaient leur butin
De draps et de brocarts, de linge ou de dentelle
Et de colifichets gargouillant de lutins
Soutenant leur enseigne happant la clientèle.
Victorine était là, maternant les tissus,
Nettoyant au besoin les taches aux tentures,
Louée pour l’après-midi, comptée sans être issue
De la noble assistance offrant les devantures.
Ainsi se trouva-t-elle sans aucun souci
Dans ce Bazar béni du Nonce apostolique,
Fleuri par Son Altesse en la sœur de Sissi,
Partageant les bienfaits des pieuses catholiques.
Le cinématographe était en projection
Quand soudain s’enflamma l’éther des pellicules
Brûlant dans sa clameur toutes les directions,
Piégeant les malheureux, soudant les particules.
Prisonniers des tourments, leur sort est un enfer.
Et quand d’horribles gens piétinent le Carmel
D’autres se sacrifient laissant leur corps offert
Aux dames de leur suite, au peuple qu’elles mêlent.
Le cœur avait voulu fusionner dans l’honneur
L’héroïque Duchesse et notre blanchisseuse
Sauvant bien des enfants, leur soufflant le bonheur
De prier délivrés de la mort ravisseuse.
Pierre Barjonet
Mars 2019
La Savoyarde
La Savoyarde
Martelant du contre-ut, elle forgea sa voix
Au creuset d’Annecy fondant l’âme d’alliage
Du côté des massifs et des lacs de Savoie,
Offrant au Sacré-Cœur l’amour de son sillage.
Octobre avait plombé l’âpre chemin de croix
Menant vingt-huit chevaux tirant « la Savoyarde »,
Escaladant Montmartre en souffrance qu’accroît
L’embonpoint du bourdon loin de ses Chamoniardes.
Ce travail de titan n’est rien devant l’airain
Dont le secret Flamand, de ceux qu’on ne décroche,
A moulé dans les Alpes le son du terrain
Résonnant à Paris en colossale cloche.
« Occitan valeureux » en surnom de José
Caresse de ses yeux l’incroyable cortège.
Le Maître compagnon s’imagine doser
La masse du fardier en connaisseur stratège.
Le vacarme est partout, dégoulinant de nuit
Des cantons savoyards aux vapeurs de la gare,
Du sable que l’on jette aux pavés sous la pluie,
Des charretiers bridant les chevaux sans égards.
Mon Dieu qu’elle en impose la Dame « Paccard »,
Pesant dans les vingt tonnes en lé de dix mètres !
Elle atteindra bientôt, par ce puissant drakkar,
Les rives de la Butte en offrande à son Maître.
On la hisse en cortège en priant Saint-Denis
De protéger le bronze d’excès de la houle
En l’arrimant au mas supportant son génie,
Baptisée sans berceau puis bénie par la foule.
La Savoyarde aura l’horizon pour clocher
Sonnant loin des alpages, de son campanile
Faisant valser sa robe sans effilocher
Sa rivale d’Eiffel déjà presque sénile.
Laurine prévoyante, imagine demain
Fondre de chocolat la cloche brune opaque,
« Françoise-Marguerite » avec un parchemin
Déroulant la splendeur des délices de Pâques.
Pierre Barjonet
Mars 2019