Le piège
Gravure illustrant la visite de Louis XI au Cardinal de La Balue (1421/1491)
emprisonné et enchaîné dans l'une de ses "fillettes"...
(Voir la note n° 6, ci-après)
" La force du destin " Ouverture, Opéra de Giuseppe VERDI
Veuillez noter qu'il n'y a pas de lexique afférent à ce poème,
car inutile, d'autant que les notes de bas de page sont détaillées.
Sinon, n'oubliez-pas de visiter :
la rubrique SOMMAIRE avec un "résumé" :
Sommaire de La passion d'Antonin
et la rubrique CHRONOLOGIE :
Le piège
Le crissement des roues doublé du sifflement
Des tympans fracassant son crâne qui frissonne
Ravive la douleur de l’affreux renflement
D’une épaule enfoncée d’un coup qui désarçonne.
Antonin se redresse en maudissant le sort
Qui le vit s’attabler près des filles du bouge,
Retrouvant avec Jean du passé le ressort
Pour boire et s’enivrer de ces bières trop rouges.
Tandis que l’inconnue1 des agapes du bal
Les avait provoqués excitant leur adresse
À rafraîchir les pas des danses qui s’emballent
En gobelets trinquant sur un rythme en détresse,
Ils avaient vadrouillé, puis s’étaient retranchés
Dans un chaud cabaret2 en protégeant la fille
Des soudards et Chasseurs3, comme dans les tranchées
De leur fière Crimée, défendant leur Bastille.
Quand la rixe frappa, mêlant ces combattants,
Moussant dans les vapeurs de la sueur des ivrognes
Ils vomirent des cris et jurons de battants
En devinant le plan de l’infâme charogne...
Le marquis4, toujours lui, vint sonner l’hallali,
Ordonnant d’assommer nos amis en détresse,
Puis de les enlever dans la nuit qui rallie
L’abominable piège, aidé de sa maîtresse1.
L’attelage furieux emporte ces idiots
Pris dans le tourbillon des beuveries nocturnes
Et taraude l’espoir de lendemains cordiaux
En meurtrissant leurs os sans extrait de Saturne5.
Sans attendre l’aurore et sans ménagement,
Les voilà dérangeant le sol d’une oubliette
Réveillant sous les coups portés sauvagement
L’affront du déshonneur en ce piège aux fillettes6.
L’ombre de Katorga7 torture leur fardeau,
Mais l’amitié fidèle aux souvenirs se berce
En renforçant l’épreuve en guise de cadeau
Qui soude l’évasion des murs que l’on traverse.
1 Voir mon poème précédent « Retour » qui désigne cette « femme en cheveux ».
2 Cabaret se tenant rue du Pont, perpendiculaire à la rivière du Blavet, à Napoléonville (Pontivy).
3 Napoléonville accueillie à l’époque de ma saga et depuis 1811 le 2e Régiment de Chasseurs à cheval, en bordure du Blavet, au « Quartier Clisson » (déjà mentionné dans mon poème « Fierté ».
4 Cette « infâme charogne » de Marquis de Tuyère...
5 « L’extrait de Saturne » était une sorte de liqueur ou de pommade pharmaceutique réputée guérir les blessures des chevaux, à base de sous-acétate de plomb et de vinaigre bouilli, mais également utilisé pour soulager tous les maux de leurs cavaliers... On parle aussi « d’eau blanche ».
6 Je n’ai pas résisté à l’évocation des cages inventées par le roi Louis XI dans lesquelles les malheureux enfermés ne pouvaient se tenir ni debouts ni couchés, les fameuses « fillettes ». Le Cardinal Jean de La Balue (1421/1491), déchu par le roi, en fit la sinistre expérience, enchaîné durant... onze ans à Loches ! (Voir ci-avant, l'illustration)
7 Voir mon poème « Katorga » où Jean comme Antonin furent conduits au bagne russe avant qu’ils ne s’en évadent.
Pierre Barjonet
Juin 2022
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