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"Tri Martelod" (gavotte celtique) par Tri-Yann
Veuillez noter qu'il n'y a pas de lexique afférent à ce poème,
car inutile, d'autant que les notes de bas de page sont détaillées.
Sinon, n'oubliez-pas de visiter :
la rubrique SOMMAIRE avec un "résumé" :
Sommaire de La passion d'Antonin
et la rubrique CHRONOLOGIE :
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Bénissant leur retour, la durée d’un printemps,
En sa terre bretonne bordée de bruyères,
Elen1 étreint le cœur des amis empruntant
Leurs chemins d’autrefois débordant les frontières.
Anne est restée là-bas, veillant sur leur Comté,
Accordant à ses hommes leur courte escapade
Au pays des genêts, parés pour raconter,
Les Jardins d’Angleterre2 en guise d’embrassades.
Austerlitz3 a souri, moquant son fils anglais,
Un baron de surcroît et milord d’outre-Manche
Ayant pris un accent à manquer d’étrangler
De rire à se damner les poivrots du dimanche.
Les petits4 ont changé, débordants de vigueur,
Affichant la fierté d’Elen et de ses nonnes
Et des parents de Jean tirés de leur langueur,
Ne jurant que par Louis3, leur héros qui canonne.
C’est qu’il faut les entendre enjolivant son duel,
Fanfaronnant, mimant du marquis la défaite,
Et d’Austerlitz la gloire en respect perpétuel,
Intriguant nos amis aux mines stupéfaites.
Puis le maire a convié ces Bretons gentlemans5,
Leur offrant en plein air le banquet des vertiges,
Régalant à l’envi flatteurs ou nymphomanes
D’exquise inclination frivole ou de prestige.
Déplaçant un bouquet, une femme en cheveux6
Lorgne Antonin de près en éventant la table
De son regard ardent cillant de tics nerveux,
De sa bouche gourmande aux lèvres redoutables.
Antonin s’est piqué d’ignorer son culot,
Bien que la péronnelle aux élans de coquette
Déborde sa défense allumant le brûlot
De son maintien soyeux parfumé de conquêtes.
Soudain le jeu bascule en vive farandole
Expédiant la tablée sur un air de gavotte7,
Débauchant l’Antonin comme si Rocambole8
Eût changé sa pudeur en soupirs de dévote.
1 Elen, personnage de fiction née en 1830, que l’on n’a pas oubliée, est dans ma saga une religieuse de la congrégation des sœurs de Kermaria « Sœur Elen », enseignant les enfants au château de Napoléonville (Pontivy) en Bretagne. Fille aînée des Ducs de Rohan (toujours dans ma fiction), elle est la sœur aînée d’Anne. En 1863 elles ont donc respectivement 33 ans (Elen) et 27 ans (Anne). N.B. Anne et Antonin sont nés la même année, en 1830.
2 Les « Jardins d’Angleterre » que j’ai déjà évoqués dans mon poème « Baronnie » désignent le Comté du Kent considéré comme un véritable joyau du Sud-Est connu pour ses jardins fleuris et verdoyants, ses châteaux aux parcs vallonnés et ses côtes aux falaises spectaculaires.
3 « Austerlitz » est comme on le sait maintenant, le surnom de Louis Weber (58 ans en 1863), père d’Antonin (27 ans en 1863).
4 Toujours dans ma saga, Rose (17 ans en 1863) et Cédric (15 ans en 1863) sont les deux petits orphelins qu’Antonin avait sauvés des eaux lors de la tragique noyade de leurs parents dans l’Aube en 1853 (ils avaient alors 7 et 5 ans). Voir mes poèmes « L’Aube » et « Pitié »). Il les avait ensuite confiés au bon curé de Bayel avant que de les transférer définitivement pour adoption aux parents de Jean à Napoléonville et aux bons soins d’Elen pour leur instruction.
5 Gentlemans ou gentlemen ? J’ai opté pour le pluriel français « gentlemans » ...
6 Une « femme en cheveux » était « une moins que rien ». C’était une femme qui ne portait pas de coiffure (ni coiffe ni chignon) ni chapeau en public, ce qui au 19e siècle était inimaginable et tout à fait scandaleux ! On disait aussi « sortir en cheveux » donc sans aucune autre coiffure que ses cheveux. Mais souvenez-vous qu’avant 1968, les jeunes filles de certains lycées comme « Hélène Boucher » à Paris, se devaient d’être uniquement en jupe portant les cheveux noués ou attachés. Comme quoi...
7 La gavotte est une danse traditionnelle populaire du folklore breton qui se pratique en se tenant la main, en d’immenses rondes.
8 L’écrivain et néanmoins vicomte Pierre de Ponson du Terrail (1829/1871) créa en 1857 le personnage de « Rocambole ». Neuf romans mirent donc en scène les exploits de ce héros publié sous la forme de feuilleton intitulé « les drames de Paris » dans le journal « La Patrie ». Tour à tour, malfaiteur, voleur, usurpateur d’identité, bagnard et imposteur, il finit par s’engager sur le chemin de la rédemption en se faisant justicier plutôt au service des pauvres gens, mais toujours en marge de la société. On dit depuis d’un récit incroyable narrant des aventures invraisemblables qu’il est « rocambolesque ».
Pierre Barjonet
Mai 2022
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