Volailles
Affiche de propagande
de la Guerre d'Espagne
Chant de la Guerre d'Espagne
"El paso del Ebro" ou "Ay, Carmela"
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Volailles
La chaleur des pavés donne aux lampions du bal
La troublante impression d’ombres qui se déplacent
Recouvrant à midi les mets que l’on déballe
Et passant en revue les tréteaux de la place.
Ce soir on dansera, cédant au palpitant1
De ces « congés payés »2 la liesse populaire
Au Tertre de la Butte, à ce point crépitant
Des volailles rôties, qu’on dirait insulaire.
Valentine et Laurine en plumant les poulets
S’épongent du soleil et se poussent du coude
Quand l’œil du rémouleur se prend à roucouler,
Meulant son compliment aux belles qui le boudent.
Elles rient de bon cœur, repoussant les tourments
D’un Monde qui s’enflamme à l’astre des ténèbres
Des Ligues et Partis de dictateurs gourmands
Découpant l’univers en galette funèbre.
En cette fin juillet, l’illusion du Grand Soir
S’en vient mouiller de larmes le sable des grèves
Des arènes d’Espagne à la Prusse en sautoir
Et du cuir sibérien des bottes loin des rêves.
Regardant Irena jouant avec le duvet
Tapissant la chaussée, leur sourire se fige ;
Un présage mauvais réchauffant l’étuvée
De la guerre en ragoût, brusquement les afflige.
On a su que Manuel avait rejoint Madrid
En moissonnant « 36 » et ses villes taurines,
Alors que Paris chante en cette année torride
« La marquise3 » insouciante, exaspérant Laurine.
José s’écarte seul, pleurant sur l’Aragon,
Et sur les tirailleurs que l’on réquisitionne
Contre Mère-Patrie, transformant en dragons
Ses poilus de quatorze en tueurs que l’on missionne.
La fête bat son plein brocardant rondement
L’ouvrier des faubourgs tatoué de certitudes,
Le bourgeois parisien boursier sans rendement,
D’une époque sombrant sous d’autres latitudes.
1 Le « palpitant » ou le cœur ;
2 salariés bénéficiant des tout nouveaux congés payés de 1936 ;
3 chanson de 1935 « Tout va très bien, madame la marquise »
Pierre Barjonet
Mars 2020
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