Rumeurs
" La parlote " de et par Jacques Brel
Afin de ne pas entraîner de confusion avec la lecture du poème,
il est recommandé d'écouter cette chanson séparément.
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donnant des précisions indispensables de vocabulaire, sites et dates historiques :
Lexique Antonin, Saison 4 , Episode 4, Rumeurs
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Sommaire de La passion d'Antonin
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Rumeurs
La nouvelle a surpris le pays engourdi
Tiré d’un long hiver assoiffé de lumière,
Quand la presse engagea ses lecteurs dégourdis
À parer la cité d’attentions coutumières.
Napoléon viendrait cet été recevoir1
En garnison d’ici, les peuples de sa ville,
L’hommage des Bretons bénissant leur devoir
Et l’allégeance enfin, des notables civils.
Inaugurant de fait le canal jusqu’à Brest2,
La région se verrait pavoiser sa fortune
D’accueillir l’empereur et sa suite si preste
À parader jalouse en livrées opportunes.
Mais il se dit aussi que l’on rendrait honneur
Aux valeureux enfants revenant de Crimée,
Dont les vaillants hussards retrouvant le bonheur
De défiler altiers décorés et primés.
À Napoléonville on s’attable aux bistrots
Quérir de vains propos glanés de source sûre,
Et chacun de confier des ragots magistraux,
Des rumeurs de confesse en secrets qui rassurent.
Les nonnes du château pressent leur cher Recteur3
D’entreprendre en chorale un chant d’action de grâce
Auprès de leurs enfants louant leur protecteur
Et d’offrir au monarque un livret de sa trace.
La famille de Jean s’inquiète d’un tailleur
Pour habiller son fils d’un dolman4 d’élégance,
Pour vêtir Antonin non point en brétailleur,
Mais en hussard brillant, fier et sans arrogance.
Elen a entrepris de convaincre sa sœur5
D’arrêter de bouder dans son antre d’ermite
D’oublier ses vitraux au profit de douceurs
En nouvelles toilettes brodées et sans mites.
Et partout dans la ville, à l’office, au marché,
Fleurissent en rubans des rêves de dentelles,
De la soie crinoline à ne pouvoir marcher,
Des coiffes6 ouvragées par d’humbles parentèles...
1 À la suite de l’attentat d’Orsini survenu contre sa personne le 14 janvier 1858, Napoléon III entrepris de visiter la Bretagne avec l’impératrice Eugénie et leur fils le prince impérial, en août 1858. Le 16 août, ils visitèrent Napoléonville (Pontivy rebaptisée).
2 Le canal de Nantes à Brest qui passe par Pontivy et Josselin (où exerce Anne dans mon récit), fut inauguré par Napoléon III en 1858.
3 Le recteur est (ici) le supérieur des sœurs de Kermaria « Filles de Jésus », mais comme c’est le cas en Bretagne, il est également curé.
4 Le dolman est la veste des hussards d’Empire, brodée de brandebourgs et, elle-même rehaussée d’une pelisse.
5 Il s’agit d’Anne, âgée ici en 1858 de 22 ans, vitrailliste demeurant à Josselin et sœur cadette de Sœur Elen, religieuse à Napoléonville (Pontivy) âgée alors de 28 ans.
6 Coiffes bretonnes
Pierre Barjonet
Septembre 2021
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