Lexique Antonin, Saison 2 , Episode 9, Chaume
LEXIQUE LA PASSION D'ANTONIN
SAISON 2 " LUMIÈRE D'ORIENT "
ÉPISODE 9 " CHAUME "
Désolé mes chères et chers ami-e-s de vous imposer ce lexique assez long constitué de trois parties à lire à votre rythme, mais " le jeu en valait la chandelle " tant le passé historique de Paris mérite qu'on s'y arrête.
Prenez votre temps, rien ne presse...
Avec ma reconnaissance pour votre fidélité
Pierre
Lien vers le poème : Chaume
LE QUARTIER DU TEMPLE DANS LE MARAIS, LE CIMETIÈRE DES SAINT-INNOCENTS, LES RECLUSOIRS (Chaume)
1/ LE QUARTIER DU TEMPLE DANS LE MARAIS
La rue du Chaume ouverte à la fin du XIIIè siècle avec les rues du Grand Chantier et des Enfants Rouges formaient autrefois un ensemble appelé différemment au fil des ans, mais bien connu en tant que rue Neuve-du-Temple ou rue du Chantier du Temple, rue de La Merci, ou rue de la Porte du Chaume...
El le 54 rue des Archives, actuel - qui abrite à l'automne 1974 dans mon poème le nouvel atelier de Valentine, mère d'Irena (voir La romance de Laurine) - se tient précisément à l'emplacement de la Porte (ou poterne) du Chaume ouverte en 1288 : l'une des cinq portes de l'enceinte de Philippe-Auguste qui ceinturait "Paris".
Ainsi, la rue principale qui s'ouvrait sur cette porte, traversait-elle le Quartier de La Ville-Neuve-du-Temple, véritable ville dans la ville bâtie par l'Ordre des Templiers jusqu'à ce que l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem dit "des Hospitaliers" ne lui succède après sa dissolution par le roi Philippe IV-le-Bel en 1312.
Au coeur de cet "enclos" lui-même protégé par une enceinte fortifiée, se tenait la "Maison du Temple", véritable forteresse médiévale avec son donjon "La Tour du Temple", servant de principale Commanderie de France de l'Ordre des Templiers.
L'Ordre du Temple fut créé lors du fameux Concile de Troyes en 1129. Et ses "pauvres chevaliers du Christ" des débuts ne tardèrent pas à s'enrichir grâce aux croisades et à des privilèges incluant des exonérations d'impôts. Ils créèrent dans toute l'Europe des "monastères" ou "Commanderies", aux richesses incomparables, gardant des trésors royaux et prêtant aux rois... Aujourd'hui encore, perdure la légende du ou des trésors des Templiers.
Sa chute fut bien évidemment politique en rapport aux luttes intestines des papautés (Avignon) et du roi de France Philippe-le-Bel. Après un simulacre de procès en hérésie, ses chevaliers furent transférés dans d'autres ordres religieux ou condamnés et torturés à mort. Leur Grand Maître Jacques de Molay et le Commandeur de l'Ordre Hugues de Pairaud furent brûlés vifs à Paris à l'emplacement actuel du "Vert Galant", petit square en bordure du Pont Neuf, réunissant plusieurs îlots autrefois dont " l'Île aux Juifs ".
Il faudra attendre 1667 pour que l'enceinte du Temple soit démolie et que ne la remplacent de nombreux hôtels particuliers débordant largement ce qu'on appelle aujourd'hui "le Quartier du Marais". Notre Paris du XXIè siècle compte environ 400 hôtels particuliers sur les 2.000 que l'on trouvait encore au XVIIIè, XIXè siècle. La Place des Vosges, ancienne Place Royale, abrite toujours face à face " le pavillon du Roi" "et " le pavillon de la Reine " qui restent les deux seuls hôtels particuliers de cette place qui en comptait trente-six.
C'est dans ce donjon transformé ensuite en prison "La Prison du Temple" que le roi Louis XVI, sa femme Marie-Antoinette et leurs enfants, furent enfermés en 1792. Il sera détruit par Napoléon 1er.
Je vous recommande la lecture des "Rois Maudits" de Maurice Druon et, ou la remarquable série télévisée de 1972/73 avec Jean Piat.
La rue des Archives aujourd'hui
L'Hôtel de Clisson, rue des Archives
Le n° 54 de la rue des Archives, aujourd'hui
(dans lequel habite Valentine - dans mon poème -
avec son atelier de sculpture dans la cour)
son emplacement (n°54 sur l'étoile bleue)
et la Porte du Chaume au même endroit, hier...
Le Temple en 1450
et en 1770
Maquette de l'Enclos du Temple (Musée Carnavalet)
Commanderies des Templiers au XIIIè siècle en Europe !
L'emplacement du bûcher de Jacques de Molay au "Vert-Galant"
Vidéo reconstituant le Donjon du Temple dit de " la Grosse Tour "
dans lequel furent enfermé Louis XVI et sa famille.
Publication de l'association "Temple de Paris" :
https://www.templedeparis.fr
La Tour du Temple reconstituée à son emplacement...
par l'association "Temple de Paris"
La Place des Vosges, ancienne Place Royale
en 1709
et aujourd'hui (evec les deux pavillons du Roi et de la Reine qui se font face
2/ LE CIMETIÈRE DES SAINT-INNOCENTS
Ce cimetière tenant son nom de l'église disparue des " Saint Innocents ", se situait dans le quartier anciennement des Halles de Paris, non loin du quartier Beaubourg ni de fait, du Marais (Paris 1er). Aujourd'hui, il n'en reste rien, sauf la Fontaine des Innocents, construite en 1260, mais reconstruite et maintes fois déplacée pour être au coeur de l'actuelle place Joachim-du-Bellay.
Très ancien et connu depuis les Mérovingiens, il rassembla durant six siècles les dépouilles de 22 paroisses parisiennes pour en devenir le plus important cimetière de la capitale avec près de deux millions de corps au total de son utilisation jusqu'au XVIIIe siècle ! À l'origine il se tenait à l'extérieur du Paris intra muros, mais rapidement il prit une telle ampleur que désormais dans la ville, il fallut bientôt le fermer de murs et de remparts pour limiter les pestilences qui s'en dégageaient...
Dites-vous bien que ce cimetière Moyenâgeux ne "fonctionnait" pas selon nos habitudes traditionnelles. D'une part, il a évolué au fil des siècles en répondant aux nécessités de son emploi comme aux coutumes des époques traversées. D'autre part, il se vit être au coeur de la vie parisienne en tant qu'adaptation parallèle à sa vocation première d'ensevelir les morts, pour avoir deux reclusoirs (voir ci-après), une fontaine, un ossuaire monumental, un marché - oui, un marché - et servant même de terre d'asile aux vagabonds et brigands !
Sur son vaste terrain meuble dont on disait que la terre " mangeait un cadavre en neuf jours ! " se trouvait une fosse commune pour les pauvres, pouvant recevoir 1.500 cadavres ainsi qu'une autre pour les nantis bénéficiant de cercueils de bois. Il n'y avait pas de tombes comme on se les représente avec des dalles de pierre, sauf quelques-unes de noble extraction.
Et pour libérer les fosses communes, on y récupérait les ossements encore frais (...) que l'on disposait tout autour du cimetière ainsi bordé de bâtiments dans d'immenses charniers ; lesquels étaient entreposés à claire-voie dans les étages supérieurs et sous les combles de ces constructions ouvertes à tout vent... En rez-de-chaussée, les immeubles reposaient sur des galeries à colonnades servant d'étals pour un marché permanent très fréquenté !
Au départ, ces colonnades étaient agrémentées de fresques lugubres et de bas-reliefs mortuaires montrant la vanité humaine illusoire, mais très vite des boutiques de modistes, de luthiers, de ferroniers et de lingères occupèrent l'espace avec en prime des amuseurs de foire, des jongleurs et autres charlatans et même... des prostituées ! Il est vrai que l'Église ayant loué sans scrupules cet espace, elle n'y voyait que des avantages.
Mais c'est la nuit que ce cimetière prenait des airs de fête démoniaque où l'on dansait et chantait en jouant les acteurs improvisés non sans que des miséreux se réchauffent l'hiver en brûlant des ossements, au grand dam les anathèmes inutiles lancés par l'évêque !
Au Moyen-Âge, il était impossible de le traverser seul, surtout la nuit car il servait également de repère à des bandes de brigands, ainsi protégés des gens d'armes et de la maréchaussée, tout comme dans les églises, par le Clergé et le Roi.
Au XVIIIè il était de bon ton de s'y retrouver en galante compagnie dans cet enclos fort couru du " tout Paris " et de s'y faire écrire des lettres d'amour et billets galants sous les vapeurs fétides et cadavéreuses des ossements en putréfaction des étages au dessus... !
En 1669, en élargissant la rue de la Ferronnerie, on détruisit l'un des principaux charniers pour le remplacer par une immense immeuble à arcades de 120 mètres de long. Plus tard, des caves s'écroulèrent sous le poids des ossements du bâtiment et décision fut prise en 1786 de le " déménager " aux catacombes (sous la " Tombe-Issoire " dans le 14ème arrondissement) où s'y trouvent toujours aujourd'hui ces ossements historiques : certains remontant au massacre de la Saint-Barthélémie (24 août 1572).
En rouge l'emplacement de la Fontaine et de l'ancien cimetière des Innocents,
en bleu les anciennes Halles et en vert Beaubourg.
Le cimetière des Innocents au Moyen-Âge
son charnier...
La Fontaine des Innocents à l'emplacement de l'ancien cimetière
devenu un marché en 1822
et en 1850
La fontaine aujourd'hui
3/ LES RECLUSOIRS
Quant aux reclusoirs, il s'agissait d'une tradition bien ancrée au Moyen-Âge qui voulait que des jeunes femmes s'enferment à vie volontairement dans une sorte de maisonnette minuscule d'à peine 10 m2 située à proximité d'une église et sur un cimetière où elles étaient emmurées vivante.
Certaines y ont vécu de très nombreuses années jusqu'à leur mort, voire des décennies comme Alix La Burgotte, religieuse, morte en 1466, quarante-six ans après son emmurement dans le reclusoir bâti pour elle dans le cimetière des Innocents.
Pour bien comprendre cette incroyable tradition en vogue dans toute l'Europe du XIe au XVIe siècle, concernant environ 300 recluses simultanément au total des villes, il faut se mettre " dans la peau " du Moyen-Âge où l'on cohabitait en permanence avec la mort (espérance de vie de 30 ans), où les épidémies comme la peste frappaient, où la famine, les pillages des bandes de brigands et les guerres étaient lot quotidien, où l'on mourait en couche et en bas âge, etc.
Dès lors, le statut de recluse emmurée vivante après que l'évêque ait agréé la postulante volontaire puis lui avoir administré l'extrême-onction lors d'une cérémonie rituelle était une solution vertueuse recherchée pour échapper à la faim et la misère tout en bénéficiant de l'assurance d'être pardonnée de ses péchés par Dieu et ses anges dans ce lieu sacré.
D'une manière générale, ces postulantes à l'enfermement irréversible étaient des " filles perdues " en grande détresse bien souvent victimes de viols, ayant la foi chevillée au corps, des prostituées repentantes en référence à Marie-Madeleine convertie par le Christ, mais aussi des religieuses, voire des Dames de haute extraction.
Le suicide étant interdit par l'Église et voué aux enfers, la réclusion pouvait aussi apparaître comme un sacrifice de sa vie légitimement absous.
Alors que toutes ces malheureuses n'étaient nullement préparées à une telle condition de recluse, comme d'ailleurs les laïcs à la différence des religieux habitués au silence et à l'isolement des cellules monastiques, elles s'en remirent à l'Église pour se charger de leur enfermement matériel et spirituel dont la seule issue était celle du ciel.
En effet, les villes les considéraient presque comme des saintes et leur offraient à vie la charité (nourriture, " vêtements ", chauffage, crucifix, une table, une chaise, une paillasse et... un toit) par cette minuscule maison fermée, avec seulement une petite ouverture pour leur nourriture et une autre pour évacuer leurs excréments.
Elles pouvaient assister au culte, car ces réclusoirs étaient la plupart du temps adossés à une église, avec une lucarne grillagée attenante. En contrepartie (!) de leur réclusion, elles devaient prier constamment pour le salut de la communauté, consoler de plus démunis qu'elles (!), faire état de leurs visions spirituelles, conseiller les chrétiens qui les visitaient à travers leur minuscule fenestrelle infranchissable et même faire l'aumône à des nuées d'enfants affamés...
Certaines recluses forcèrent l'admiration de leur époque telles Juette de Huy mariée de force à 13 ans et veuve à 18 ans avec trois enfants que sa famille lui retira pour son refus de se remarier, ou Alix la Burgotte dont le Roi Louis XI, admiratif et reconnaissant pour sa dévotion puisqu'il la consultait à l'occasion, lui offrit sa sépulture en marbre dans l'église des Innocents !
Et d'une certaine façon, Victor Hugo leur rendit hommage en évoquant le reclusoir construit par madame Rolande dans la muraille de sa propre maison suite au deuil de son père parti en croisade, dans " Notre-Dame-de-Paris "...
Aujourd'hui, la réclusion ne s'apparente plus à un voeu de perfection divine, mais à une peine punitive imposée par la loi aux condamnés.
Le reclusoir des Saints-Innocents
La cérémonie d'enfermement sous la bénédiction de l'évêque
Le chevalier Perceval se rendant à la recluserie (reclusoir)
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