Lexique Antonin, Saison 2 , Episode 8, Les brèches
LEXIQUE LA PASSION D'ANTONIN
SAISON 2 " LUMIÈRE D'ORIENT "
ÉPISODE 8 " LES BRÈCHES "
Lien vers le poème : Les brèches
LE PLATEAU BEAUBOURG ET LE CENTRE POMPIDOU, LES HALLES ET LES PAVILLONS BALTARD (Les brèches)
Paris n'a jamais cessé de se transformer pour donner vie à de nouvelles constructions en tirant plus ou moins un trait sur le passé. Par exemple, on ne comptait pas moins de 7 " îlots insalubres " et 4.500 immeubles malsains dans le Paris du XXè siècle.
Ainsi, le Carreau des Halles avec ses douze pavillons édifiés de 1852 à 1870 par Victor Baltard (1805/1874) fut détruit en 1969, tandis qu'à son tour, le Plateau Beaubourg où s'élevait autrefois le cimetière des Innocents (dont je parlerai dans un prochain lexique) fut rasé pour voir s'édifier une construction incroyable d'Art moderne dans tous les sens du terme, bâtiment y compris, à compter du printemps 1972.
1/ LE PLATEAU BEAUBOURG ET LE CENTRE POMPIDOU
BEAUBOURG, c'est d'abord une vision, celle d'André Malraux, ministre de la Culture du Général de Gaulle qui, dès 1962, envisagea la création d'un grand Musée du XXe siècle. Mais ce fut le Président Georges Pompidou qui en concrétisa l'idée en lançant en décembre 1969 un concours international d'architecture pour créer ce Centre culturel voué aux expressions artistiques contemporaines et à la lecture publique (bibliothèques).
Pour l'édifier, on rasa - dans le prolongement d'ailleurs des larges "percées" du Baron Hausmann du Second Empire - les rues, ruelles, impasses et les allées bordées encore de maisons du Moyen-Âge de cet " îlot vétuste "dans ce qui est devenu le très chic " Quartier de l'Horloge " avec sa place (Piazza) attenante au " Centre Pompidou ". Ainsi les rues historiques telles la rue Brantôme (mon poème), la rue Brisemiches, la rue des Lombards, la rue de La Reynie ou la rue du Renard du quartier Saint-Merri (Paris 4e) furent-elles démolies ou modifiées.
Inauguré après la mort de Georges Pompidou en 1977, par Valéry Giscard d'Estaing ce Centre National d'Art et de Culture Georges Pompidou - C.N.A.C. entraîna des modifications structurelles historiques bouleversant largement le plateau Beaubourg sous l'emprise des travaux titanesques d'excavation puis d'élévation rendus nécessaires.
L'impact sur la population et la circulation parisienne de cet édifice ultra moderne en plein coeur de Paris fut énorme !
Au fur et à mesure de la construction, lorsque surgirent des poutrelles apparentes dressées en évidences, des escaliers extérieurs, des colonnes métalliques ainsi que des conduits, tuyaux, gaines de ventilation et canalisations énormes visiblement laissés volontairement en bordure extérieure du bâtiment, les cheveux se dressèrent sur la tête des curieux et les langues ironiques, sceptiques et critiques se délièrent ! Il y avait les " pour " et les " contre " (voir mon poème).
Et que dire des avis furieux quand les artisans peintres se mirent de la partie avec du rouge vif (escalators), du vert (eau), du bleu (air climatisé), du jaune (électricité) et du blanc sur ces espèces de manches-à-air d'un " vaisseau échoué là, lamentablement " ou de cette " raffinerie de pétrole " !
Mais il faut savoir que les architectes Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini avaient conçu cet immense bâtiment de plus de 103.000 m2 dédié au public en consacrant volontairement le maximum de sa surface au musée, et en rejetant donc à l'extérieur et sous terre les aspects techniques des canalisations et autres dispositions logistiques et de services.
Certains pourtant, se disaient qu'il ne s'agissait que d'échafaudages provisoires que l'on retirerait bientôt... En fait, on eut là, le même débat polémique et virulent que lors de la construction de la Tour Eiffel, ou plus près de nous, de la flèche de Notre-Dame...
Le parking Pompidou avant... en 1970
la rue Brisemiche...
La " couleur logique "
La " Piazza " actuelle
2/ LES HALLES ET LES PAVILLONS BALTARD
Quant au " Trou des Halles ", autre " brèche " remarquable du XXème siècle, il survint suite à la décision prise en 1969 de supprimer les halles alimentaires du coeur de Paris pour les déporter en banlieue à Rungis (94) et à la Villette. Les besoins alimentaires de la capitale avaient explosé depuis la création des pavillons Baltard près d'un siècle auparavant...
La destruction des pavillons ne se fit pas non plus sans problème, mais le Président Pompidou se montra intraitable et confirma cette décision prise depuis 1960 par Michel Debré alors premier ministre.
De tous temps, Paris avait bénéficié d'un marché dans cet espace vivant et très recherché de la rive droite, au Marais, près du Châtelet et du Temple, et ce, depuis le Roi Philippe Auguste qui, chassant les Juifs de Paris, fit élever à leur emplacement un marché dans le quartier des Champeaux.
Cet ancien marché du Moyen-Âge jouxtait littéralement le fameux cimetière des Innocents. Et malgré les épouvantables problèmes de circulation, d'hygiène et de manque d'espace occasionnés par ces marchés alimentaires au coeur de la ville, jamais auparavant il n'avait été question de s'en séparer.
Victor Baltard, architecte réputé, avait déjà construit un imposant bâtiment de pierre en 1851 pour remplacer les anciens marchés obsolètes, incommodes et manquant d'hygiène. Mais Napoléon III n'aimait pas cette construction trop massive vite surnommée " Le fort des Halles ".
Influencé par la toute nouvelle Gare de l'Est faite de métal et de verre, et naturellement par les goûts modernes de son épouse l'Impératrice Eugénie fascinée par l'incroyable " Crystal Palace " de l'Exposition Universelle de Londres, l'Empereur fit stopper ces travaux et demanda aux préfets Haussmann et Rambuteau d'élaborer un nouveau projet.
Victor Baltard remporta le concours d'architecture lancé en 1848 (Coucou, Antonin !) pour un réaménagement complet de ce secteur des halles, et conçut entre 1852 et 1870 douze pavillons révolutionnaires car propres, hygiéniques, spatieux, cohérents et très lumineux !
Faits entièrement de fer et de colonnettes en fonte ainsi que de verre, dont des lames horizontales astucieuses de ventilation, l'agencement des pavillons était rectiligne et séparé par une allée centrale adossée à l'église Saint-Eustache. La nouvelle surface de 34.817m2 quadruplait la précédente de 8.860 m2, mais pour ce faire, de nombreux immeubles furent détruits ainsi que des rues supprimées ou transformées imposant des expropriations...
Ces pavillons s'organisaient selon le principe d'une distribution de marchandises affectée globalement par genre et par pavillon. Ainsi, l'on trouvait en 1892 le pavillon 3 qui recevait la viande, le 4 la volaille et le gibier, le 5 la triperie, le 6 les fruits et légumes, grains et farines, le 7 les fruits au détail et fleurs coupées, le 8 les gros légumes, le 9 la viande en gros et les poissons d'eau douce et la marée, le 10 le beurre et les oeufs, le 11 la volaille au détail, les primeurs et la viande cuite, et le 12 les fromages et les huitres.
Le fameux roman d'Émile Zola, " Le ventre de Paris " laissa à la postérité l'expression de " ventre de Paris ". Mais le sort des halles devenues comme déjà dit, tout à la fois obsolètes, insuffisantes pour nourrir une population passant de 1.500.000 habitants en 1860 à 2.900.000 avant la guerre de 1914 (2.300.000 en 1975), et manquant d'hygiène, fut scellé avec son déplacement vers le nouveau " Marché d'Intérêt National " de Rungis.
Le transfert des Halles fut qualifié de " déménagement du siècle " car il mettait en oeuvre pas moins de 20.000 intervenants, 1.000 entreprises, 10.000 m3 de matériel, 5.000 tonnes de marchandises et 1.500 camions ! De plus, craignant que des rats n'investissent les rues à la recherche de cette manne que constituait la nourriture disparue, on déversa dix tonnes d'aliments empoisonnés sur le terrain abandonné, occasionnant la mort de 20.000 rongeurs...
Et même si ce que les Pouvoirs Publics de l'époque qualifiaient de " cancer de Paris " décidant avec responsabilité le transfert justifié des Halles parisiennes, il n'en demeure pas moins que la destruction purement et simplement du joyau architectural constitué par les douze pavillons Baltard restera dans l'histoire comme une erreur insigne.
Les riverains, les parisiens et toute une partie de la population manifestèrent avec force leur opposition à cette décision, parfois réprimée avec fermeté.
Seul un pavillon fut sauvé, pour être démonté puis remonté à Nogent-sur-Marne le 6 janvier 1976, le n° 8 qui abritait les oeufs et la volaille (au XXè siècle). Devenu depuis, " Le Pavillon Baltard ", classé Monument historique en 1982, il accueille toutes sortes d'expositions culturelles et artistiques ainsi que des émissions de télévision, des spectacles et des concerts. Cerise sur le gâteau : il accueille en son sein depuis 1980 le grand orgue Christie du cinéma Gaumont-Palace fermé en 1972.
L'espace libéré par les Halles devint tout d'abord en 1979 le " Trou des Halles " révélant une excavation énorme sidérant les riverains, puis le " Forum des Halles " abritant le nouveau R.E.R. et un centre commercial de 190 enseignes réparties sur quatre niveaux, plutôt mal conçu et fort laid.
Trente ans après, face à son déclin architectural de " ruine fissurée " et sa mauvaise réputation de lieu de débauche, d'insécurité et de drogue, un nouveau projet de remplacement fut lancé en 2004 pour être finalement inauguré en 2016 avec la démolition de bâtiments de béton et la création d'une structure aérienne en verre " la canopée " jouxtant un jardin et coiffant un patio central végétalisé, et accueillant une médiathèque, un conservatoire et un centre culturel hip-hop pour un budget initial de... 760 millions d'euros !
Les Halles en 1830 :
Le plan de Baltard en 1852 :
Les Halles en 1866
Les Halles à la Belle Époque
Les Halles en 1967, 1969
de nuit...
Destruction des pavillons Baltard
Les Halles puis leur démolition
(N.B : la démolition se situe plutôt en fin de vidéo)
Le " trou des Halles "
Le Pavillon Baltard :
Le Forum des Halles :
avec la canopée :
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