Carnet de bal
Carnet de bal
Caressant la nacre du carnet retrouvé,
Le temps lui rappela sa robe mousseline,
Quand fière et provocante elle avait réprouvé
Qu’on lui prête un mari d’allure pateline.
Ne goûtant pas le bal des galants de Navale,
Sa gifle avait figé cet amant en cavale.
Et l’Opéra surgit des feuillets du carnet
Suranné du succès des discrètes violettes
Parfumées et sucrées des prénoms en cornet,
Lui berçant la mémoire enfiévrée sous voilette.
Quadrilles et galops, Valses et mazurkas
Enchaînant leur tempo, se piquent de polkas !
La dentelle meurtrie de son carnet de bal
Lui sembla ce linceul orfévré de poussière
Dont elle aurait paré l’homme au pêché global,
Déniant aux soupirants une allure princière.
Dansant en se moquant des critiques peu feintes,
Jamais ne plongerait son âme en demi-teinte.
Emportée par la ronde et sans que s’atténue
Le rubis de ses joues, son carnet la corsète,
S’appliquant à forcer ses rires ingénus
Qui lui faisaient creuser de charmantes fossettes.
À l’éclat du grand lustre, au bronze des flambeaux,
Elle aurait préféré l’éventail en lambeaux.
Soupirant à l’oubli de la désolation
Du bal de ses vingt ans, complice de pucelle,
Repose le témoin de ses flagellations
Refusant les tourments d’un bonheur qui chancèle.
Ce fut sous les lilas, bal de la closerie
Qu’elle engagea son cœur épris de boiserie.
Pierre Barjonet
Octobre 2015
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