Chorégraphie
Vitrail de la basilique " Notre-Dame du Roncier " à Josselin
" Tannhaüser " (ouverture) de Richard Wagner
Exceptionnellement, il n'y a pas d'article correspondant
à ce poème dans le Lexique, car inutile, sachant que les notes de bas de page de ce poème sont assez complètes.
Sinon, n'oubliez-pas de visiter :
la rubrique SOMMAIRE avec un "résumé" :
Sommaire de La passion d'Antonin
et la rubrique CHRONOLOGIE :
Chorégraphie
Dans l’atelier fiévreux que dispute Antonin
À celle qui foudroie des éclairs de lumière,
Crépite un feu de braises en l’âtre léonin
Rugissant de concert aux flammes coutumières.
Il guide le tempo du ballet près du four
Émergeant de sa gueule une pâte de verre
Qu’épouse en la fournaise sa canne1 d’amour
Saisissant la fusion sans le moindre revers.
Anne chasse ses pas enivrés des vapeurs
Des oxydes de cuivre et cobalt métalliques,
Et vise en transparence un regard de trappeur
Sur la feuille2 affûtée de pointes italiques.
Il enchaîne les tours au rythme du cueilleur
Puis roule sur le marbre3 un cylindre et sa bulle4
Se jouant des soubresauts et du chahut rieur
Que la mailloche5 souffle au verre qui fabule.
Anne a choisi la baie6 du vitrail en projet
Puis a couché le lit du calibre7 en ses calques7
Invitant Antonin à ne point déroger
Aux mesures du bal pour leur art qui décalque.
Attisant la rancœur de la Corporation
La verrière8 a séduit l’Antonin par l’ouvrage,
Orchestrant leur passion par l’incorporation
De la danse du sable et du feu sans barrage.
Il n’est dans ces contrées d’exemple plus furieux
Qu’un passeur de lumière9 aux ordres d’une femme
Fusionne avec éclat leurs médaillons10 glorieux
En repoussant dans l’ombre les ragots infâmes.
Mais les prélats heureux de la manne des dons
D’Anne et de l’Antonin servant leur basilique11
Condamnent ces rumeurs en encensant leur don
Qui rayonne en vitraux aux pourtours idylliques.
Les maîtres des couleurs offrent aux châtelains
L’horizon pigmenté de leurs nobles racines
Éblouissant l’aplomb du ciel de Josselin
Par l’arabesque enjouée d’un talent qui fascine.
J’évoque dans ce poème aussi bien le travail du souffleur de verre que l’art du vitrail avec en évidence « leur vocabulaire spécifique », dont voici quelques indications :
1 C’est avec une « canne » constituée d’un long tube de métal creux que le souffleur de verre « cueille » dans le four la « paraison », en l’espèce une boule de verre en fusion (1110 à 1160°) faite de pâte de verre « la fritte » constituée d’un mélange de sable et de soude.
2 La « feuille » de verre est une pièce plate (vitre) qu’utilise le vitrailliste.
3 Le « marbre » est une table (en acier plutôt qu’en marbre) placée à côté du four sur laquelle le verrier pose en le faisant rouler au bout de sa canne, le « ballon » en fusion tout juste sorti du four, afin de commencer à lui donner une forme cylindrique régulière. On dit qu’on « marbre le verre ».
4 Le verrier souffle à travers sa canne creuse dans la paraison une 1re bulle d’air qu’il emprisonne aussitôt en bouchant avec son pouce l’orifice de la canne dans laquelle il vient de souffler ; laquelle va se dilater sous l’effet de la chaleur et créer une « bulle » s’intégrant au centre du verre fondu.
5 La « mailloche » est un outil du verrier, en bois de forme creuse ressemblant à une louche, lui permettant d’arrondir la masse de verre ou de cristal sortie du four.
6 La « baie » est donc une large ouverture pratiquée dans le mur d’une des galeries hautes de l’église dans laquelle selon sa forme va s’incruster le vitrail de forme oblongue ou en « rosace » ajourée (à ne pas confondre avec la « rose » qui est le vitrail lui-même installé dans la « rosace »). Les « lancettes » sont les grandes verrières ou rosaces des baies. Il y a aussi les « médaillons ». De grandes barres verticales et horizontales plates soutiennent le vitrail dans sa baie ; ce sont les « barlotières » ou des « clavettes » plus petites (chevillettes de fer plat).
7 Le « calibre » est un gabarit fait de papier fort épais servant donc de patron pour la découpe du verre. Son « tracé » méthodique est réalisé à partir d’une « maquette » avec des « calques » du dessin original. Notons qu’on aura préalablement retiré la valeur de « l’âme du plomb » séparant les « feuilles » de vitrail à l’aide de « ciseaux à calibrer » (à 3 lames).
8 La « verrière » ici, n’est pas la baie vitrée, mais bien la maîtresse-verrière telle dans mon poème « Chorégraphie », Anne. La distinction de ce vocabulaire habituellement masculin, n’est pas facile, car il s’applique tout autant aux « vitraillistes » chargés des vitraux qu’aux maîtres verriers souffleurs et graveurs de verre, tel ici Antonin...
9 Le « passeur de lumière » est un maître verrier vitrailliste.
10 Le « médaillon » est un vitrail constitué d’une seule pièce de verre peint à « la grisaille » ou de diverses façons intégrant de l’argent, du jaune clair, de l’acide ou de l’émail. Ces vitraux de faibles tailles sont généralement fort clairs et représentant des portraits sacrés, des animaux, des paysages, ou des armes héraldiques complétant des pièces maîtresses. On parle de « vitraux à médaillons ».
11 Il s’agit dans mon poème, de la basilique Notre-Dame-du-Roncier sise à Josselin (Morbihan).
Pierre Barjonet
Novembre 2021
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