Lexique Saison 6 Episode 1 Valentine
Lien vers le poème " Valentine " : ICI
- STATUAIRE FÉMININE ET MONUMENTS AUX MORTS, (Valentine)
Les monuments aux morts porteurs massivement de ce qu'il est convenu d'appeler la statuaire féminine, ont représenté au sortir de la Grande-Guerre, une activité de premier plan.
Imaginez plutôt, chacune des 36.000 communes de France a voulu son ou selon le cas, ses monuments aux morts, inaugurés à chaque fois en grande pompe Et pas seulement les villes, villages et bourgs, les administrations et services publics aussi, avec les Ministères, les casernes, les entreprises, les écoles, lycées et facultés, les églises aussi, les gares de chemin de fer ou la poste...
Sur un total de 150.000 inaugurations patriotiques de monuments aux morts entre 1919 et 1935, seule une douzaine de communes s'en dispensa ! Il faut dire que cette terrible guerre fit pas moins de 1.450.000 soldats français morts ou disparus (sur la dizaine de millions au total des pays belligérants) et sans compter les victimes civiles ni les blessés...
Ce fut donc, malgré la crise économique, l'absence de tout et de nourriture, LE marché du siècle ! Une manne incroyable pour toute une série de professions couvrant principalement les sculpteurs (peu de sculptrices) dont les statuaires (spécialisés dans les statues), mais aussi les marbriers, fondeurs, graveurs, architectes, etc. qui ont réalisé selon le cas des monuments uniques, mais plus généralement, les mêmes sculptures d'ailleurs proposées dans des catalogues aussitôt imprimés.
Si les femmes n'étaient que très peu, parmi les sculpteurs, bien que certaines étaient des sculptrices réputées telles Anna Bass (1876/1961), Strasbourgeoise, de la Société Nationale des Beaux-Arts qui réalisa le mémorial de Bastélica (Corse-du-Sud) ou Raymonde Martin (1887/1977) des Beaux-Arts de Marseille qui fut infirmière sur le Front, et sculpta le monument aux morts de Néris-les-Bains (Allier), la modélisation féminine des sculptures et des monuments aux morts fut en revanche, légion.
Ainsi, la "statuaire féminine" eut ses lettres de noblesse avec la représentation de la femme de diverses façons, dans des attitudes bien souvent pieuses, agenouillées, ou au contraire levant les bras vers les cieux dans une posture en partie dénudée.
La femme fut donc élevée en :
- figure allégorique (guerrière, glorieuse, France victorieuse, porteuse de drapeau, victoire ailée portant le glaive et casquée, Marianne, Déesse antique symbolisant la Liberté, pleureuse en douleur, vierge éclairant le Monde...),
- mère, femme ou fille de soldat le berçant, protégeant, pleurant, voire le vengeant...,
- figure réaliste (paysanne, bergère, religieuse...),
- groupe.
La représentation académique fort réaliste l'emporte naturellement sur toute autre forme d'expression. Les matériaux utilisés mettent en avant la fonte de fer ou le bronze, le marbre, le calcaire ou les pierres locales dont le granite, la lave ou le grès.
Parmi les hommes, le sculpteur Maxime Real del Sartre (1888/1954), de l'école des Beaux-Arts de Paris, blessé aux Éparges (comme beaucoup de sculpteurs), amputé du bras gauche, modela et sculpta plus d'une centaine d'ouvrages.
Il y eut également un autre sculpteur, Émile Derré (1867/1938), se définissant lui-même comme artiste engagé "militant pour un art fraternel et largement humain" qui provoqua un immense scandale, un peu plus tard en 1923 au Salon d'automne, en y exposant une sculpture mettant en scène un "couple" d'un soldat français et d'un soldat allemand enlacés et dénudés comme des amants !
Cette oeuvre nommée "Réconciliation, tu ne tueras plus" en tant que "plus grand monument à la paix qui soit", déclencha les foudres des patriotes revanchards qui souillèrent la statue du soldat allemand reconnaissable à son casque, avant que cette sculpture ne fut retirée du Salon. Laquelle a disparu.
Émile Derré représente d'une certaine façon notre saga de Laurine puisque deux de ses oeuvres sont encore présentes dans le square Louise Michel de Montmartre : " La grotte de l'amour " et " La fontaine des innocents ".
Maxime Real del Sartre
Emile Derré photographié par Nadar
et sa fameuse sculpture " Réconciliation "
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