La crue
Wagner - La chevauchée des Walkyries
La crue
Le bruit se fit plus net chevauchant le faubourg
En cette nuit d’hiver sous la lune d’opale,
Ressemblant aux graviers que fouette le labour
Mordorant les ténèbres de visions trop pâles.
Escaladant la Butte en vagues d’assaillants
Les rats se libérèrent des égouts en fièvre,
Du clapotis visqueux, des passants toussaillant,
Fuyant la ville en crue de la Seine à la Bièvre.
Le pain vint à manquer, chacun barricada
Sa porte des cloportes si fourbes et glauques.
Pourtant Mademoiselle en aumône brada
Du pain de sarrasin pour mendiants à voix rauque.
Tout Paris se surpris à endiguer les flots
Des résidus bloqués, de l’écume diffuse,
Des boues de pandémie jusqu’à la rue Soufflot,
Séchant les naufragés sauvés de leur Méduse…
On était loin d’Iéna, d’Austerlitz ou d’Eylau
Grelottant du vacarme éclaboussant la scène
De la Bérézina de ces pontons sous l’eau
Et du Zouave englouti par la vase de Seine.
On hissa des dortoirs hébergeant ceux d’en bas
Dégoulinant de peur, mais frissonnant d’estime
Envers leurs sauveteurs au farouche combat
Contre les éléments des prédictions ultimes…
Laurine submergée quand le timbre tinta,
Recueillit en pitié de jeunes orphelines
Blessées par des Gaspards, dont la file teinta
De rubis chaud sa blouse en fil de popeline.
Leurs nonnes avaient cru qu’en longeant le Maquis
Leur trajet serait court, mais ce fut la vermine
Qui vint les débusquer de ses derniers acquis
Colonisant la Butte avant qu’on l’extermine.
Quand le torrent gronda ses miasmes dans les rues,
Que les hommes s’armèrent d’espoir et de rames,
Le déluge cessa raccompagnant la crue
Bannie du Sacré-Cœur et de Paris en drame.
Pierre Barjonet
Avril 2019
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 27 autres membres