Les fusains du TITANIC
J'avais rédigé ce papier en forme d'ode au Titanic, ou plutôt à Jack, l'irlandais qui aimait sa Rose dans le film, en 97, et qui noya ses fusains dans sa quête de beauté intemporelle.
Il me semble aujourd'hui que l'évocation de son dessin a toute sa place ici.
TITANIC 2 « LE RETOUR »
Deux fois, non quatre, encore quatre, sept fois, neuf même ! Ils ont tous vu « Le Film », pardon : « elles », forcément éperdues du si craquant Léonardo Di Caprio... Dur, dur pour nous, simples mortels terriens n’ayant jamais goûté aux charmes de l’ange séducteur ; ça se saurait...
Tous réunis, enfants, « zadolescents », jeunes et vieux, ont sombré leur mélancolie dans un océan d’amour et de nostalgie.
Même les « contre », adeptes du « zart-zé-essais » ont craqué, discrètement craqué... Mais qu’est-ce qui nous fait courir ainsi à la recherche du temps, éperdus de se mesurer pendant 3 h 20 à peine, en quête du Graal, pardon du « Cœur de l’Océan », bijou mystique qui déroule le film entre deux eaux ? Sûrement pas la passion hollywoodienne, ni les suspects fantasmes qui agitent les films catastrophe (ce qu’il n’est pas), ni le voyeurisme historique version « Tempête du désert ». Alors quoi ? À chacun de lire les très nombreuses critiques cinématographiques qui n’ont pas manqué de barrer la route à ce titan dont la partie immergée se heurte aux flots de dollars U.S. Fonde la glace devant l’évidence !
Finalement, TITANIC est un mythe.
Comme tel, il figure dans le panthéon imaginaire occidental des « grands mythes ». Ceux de Tristan et Iseut, de Roméo et Juliette ou de Faust qui pactise avec le Diable. Triste sort jeté en pâture à ceux qui guettent encore la voile d’une Nef blanche dans la lointaine patrie des ombres. À une différence près : nous pleurons des larmes de diamant, la mort glacée de Jack en faisant semblant de croire que nous les dédions aux victimes irlandaises de 3e classe. Las, Rose ne meurt pas, mais revit pour nous sa survie. Nous le savions dès le début. Nous connaissions la légende que conte une Rose fanée, mais pas sa fin intemporelle si proche de nous par l’intimité que dégage notre foi dans ces deux héros wagnériens (la musique en moins).
Dans notre inconscient collectif, nous avons besoin de croire à l’amour impossible, celui des Dieux qui se voile toujours d’une issue tragique en guise d’expiation de nos envies secrètes socialement refoulées. Avec Titanic, le 7e art est céleste. Il gomme l’injustice du destin en lui substituant l’impertinence de l’amour aveugle et un rôle de premier plan à la jolie naïade qui voulut quitter les 1ères. La greffe prend, et sous la voûte étoilée que berce à peine l’Onde froide et calme, fonce vers l’au-delà la vie qui s’abîme dans le mugissement des Sirènes.
J’ai adoré Titanic, alors qu’en attendant de franchir le parcours du parent-combattant dans la panique des places restant vacantes, je me réchauffais de prétextes justificatifs à une démarche honteuse si facilement transgressée.
Quand Jack et Rose, dominant le monde, se juchent si haut, tout à l’avant du navire en sorte de figure de proue emblématique, forts de leur jeunesse insouciante des préjugés dans leur différence de classes, insubmersibles dans leur amour passionnel et si frêles à la fois devant l’avenir qu’on sait fini, j’ai ressenti le vent du large. Des larmes salées ont perlé aux rives de mes yeux habituellement fermés aux histoires d’amour outre-Atlantique.
Quand le fusain de Jack s’empare de la nudité d’une Rose éblouissante d’émotion s’offrant à l’artiste au regard troublé, mais au geste sûr, il ne saurait y avoir de naufrage à la beauté qui ondoie. Les Roses ont l’éclat de leur pudeur.
Mais quand vient la lumière, et que baignent brutalement nos parkings routiniers dans des flots de bitume, l’on se sent coupable d’être encore terriens et si loin de la White Star qui luit en nous...
Pour ne point sombrer dans l’amertume, « TITANIC 2 LE RETOUR » s’arrachera probablement à nos songes. Il n’y a guère d’illusion sous nos latitudes, il nous renverra brutalement sur terre, là où les icebergs n’existent pas.
Quand il sortira, n’allez pas le voir !
P. BARJONET (1999)
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