Torpeur
TORPEUR
Le lac du Salagou s'ancre dans la vallée du même nom, au coeur de l'Hérault, dans un bassin géologique exceptionnel.
Les paysages spectaculaires donnés par le contraste des ruffes (pierres rouges) et de la végétation austère de la garrigue montagnarde sont d'une beauté à couper le souffle.
Ici, la terre brûle sous le fouet d'un soleil omniprésent.
Le bleu d'un ciel tentaculaire se mirant dans les eaux chaudes du lac, confronté à l'or de la paille et à l'ocre des terres, donnent une idée de ce que peut ressentir le peintre isolé sans sa palette.
J'ai laissé mon esprit cheminer au gré des épis sauvages dans l'enchevêtrement du bruissement de la torpeur estivale...
Torpeur
La ronde des frelons s’invite sans concert,
L’épeautre du maquis s’abandonne et me sert
Ces ronces emmurées rengainant leur épine.
Ici, point de fléau pour la terre assoupie,
La pierre est sous le vent, les herbes accroupies.
Lavandes et chardons ploient en courbant l’échine.
Nul écho de ruisseaux, nulle treille inondée,
Ni pêches de vigne ni corolles d’ondées,
Mais l’ivresse assoiffée d’un vieux sol décharné.
Le vent ne porte plus de cigales dorées,
Leur vacarme a brûlé les brandes mordorées,
Et les tuiles ont lissé le soleil acharné.
L’ocre rouge a fondu les fusains d’horizon
La rocaille a tordu ces barreaux de prison
De bien triste masure esseulée sans visage.
Et la poupée figée sous sa frêle voilette
Semble se rassurer d’un parfum de violettes
À l’ombre d’un cyprès porté par un mirage.
Tapie sous l’olivier, la mante religieuse
Dévore le criquet de passion prodigieuse,
Naufragé de l’amour sur une couche en péril.
Des rides de courant de résine et d’écorces
Baignent leur ammonite aux atours qui se corsent
Épuisant d’émotions figuiers d’Inde en exil.
De Gueules est Salagou, de Sable les cathares,
D’Or en est la moisson stimulant les hectares,
Sinople est sa vallée, d’Argent les éboulis.
Et les ombres de Pourpre aux chemins de traverse
Offrent à mes pas le frais sous l’Azur que déverse
Un ciel étourdissant comme un coup de roulis.
Et soudain la paroi de terrasses en tiroir
Verse aux flancs sa tranchée de cobalt en miroir,
Engloutissant la Ruffe en fosses insondées.
Le lac a des accents d’émeraude en sautoir,
Sertie dans la vallée, lavée par le battoir,
Submergeant de fraîcheur la lumière inondée.
Pierre Barjonet
Août 2015
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