Vapeurs
"L'Arlésienne" Georges Bizet
Vapeurs
Le froid s’est installé vitrifiant le chantier.
Des cristaux de verglas sur des marbres fendus
Témoignent de l’assaut de l’hiver tout entier
Et des sillons de glace luisent pourfendus.
Des ombres clouent les fers des chevaux affolés,
Portent des canadiennes et des chaufferettes,
Se coiffent de bonnets de loutres immolées,
Chaussent bottes fourrées d’allure peu discrète.
Mais ils ont décidé, Pierre-Auguste et Maureen
De visiter Monet, fière locomotive
Entraînant l’impression que rien ne les chagrine,
Ni la toile du gel, ni congères fautives.
« Saint-Lazare » enfumée de tourbillons neigeux
Couvre leur équipée du manteau des Carpates
Ou de Michel Strogoff… De quoi se prendre au jeu !
La voie de Bougival n’est guère un quai d’épate.
Laurine a préféré la tiédeur du logis,
La chaleur du fournil aux morsures du givre.
Enveloppée d’amour, faisant l’apologie
De José qui pétrit dans la maie ses vingt livres.
Hier ils se sont surpris dans un tendre baiser
Recouvert de farine en bonheur impalpable…
Ils se sont embrassés dans un souffle apaisé
Prolongeant leur étreinte en un songe coupable.
Dispersant le ballast, soufflant contre le vent,
Le monstre de vapeur s’enlise en fin de gare.
Monet qui les attend les précède devant
Ce train qu’il a repeint quand frisait son regard.
Sur les coteaux d’en haut par les champs et vergers,
Les voici qui s’ébrouent des flocons en tornades
Et souriant à Maureen qui s’en vient d’émerger,
La défient de poser nue sur la promenade !
Mais c’est plus sagement qu’à l’atelier, rendus,
Plongeant dans la vapeur du logis aux chimères,
Que nos amis raniment un « carton » pendu
Se boursouflant ravi de ses couleurs primaires.
Pierre Barjonet
Février 2019
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