Le peintre
Auguste RENOIR - "Jeune femme au crochet "
musique du film "Pirates des Caraïbes"
Le peintre
— Rejoins-moi au Chantier, dit Maureen à « sa sœur » !
— Va, je t’y trouverai. Que vole l’alouette…
Son air enamouré, ses taches de rousseur,
Virevoltent gaiement en vive pirouette.
Laurine a découvert que sa poudre de riz
Bleutée comme il se doit de blancheur théâtrale
Et ses fards ombragés sous les cieux de Paris
N’avaient d’autre raison qu’une passion florale.
Quand elle se rendit tremblante d’émotion
À ce chantier penché sur les cœurs de la Butte,
Maureen se parfuma d’essence et de lotions,
Glissant d’un pas léger que le vent ne rebute.
En cette fin d’automne encombrée de chaleur
Le Chantier s’est figé dans un four de poussière
Enfarinant la sueur, embaumant la pâleur
Des carriers engoncés dans la gangue meunière.
Mais « lui », s’est redressé contre son chevalet,
Transcendant la lumière endolorie de touches.
Le voici, conduisant en maître de ballet,
L’étoile des pigments qu’à l’envi ne retouche.
Dans l’harmonie des coins et pics donnant l’assaut,
Des massettes cintrées pleurant contre le marbre,
Le peintre entend mener les bois de ses pinceaux
Capturant la vigueur des pierres sans les arbres.
Il fascine Maureen, l’étrange magicien.
Mais lui ne la voit pas. Son regard qui se plisse
N’entend que la portée cuivrée des musiciens,
Ne suit que le tracé des minéraux qui crissent.
N’osant le dérouter de son lumineux cap
Maureen suit les remous des naïades éprises.
Elle s’ancre au fanal de son fol handicap
L’approchant hors du temps, craignant vive méprise.
Pourtant levant la tête il l’aperçoit soudain,
La crayonne d’emblée, la croque et la transperce.
Relevant son chapeau, son œil se fait mondain,
Auguste est submergé par l’onde des yeux pers.
Pierre Barjonet
Février 2019
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