Le bazar de la charité
Le bazar de la charité
TF1 va diffuser une nouvelle série romanesque intitulée " Le bazar de la charité " à compter du 18 novembre 2019 (21h05) avec trois actrices de talent (Audrey fleurot, Julie de Bona et Camille Lou) dans les rôles principaux.
Sans interférer ni m'imiscer aucunement dans vos goûts ni vos préférences cinématographiques, culturels, romantiques ou historiques, Laurine se joint à moi pour vous rappeler que sa propre série poétique " La romance de Laurine " publiée ici, sur mon blog, comporte dans l'épisode 4 "Charité" de la Saison 4 "Mademoiselle", un poème relatif à ce drame.
En voici les liens vers les articles afférents :
Mais, à titre tout à fait exceptionnel, même si vous n'êtes pas abonné à ma chaîne poétique, je vous offre ci-après la retransmission directe de mon poème servi par son lexique correspondant.
D'ailleurs, l'une de mes héroïnes, malheureuse victime de ce terrible incendie, Victorine la lavandière, apparue dans le poème "Blanchisseuse" de la saison 3 "Maureen", épisode 8, trouvera la mort dans ce sinistre bazar de la charité...
Charité
Charité
Dans un dernier sursaut, Victorine enlaça
Ce pauvre enfant ployant dans le brasier horrible,
L’étreignant dans la mort par la peur qui glaça
La foule condamnée hurlant d’un cri terrible.
Pourtant la charité célébrait au Bazar
Une fête joyeuse en tant que bienfaisance
Offerte aux miséreux sans le moindre hasard
Dans l’attrait d’un décor en présence d’aisance.
Était reconstituée la rue d’un vieux faubourg
Au pavé médiéval de tours et d’échauguettes
Et de mâchicoulis en carton qu’on rembourre
D’étoffes et papiers entre stands et guinguette…
Des comptoirs surprenants déversaient leur butin
De draps et de brocarts, de linge ou de dentelle
Et de colifichets gargouillant de lutins
Soutenant leur enseigne happant la clientèle.
Victorine était là, maternant les tissus,
Nettoyant au besoin les taches aux tentures,
Louée pour l’après-midi, comptée sans être issue
De la noble assistance offrant les devantures.
Ainsi se trouva-t-elle sans aucun souci
Dans ce Bazar béni du Nonce apostolique,
Fleuri par Son Altesse en la sœur de Sissi,
Partageant les bienfaits des pieuses catholiques.
Le cinématographe était en projection
Quand soudain s’enflamma l’éther des pellicules
Brûlant dans sa clameur toutes les directions,
Piégeant les malheureux, soudant les particules.
Prisonniers des tourments, leur sort est un enfer.
Et quand d’horribles gens piétinent le Carmel
D’autres se sacrifient laissant leur corps offert
Aux dames de leur suite, au peuple qu’elles mêlent.
Le cœur avait voulu fusionner dans l’honneur
L’héroïque Duchesse et notre blanchisseuse
Sauvant bien des enfants, leur soufflant le bonheur
De prier délivrés de la mort ravisseuse.
Pierre Barjonet
Mars 2019
Lexique
- L'INCENDIE DU BAZAR DE LA CHARITÉ (Charité)
Un terrible incendie prit dans ses flammes le 4 mai 1897 une vente de bienfaisance mise sur pied depuis 1895, à l'emplacement actuel du 15/19 rue Jean Goujon de Paris (8è).
Ce drame fit la une de la presse et des journaux illustrés de la Belle époque. Ainsi, " Le Petit Parisien ", " L'Intransigeant ", " Le Petit Journal ", sans oublier " l'Illustration ", se firent-ils l'écho de l'horreur enflammant à son tour le coeur meurtri de leurs lecteurs. La débauche de dessins et lavis imprimés renforcés par des légendes fortement " imagées " laissait à chacun le soin d'imaginer les derniers instants de ces malheureux brûlés vifs... à l'instar des autres catastrophes !
Ainsi, le journaliste du Petit Journal du 10 mai 1897 écrivit-il :
" Le feu a fait mourir dans des souffrances plus atroces que celles infligées aux victimes du barbare Moyen-Âge, des femmes, des jeunes filles, des enfants ; pour la plupart titrées, riches, heureuses, réunies là pour faire la charité. Le feu a pris sa proie toute vive, et, détail odieux, la mort s'est amusée à dépouiller ses victimes. On a retrouvé nues de chastes jeunes filles, et involontairement, on songeait à la Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, qui aime mieux mourir et ne jamais revoir Paul que de se dévêtir et être sauvée. Ignoble mort qui, plus infâme que le boureau antique, insultait ainsi sa victime ! "
Cette tragédie fit 126 victimes, principalement des femmes (118 femmes identifiées dont plusieurs religieuses). À la différence d'autres catastrophes qui faisaient pourtant des milliers de morts dans le monde, celle-ci marqua pour longtemps les esprits. En effet, non seulement elle survint au milieu d'une kermesse philanthropique, mais de plus elle atteignit des personnalités largement titrées et fortunées, enfin, par l'accident lui-même survenu par l'utilisation toute nouvelle du cinématographe.
L'incendie se déclara dans la salle bondée du " cinéma " improvisé suite à une mauvaise manipulation de pellicules aux vapeurs d'éther par un projectionniste maladroit et inconscient qui gratta une allumette dans le noir...
Son geste provoquant aussitôt l'inflammation des vapeurs d'éther, s'ensuivit comme une traînée de poudre un brasier s'alimentant des étoffes, tissus, toiles, cartons et papiers servant de décor un peu partout à la reconstitution d'une rue du Moyen-Âge qui avait été aménagée dans cet entrepôt.
Il y avait de nombreux visiteurs et invités, principalement des femmes et des enfants. Mais comme il s'agissait d'une fête de bienfaisance, les organisateurs s'étaient entourés d'illustres personnalités largement titrées. Se comptaient donc non seulement des duchesses, marquises et même princesses, mais aussi des Dames patronnesses et autres bienfaiteurs fortunés, sans oublier non plus leurs domestiques. Du fait des matériaux extrêmement inflammables du hangar, dont une vaste toile goudronnée suspendue (...) et de l'absence totale de mesures de sécurité, en un quart d'heure, tout était consumé !
Par la panique engendrée auprès des 1.500 personnes présentes en ce long hall " moyenâgeux " du hangar en bois et l'étroitesse des issues, de nombreuses victimes furent piétinées avant que d'être rattrapées par les flammes. Comme toujours en pareil drame, des actes de lâcheté, mais aussi d'héroïsme se firent jour, servant d'ailleurs l'imagerie populaire largement relayée par la presse stigmatisant la couardise de nantis et vantant la bravoure de malheureux parmi les petites gens du peuple.
Cela dit, il convient de noter l'extrême héroïsme de la Duchesse d'Alençon (en photos ci-après), propre soeur d'Élisabeth " Sissi " impératrice d'Autriche, qui se sacrifia en sauvant des enfants, clients et vendeuses en les aidant à sortir par une petite porte. Mais prisonnière du comptoir du Noviciat, avec la la vicomtesse de Beauchamp, elles n'eurent pas la même chance...
Suite à une souscription lancée par le Cardinal Richard, Archevêque de Paris, une chapelle commémorative "Notre-Dame de consolation" (en photo ci-après), est inaugurée le 4 mai 1900 sur l'emplacement du sinistre.
La Blanchisseuse
Henri de Toulouse-Lautrec " La Blanchisseuse "
La blanchisseuse
Poussant comme un trophée sa brouette au lavoir,
Elle chante en passant à portée de Laurine,
Lui prenant ses tenues de finesse d’ivoire,
Car elle est réputée, la rousse Victorine.
Elle a fait son chemin, ne se contentant plus
D’éclabousser son corps en trimant sans méninges.
Et c’est en se traînant un soir qu’il avait plu
Que Jean la fit asseoir en déposant son linge.
Laurine l’accueillit, lui réchauffa le cœur,
Puis en la consolant, lui offrit d’autres tâches.
Séchant la lavandière honteuse quis’écoeure,
La voici qui s’émeut, la berce et se l’attache.
Ne couchant plus les draps, mais caressant l’exploit
De laver des dessous de finesse brodée,
Elle rince son sort en ce nouvel emploi,
Délaissant le chiendent de l’enfance érodée.
— Par le linge au cuvier, je vivais en enfer,
Rincé dans le lavoir, c’était mon purgatoire,
Séché dans la prairie, paradis m’est offert…
— Oui, chante Victorine et jette ton battoir !
Henri lui a souri quand il avait chuté
Sur l’un de ces savons glissant comme à Marseille,
Et qu’en se redressant sa cane avait buté
Troussant la blanchisseuse en froufrous qui sommeillent.
Depuis ils se sont vus en lavant leur vertu
Dix-neuf rue Pierre Fontaine en onde qui s’égoutte
Sans épancher le jeu de leur bonheur vêtu
D’eau fraîche et de fusains, d’alcool en goutte-à-goutte.
Heureuse elle détache en cendres son oubli
De la crasse des buées comme autant de lessives
Et pose sa candeur pour son peintre établi
Au rythme du cancan d’affiches transgressives.
Ses cheveux qu’il essore en autant de dessins
Déteignent sur la toile en coloration rousse.
Étendue, dévêtue, mais pudique à dessein,
Victorine l’enflamme comme un feu de brousse.
Pierre Barjonet
Mars 2019
Lexique
- LAVANDIÈRES & BLANCHISSEUSES, HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC (La blanchisseuse)
1/ LAVANDIÈRES & BLANCHISSEUSES : Il n'est pas vieux ce temps où la lessive était une grande affaire qui tenaient éveillées toutes les femmes d'un village durant plusieurs jours, deux fois l'an : au printemps avant les Rameaux et à l'automne avant la Toussaint.
Cependant, je ne vais pas vous conter par le menu cette grande histoire du linge lavé, mais plutôt vous convier à ouvrir ce LIEN vers un site remarquable qui raconte de façon claire et très bien documentée cette " histoire des femmes " (du nom du site)
site : http://dona-martin.blogg.org/histoire-des-lavandieres-et-de-la-lessive-a127710660
Juste pour information, il convient de distinguer les lavandières des blanchisseuses. Les premières exerçaient une corvée ou un métier aussi pénible qu'éprouvant à laver agenouillée dans l'eau glacée le gros linge et le linge très sale deux fois par an (...) puis à s'ébouillanter au grand cuvier, sans oublier toutes les étapes du tri, du rinçage, de l'essorage et de l'étendage...
Les blanchisseuses quant à elles bénéficiaient d'un plus grand "confort" car elles s'occupaient du linge fin et brodé et surtout, travaillaient généralement à leur compte. D'où la " promotion " de Victorine entrant au service de Laurine dans mon poème (La blanchisseuse).
2/ HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC : a peint les gens simples qu'il fréquentait à Montmartre comme sur le Boulevard : Clichy, Rochechouart, Pigalle, Place Blanche, et... à son domicile 19, rue Pierre Fontaine (voir mon poème).
Et pourtant, il était issu de la noblesse illustre et ancienne des Comtes de Toulouse. Handicapé, infirme et souffrant d'une maladie atteignant les os, il s'installait dans les cabarets, bars et salles de spectacle, sans oublier les maisons closes lui permettant alors non seulement d'assouvir ses besoins, mais surtout de croquer, esquisser, peindre et dessiner sur le vif non pas des modèles figés, mais des personnes bien vivantes s'animant dans leur décor. Les prostituées par exemple lui paraissaient bien plus aptes à se mouvoir naturellement nues que des modèles.
Il s'est rendu célèbre par ses toiles et affiches représentant tout ce petit peuple de Montmartre et de sa vie nocturne faite notamment des danseurs et danseuses du French-cancan du Moulin-rouge. Mort très tôt, à 36 ans des suites de l'alcoolisme (il possédait une canne creuse remplie d'alcool), de sa passion pour l'absinthe et de la syphilis, il nous reste de lui ses oeuvres aussi remarquables qu'éphémères par les sujets visités.
Dans mon poème, il tombe amoureux de Victorine la blanchisseuse. Il aurait tout autant pu la peindre (voir ci-après) comme l'un de ses modèles préférés : Jane Avril, la chanteuse Yvette Guilbert ou Louise Weber dite " La goulue ".
Personnellement, j'ai un faible pour cette toile " La blanchisseuse "
Aristide Bruant par Toulouse-Lautrec
Ajout d'un lien (le 8/11/2019)
Suite à l'information transmise par mon amie Paola, je vous invite à visiter l'excellent site/blog " Paris à nu " de mon autre ami Gérard (adresse de son site : Paris à nu )
Il évoque en effet un évènement peu banal autour de ce drame du bazar de la charité, mettant en scène une voyante célèbre de cette époque habitant rue Paradis, Henriette Couédon, qui prédit cet incendie tragique... !
Suivre ce lien : Henriette Couédon, la voyante de la rue de Paradis
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 27 autres membres