Traverses
Traverses
L’aube en grelotant transperçait l’illusion
De ces plaines figées nous berçant en cadence.
Et la brume assoupie peignait la décadence
De la fenêtre ouverte en froides effusions,
Tandis que murmurait la plainte des traverses
Frissonnant sous le train comme sous forte averse.
Nous dormions tous en haut, lovés dans les filets,
Ayant jeté valise en dessous la banquette.
Nous pleurions la fumée brunissant la moquette,
Prenant garde aux brandons enflammant nos gilets,
Toussant en écoutant s’entrechoquer nos billes
Et rêvant de loco, crachant des escarbilles.
Les photos « noir et blanc » qui bordaient le miroir
Nous laissaient espérer que nos fraîches vacances
Répondraient à nos vœux bordés d’inconséquence
Redoutant les secrets trouvés dans nos tiroirs.
Et toujours ce refrain, du wagon qui résonne
En épousant les rails, comme un chat qui ronronne.
La veilleuse allumée nous semblait un flambeau
Les cuivres astiqués luisaient comme des torches
Faisant naître la peur que nos songes n’écorchent
L’absence de sommeil et la nuit en lambeaux.
Mais quand crissaient les freins en approchant Valence
Nous goûtions le repli des roues dans le silence.
Toujours, nous ressentions le tambour de l’écho
Aiguillant tous nos sens quand vibrait la voiture,
Au départ annoncé, engageant l’emboîture
Avec une autre rame emportant son écot.
Puis roulait ce sifflet semblant percer la toile
Du rideau rabaissé repoussant les étoiles.
Bientôt l’on danserait sur nos maigres paquets
Ayant colonisé nos places de seconde
Humant sans tragédie cendrier qu’on dégonde
En ce compartiment muré par son loquet.
La rumeur du couloir achevait notre histoire,
La brise de la mer baignant notre auditoire.
Pierre Barjonet
Janvier 2016
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