Le maquis
film : Rosemary's baby (piano)
Le maquis
Un jour n’y tenant plus, Laurine voulut voir
Son taudis devenu, sa boueuse ruelle.
Entre les rues Lepic, Caulaincourt, cette foire
Du maquis de Montmartre s’ouvrait si cruelle.,
De sa naissance obscure qui n’éclairait pas
Son enfance diaphane privée de lumière,
Elle avait trop souvent ignoré son repas.
Ayant atteint six ans, elle fuit sa chaumière.
On l’avait retirée du monde des gourbis.
Ayant fait voile alors pour la terre d’Irlande
Où les trèfles sauraient recouvrir son fourbi,
Elle s’épanouirait sous le crin des shetlands.
Saint-Patrick lui offrit Maureen pour horizon,
Les lacs et les cascades pour rincer sa fange.
L’accent anglais chassa sans nulle autre prison,
Son jeune argot titi du maquis sans les anges !
Mais la vie n’est que drames semant la pâleur
Des graines de Circé, l’infâme qui sépare
La tendresse de l’âme en autant de malheurs,
Et tourmentant Laurine en forçant son départ !
C’est en allant quérir de la farine en vrac
Que Laurine battit le pavé des impasses.
À l’eau de la fontaine aux miracles qu’on traque
Désaltéra l’envie de revoir cet espace.
La Tour du philosophe ayant planté pignon
Jetant sur ses disciples ses piteux poèmes,
Il s’en verrait souvent des catins en chignon,
Des voyous en goguette et fripons de bohème.
Sentant qu’on la mâtait, Laurine accéléra,
Abjurant son quartier, son passé, sa gâtine.
Des larmes labourées du joug d’un scélérat,
Les escaliers de bois avaient gardé patine.
Ondulant du sordide et des fleurs de pavot
La menant à Westport et Paris sans disgrâce,
S’imprime son destin la sortant du caveau
Par l’aube flamboyante en la pitié des grâces.
Pierre Barjonet
Février 2019
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