Naufrage
Naufrage
Quand la pluie déversa ses flots de regrets glauques,
Le vieil homme esseulé plongea dans ses chimères.
Suppliant un instant que le suintement rauque
Des larmes de son toit protègent son Homère,
Éloignant l’Odyssée d’un torrent de linceuls,
Le vieillard affolé frissonna d’être seul.
Cela faisait dix jours que les dieux de l’Olympe
S’évertuaient à donner du limon pour sa vigne,
Offrant l’eau convoitée de la crue qui regrimpe
À la terre offensée sous des vapeurs indignes.
Puis le ciel féconda les faubourgs assoiffés,
Les labours oubliés, les arbres décoiffés.
Songeant à la Pythie soufflant à Thémistocle,
D’édifier par le bois une flotte qui perce
L’âpre cupidité du fol Empire Perse,
L’érudit se hissa près du mur sur un socle.
Alors il contempla les rives déployées
De la belle Atlantide en ce matin, noyée.
Des vagues végétales colorées de souches
Escaladant le temple de sa bibliothèque,
Souillant sa chevelure et submergeant sa couche,
Figèrent sa stature en parodie d’Aztèque.
Soudain, le remous noir étreignit la poupée,
Délivrant son courant, aspirant l’épopée.
Le fleuve ouvrit enfin cette brèche à l’histoire,
Couvrant ses papyrus d’une onde sans racines,
Tourmentant, effaçant ses livres et grimoires,
Coulant son regard blême au chaos qui fascine.
Et le berceau surgit tout à coup, transpercé
Par des roseaux brisés, à jamais renversé…
Pierre Barjonet
Juin 2016
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