D'Airain
D'Airain
De tous temps, l'infamie des vainqueurs oppresseurs et des collaborateurs instaurateurs d'un nouvel ordre moral, a donné lieu à des exactions abjectes ; en tout premier lieu desquelles, les populations civiles qui en paient un lourd tribut.
Mais la haine comme la rancoeur des dominateurs ne se limite pas aux personnes.
Elle s'attaque aussi aux traces et aux vestiges historiques ainsi qu'à l'empreinte démocratique des civilisations.
L'histoire en la matière n'est, hélas, pas avare d'exemples. Il n'est d'ailleurs qu'à suivre l'actualité...
Non loin de notre présent immédiat, s'est déroulé un fait plus ou moins oublié des parisiens, l'enlèvement puis la destruction par leur fonte d'une centaine de statues métalliques de la capitale, ordonnée par le gouvernement de Vichy le 11 octobre 1941. Le bronze devait être remis aux autorités allemandes afin de servir leur armement. Le plus incroyable réside dans le choix des statues.
Je vous laisse deviner lesquelles furent condamnées à l'enfer des hauts fourneaux... en attendant les autres !
Et je vous invite à lire et regarder cet excellent article sur ce sujet mis en oeuvre par : www.paris1900.lartnouveau.com
donc en suivant directement ce lien : ICI
Ce témoignage de notre histoire contemporaine m'a été communiqué par mon ami Claude G. d'une association amie.
Je lui dédie ce poème.
D’Airain
L’histoire s’était tue, la ville était battue,
Les hommes étaient perdus sans l’âme des statues,
L’infâme avait coulé nos héros nationaux.
Vichy s’était noyée dans le flot des alliages
Liquéfiant nos poètes en sinistres pillages
Imitant les barons fondant des fauconneaux.
L’honneur abandonnant nos rues à des verrues,
Le bronze de Zola périt dans la charrue,
Et la fonte d’Hugo n’abreuve le gueulard.
Par Marat fracassé, Condorcet ou Shakespeare,
Et par le lion furieux du métal qu’il expire,
Ledru-Rollin se meurt blanchi sous le meulard !
L’impiété de La Barre, en verve de Voltaire,
L’hérésie de Dolet, brûlé que l’on fit taire,
Rejoignent ainsi le feu des métaux, pour trousseau.
Et l’accord des vendus dessoude nos poilus,
Nos Berlioz ou Chopin, roulés dans leurs chaluts
Nos Chappe ou Vélasquez, et Jean-Jacques Rousseau.
Mais par secret effroi d’une expiation divine,
N’abattent pas les rois ni leurs vierges racines,
Préservant du bûcher leurs saintes dévotions.
N’ont pas compris les fous que leurs funestes fautes
Offrent aux statues fauchées des prières plus hautes,
Celles des résistants aimés de la Nation.
Fumerolles de plomb refermant les paupières,
Des gloires décimées par ceux qui les épièrent
S’unissent pour crier faute de piédestal.
Quand se dresseront-elles les statues que l’on livre ?
Quand donc reverront-elles le Paris des beaux livres ?
De toute République elles en sont les vestales.
Pierre Barjonet
Juin 2015
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