Accords
Chopin : nocturne en si bémol mineur opus n°1
La romance de Laurine
Saison 1 "Laurine"
- 7 -
" Accords "
Accords
Cela faisait six mois que Laurine émergeait.
L’accueil de Maître Jean recouvrait sa détresse.
En métamorphosant son chagrin submergé
La boutique du veuf avait trouvé maîtresse.
La misère n’était plus qu’un vague poignard,
Souvenir émoussé planté dans la ruelle,
Comme son matelot qu’elle avait fait bagnard.
Cette bonne maison comblait sa vie cruelle.
Ses journées se pressaient en belle inclinaison
Pour l’ouvrage accompli sans l’ombre d’une embûche.
Elle avait sublimé tant de déclinaisons
De tissus en rideaux, napperons sous les cruches.
Elle avait décoré le comptoir du logis,
Osé y inviter canaris et perruches,
Lessivé sans détour et fait l’apologie
D’hygiène immaculée jusque dedans la huche.
Jean lui avait appris à compter sans crédit,
Mais Laurine esquivait oubliant des piécettes
Dans les mains des enfants sans autre tragédie.
Quand quatre heures sonnaient, leur donnait des sucettes.
Il était un piano qu’on avait descendu
De l’étage à l’entrée, tout contre la vitrine.
Laurine savait jouer des accords bien rendus,
Et son charme opérait, doux comme la feutrine.
Dès l’aube on l’entendait éveiller ses oiseaux,
Partitionnant le jour en douces harmonies.
Au bénédicité poussait sa voix mezzo,
Puis après le souper, couchait sa colonie.
Ses progrès chromatiques bordaient le printemps.
Par ses accords majeurs accueillant les clientes,
Se calant sur le mi du carillon teintant,
Laurine offrait au pain, noble croûte riante.
La boutique joyeuse enchantait le faubourg
Et déjà quelques prix trônaient sur la crédence.
Multipliant les pains et les douceurs d’amour,
Laurine et Maître Jean travaillaient en cadence.
Pierre Barjonet
Janvier 2019
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 27 autres membres