Fugue de neiges
Fugue de neiges
Peinant à refermer la porte Tourangelle
Il entendit ses pas s’accorder dans la neige,
Blottissant ses pensées en délicieux arpèges,
Car il l’aimait déjà… dépassant la tourelle.
Puis la margelle happa ce décor sans buissons
Tandis qu’il s’engouffrait dans le froid des frissons.
Il songeait au luthier, à sa fille Florence,
À l’atelier voilé de rideaux de dentelle,
Aux luths accompagnant de folles tarentelles,
Aux violons endormis sous écrins de garance.
Était-elle irréelle en châle de vison
Celle qui lui servit du thé sous les tisons ?
Les copeaux parfumés des tables d’harmonie
Lui semblaient refléter l’ivoire sans vermine
Des flocons affolés en pelisses d’hermine
Dansant et folâtrant non sans cérémonie.
Dans ce décor ancien que ravive le son
D’un carillon bruyant, il frémit sans façon.
Lui souriant doucement de ses yeux verts et pâles
Alors qu’il franchissait le porche d’un autre âge,
Elle l’accompagna sans un mot, simple et sage,
Puis elle lui remit sa baguette d’opale.
Vibrant en la touchant, l’orchestre étant son lot,
Il lui en déchiffra l’amour dans cet îlot.
Soudain se fit entendre en prélude des larmes,
Une fugue de Bach de tuyaux et de anches
Résonnant jusqu’au sol, descendant sur les hanches,
Sourdine de raison, leur déroulant ses charmes.
Et le souffle de l’orgue enfla leurs sentiments
Puis un vibrant accord se fit assentiment.
Brusquement la bourrasque emporta ses chimères.
Le ciel s’était ouvert aux mitrailles de glace,
Sculptant dessous les toits, les gargouilles en place,
Plongeant dans l’eau du puits les remords éphémères.
Soupirant de dépit, il glissa dans la nuit
Sous l’ombre médiévale d’un décor qui luit.
Pierre Barjonet
Février 2016
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